Un éminent chercheur canadien a affirmé que les autorités sanitaires du Nouveau-Brunswick (Canada) l’ont interdit de poursuivre ses enquêtes sur une mystérieuse maladie cérébrale sévissant dans la région. Se manifestant par des symptômes similaires à ceux de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, elle affecterait déjà plus de 200 personnes. Alors que la maladie continue à se propager, l’expert soupçonne que des motivations politiques sont à l’origine du manque d’implication des autorités locales.
La maladie de Creutzfeldt-Jakob est due à l’accumulation d’une protéine (la protéine prion) mal repliée conduisant à la formation d’agrégats toxiques au niveau du cerveau. Cela conduit à une dégénérescence rapide du système nerveux central. Elle se manifeste initialement avec des symptômes non spécifiques tels que la dépression et l’anxiété, puis des troubles de la mémoire, de l’orientation et du langage, à mesure qu’elle progresse. À ces symptômes s’ajoutent par la suite des spasmes musculaires, des tremblements incontrôlés et des troubles de la vision.
La mystérieuse maladie, signalée en 2021 au Nouveau-Brunswick, se manifeste avec des symptômes similaires, mais avec des variations encore jamais observées pour une maladie neurologique. Mis à part les symptômes de démence et les troubles du mouvement, certains patients salivent de manière incontrôlée, tandis que d’autres ont constamment la désagréable sensation d’avoir des insectes rampant sur leur peau. Selon les médecins locaux, la quarantaine de patients signalés à l’époque sont majoritairement jeunes. Des cas isolés recensés en 2015 concernent même des jeunes de 18 ans.
Cependant, un an plus tard, le comité de surveillance sanitaire indépendant créé par la province a indiqué que le groupe de patients a très probablement été mal diagnostiqué. Leur rapport indiquait que plutôt que de souffrir d’une supposée maladie inconnue, ils souffraient de pathologies communes telles que le cancer ou la démence. Or, les médecins ont affirmé que les cas remontant à 2015 étaient en parfaite santé avant de présenter soudainement les étranges symptômes de la maladie.
Le Comité, ainsi que le gouvernement local, ont également remis en question le diagnostic du neurologue Alier Marrero, à qui des dizaines de cas avaient été confiés. Plus tard, le médecin a identifié davantage de cas. Toutefois, le rapport final du Comité concluait qu’il n’y avait pas de groupe de personnes souffrant d’une maladie cérébrale inconnue, ce qui a définitivement mis fin à l’enquête des médecins.
Cependant, des courriels échangés entre les médecins de l’enquête et qui ont été divulgués à The Guardian, suggèrent que la maladie continue de se propager de manière inquiétante. Les allégations sont survenues deux ans après que la province a officiellement clôturé son enquête. Les courriels concernaient l’éminent microbiologiste Michael Coulthart (qui a participé aux enquêtes) et des membres de l’Agence de santé publique du Canada (ASPC).
« Tout ce que je dirais, selon mon opinion scientifique, est qu’il se passe quelque chose de réel [au Nouveau-Brunswick] qui ne peut absolument pas être expliqué par les préjugés ou les agendas personnels d’un neurologue individuel », a-t-il écrit. « Certains cas pourraient être mieux expliqués par ce dernier cas, mais il y en a tout simplement trop (maintenant plus de 200) », pouvait-on lire dans les échanges.
Une maladie due à l’exposition aux herbicides ?
Dirigeant actuellement le système de surveillance canadien de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, Coulthart estime que la nouvelle maladie ne possède pas vraiment les caractéristiques des pathologies neurodégénératives connues. Cela a, selon lui, probablement servi d’échappatoire aux politiciens, peut-être en considérant que les données manquaient de cohérence. Depuis la fin de l’enquête de 2021, le chercheur a déclaré qu’il a été exclu de toute autre investigation concernant la maladie.
« Les politiciens ne veulent pas reconnaître qu’il se passe quelque chose de grave, car ils devraient alors y remédier », a déclaré au The Guardian l’une des patientes. Cette dernière (restée anonyme) a ajouté que depuis que le Comité a publié son rapport final, elle n’a reçu aucune aide ni suivi malgré l’aggravation de ses symptômes. Actuellement, elle souffre de tremblements incontrôlés et de troubles de la coordination. La dégénérescence de sa vision et de sa mémoire seraient équivalentes à celles d’une patiente plus âgée de plusieurs décennies. La femme ne peut aujourd’hui plus cuisiner et doit utiliser un haut-parleur intelligent pour lui rappeler de prendre ses médicaments, de se nourrir ou de se laver. Une autre patiente, aujourd’hui âgée de 24 ans, souffre également de perte de mémoire et doit se déplacer en fauteuil roulant depuis qu’elle est tombée malade en 2019.
Selon l’expert, la maladie est probablement provoquée par une exposition environnementale à certains composés toxiques, tels que le glyphosate. Ce composé est présent dans les herbicides utilisés par les entreprises forestières de la région. Cette hypothèse est soutenue par Marrero, qui a effectué en 2023 une demande de quantification environnementale du composé au gouvernement canadien. Cependant, bien que celui-ci ait signalé le nombre croissant de patients, les responsables locaux de la santé publique n’auraient apparemment reçu que 29 notifications de sa part, qui sont toujours en cours d’examen.
D’autre part, des copies de l’échange d’e-mails entre Coulthart et l’ASPC ont été envoyées au Comité parlementaire de la santé par un groupe de défenseurs des patients. Toutefois, il n’est pas clair si des mesures ont été prises par la suite.