Des chercheurs de l’Université de São Paulo ont découvert que l’adaptation du tissu musculaire à l’exercice aérobie modifiait le métabolisme des cellules souches musculaires, de façon à favoriser la guérison. Cette découverte pourrait être utilisée pour aider les gens à se remettre d’une blessure et à lutter contre la perte de masse musculaire associée au vieillissement.
Les chercheurs brésiliens ont réussi à établir un lien entre la respiration cellulaire et le renouvellement des cellulaires musculaires. C’est la première fois que des scientifiques mettent en évidence l’influence de l’exercice aérobie sur le métabolisme mitochondrial dans les cellules satellites, et de quelle façon cela affecte la régénération musculaire.
De l’exercice pour un meilleur renouvellement cellulaire
En sport, on distingue deux types d’activité : les activités de type aérobie et celles de type anaérobie. Plus ou moins intenses, ces activités ne mobilisent pas les mêmes ressources. L’exercice aérobie est d’intensité modérée ; c’est un effort d’endurance, que l’on peut généralement soutenir assez longtemps (en course à pied, en vélo, en natation, etc.). Il mobilise 65 à 80% de la fréquence cardiaque maximale et puise l’énergie dans les réserves de graisse de l’organisme. À l’inverse, l’exercice anaérobie est plus intense (il s’agit par exemple de courir un sprint). Ici, l’effort mobilise 85 à 90% de la fréquence cardiaque maximale. Les muscles puisent de l’énergie dans les réserves de sucres et produisent de l’acide lactique.
Des recherches antérieures ont montré que la pratique de l’haltérophilie, comme d’autres activités de musculation, augmente le nombre de cellules satellites, des cellules souches situées à proximité des cellules musculaires. Lors d’une lésion du muscle squelettique, ces cellules satellites sont rapidement activées pour régénérer le muscle. Mais ces mécanismes de réparation n’avaient jusqu’à présent jamais été étudiés. Deux chercheurs de l’Université de São Paulo, Phablo Abreu et Alicia Kowaltowski, se sont penchés sur la question et viennent de publier leurs résultats dans la revue Journal of Cachexia, Sarcopenia and Muscle.
Grâce à un certain nombre d’expériences menées sur des souris, ils ont ainsi découvert que l’exercice aérobie stimulait la croissance des cellules satellites et que d’importantes altérations métaboliques étaient à l’origine du phénomène. « Nous avons noté une réduction de la consommation d’oxygène dans les cellules satellites, tandis que l’exercice augmentait la demande en oxygène dans tous les autres tissus musculaires », précise Abreu.
Pour obtenir ce résultat, ils ont soumis un groupe de souris à une série d’exercices aérobiques, sur un tapis roulant, pendant cinq semaines ; un second groupe témoin est resté sédentaire. À l’issue de la période, les chercheurs ont comparé les performances physiques et les capacités de régénération musculaire de chaque groupe. Les souris « sportives » ont montré des performances (en termes de vitesse et de distance) et une capacité de réparation bien meilleures. L’activité physique spontanée a également augmenté chez ces souris entraînées.
Dans un second temps, ils ont examiné les altérations (après blessure) sur des cellules satellites isolées des souris soumises à l’exercice physique : « Nous avons constaté que les animaux entraînés avaient des fibres musculaires plus récemment formées, ainsi que moins de dépôts de tissu fibreux et moins de signes d’inflammation », souligne Abreu. Il s’avère en outre que le taux des protéines chargées de réguler les phases de repos et d’activation des cellules — lors desquelles se déroule l’autorenouvellement ou la différenciation — avait augmenté. Dans l’ensemble, les résultats suggèrent que l’exercice d’endurance favorise l’autorenouvellement et la quiescence (repos) des cellules satellites, mais inhibe la différenciation sans affecter leur prolifération.
Une question de consommation d’oxygène
Les cellules satellites sont responsables de la régénération et de la préservation des tissus musculaires. Tout au long de la vie, ces cellules sont activées suite à des blessures ou simplement par l’usure due à l’exercice. Certaines se différencient alors en cellules tissulaires, tandis que d’autres s’autorenouvellent, donnant naissance à de nouvelles cellules satellites pour que le cycle puisse se poursuivre.
Ces cellules sont ainsi constamment activées, mais avec le temps elles peuvent se fatiguer et cesser de s’autorenouveler. C’est ce qui se passe notamment dans la dystrophie musculaire et les maladies entraînant une perte de masse musculaire telle que la cachexie (un affaiblissement global de l’organisme lié à une importante dénutrition) ou la sarcopénie (une dégénérescence liée à l’âge). Soulignons, au passage, que dès l’âge de 30 ans, le tissu musculaire subit une dégénérescence progressive de l’ordre de 3 à 8% par décennie ; cette perte s’accélère dès 50 ans, et à 70 ans nous avons perdu la moitié de notre masse musculaire au profit du tissu adipeux.
La pratique régulière de sport aérobie permettrait-elle de ralentir la perte musculaire liée à l’âge ? L’étude d’Abreu et Kowaltowski montre en tout cas que l’exercice aérobie maintient la capacité de régénération des tissus musculaires et contribue à la récupération après une blessure. « Si nous avons plus de cellules renouvelées, cela signifie que nous avons plus de cellules capables de régénérer les tissus ». Le fait que les cellules satellites consomment moins d’oxygène pendant l’exercice a particulièrement intrigué les spécialistes. Cette observation allait en effet à l’encontre de l’hypothèse initiale des chercheurs, qui avançaient que du fait que l’exercice aérobie améliorait la capacité d’oxydation musculaire et que les cellules satellites étaient ancrées à la surface du tissu musculaire squelettique, leur capacité oxydative devait nécessairement augmenter.
La respiration cellulaire — le processus via lequel l’énergie chimique est libérée lors de l’oxydation des molécules organiques — se produit dans les mitochondries. Jusqu’à récemment, ces organites étaient considérés comme étant uniquement responsables de la production d’énergie. Mais de plus en plus d’études suggèrent que les mitochondries sont en réalité impliquées dans plusieurs autres processus, dont le renouvellement des cellules satellites pourrait peut-être faire partie.
Pour le confirmer, Kowaltowski et Abreu ont réalisé d’autres expériences : ils ont tout d’abord utilisé des médicaments pour imiter l’effet d’une consommation réduite d’oxygène sur des cellules cultivées en laboratoire ; puis, ils ont transplanté des cellules de souris entraînées dans des souris sédentaires. Résultat : ils ont bel et bien constaté qu’une consommation d’oxygène réduite améliorait l’autorenouvellement des cellules satellites. Dans le cas des cellules transplantées, le taux de réparation n’a pas changé, mais l’inflammation a diminué, suggérant une récupération musculaire améliorée.
Maintenant que le lien est clairement établi entre la consommation mitochondriale d’oxygène et l’autorenouvellement des cellules satellites, les chercheurs prévoient maintenant d’en étudier tous les effets. « En bref, nous devons comprendre pourquoi l’inhibition de la respiration cellulaire améliore la récupération musculaire », résume Kowaltowski. Une fois le voile levé sur ce phénomène, il sera possible de le reproduire pour traiter la perte de masse musculaire liée à l’âge ou résultant d’un cancer, une perte la plupart du temps irréversible.