L’équipe du navire d’exploration Nautilus, géré par l’organisation à but non lucratif Ocean Exploration Trust, a fait une découverte fascinante en explorant la crête Liliʻuokalani, dans le monument national marin de Papahānaumokuākea, situé au nord-ouest des îles Hawaï : une structure ressemblant à une route pavée jaune, menant vers une destination improbable. Il s’agit en réalité des vestiges d’une ancienne activité volcanique.
« La route vers Atlantide », c’est en ces termes que les scientifiques décrivent ce qu’ils ont sous les yeux dans le documentaire publié sur la chaîne YouTube du navire. Il est vrai que trouver de telles structures géométriques et perpendiculaires au fin fond de l’océan a de quoi surprendre. Mais les experts ont rapidement identifié des formations géologiques issues d’une ancienne activité volcanique : la « route » se compose en effet d’une coulée fracturée de hyaloclastites — des roches volcaniques issues du refroidissement explosif d’une lave au contact de l’eau.
C’est au sommet du mont sous-marin Nootka que l’équipe a repéré cette formation unique et fascinante, ressemblant à un lit de lac asséché. Les fractures à 90 degrés sont probablement liées aux contraintes de chauffage et de refroidissement résultant des multiples éruptions de cette crête sous-marine, expliquent les membres de l’équipage. Plusieurs échantillons de roches basaltiques recouvertes de croûtes de ferromanganèse ont été récupérés sur les lieux. Les découvertes réalisées dans cette zone peu étudiée auparavant apportent de précieuses informations, tant sur la géologie que sur les organismes méconnus qui peuplent ces anciens monts sous-marins.
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Une chaîne sous-marine riche en surprises
L’organisation Ocean Exploration Trust, fondée en 2008 par le Dr Robert Ballard — à qui l’on doit la découverte de l’épave du Titanic et du cuirassé Bismark de la Kriegsmarine —, se concentre sur l’exploration scientifique des fonds marins, sur le développement de nouvelles méthodes et technologies pour mener au mieux cette exploration et sur l’éducation des jeunes quant à l’importance des STEM (acronyme de science, technology, engineering, and mathematics) et en particulier des sciences océaniques. La plupart des expéditions se font à bord du Nautilus, un navire de recherche de 68 mètres, équipé de véhicules sous-marins téléguidés. Les vidéos des différentes missions sont retransmises sur le site du projet.
Le monument national marin de Papahānaumokuākea (PMNM), au large d’Hawaï, est l’une des plus grandes aires marines de conservation au monde — plus grande que tous les parcs nationaux des États-Unis réunis — mais seuls 3% de son fond marin a déjà été exploré. L’an dernier, une expédition avait permis de cartographier la quasi-totalité de la chaîne des monts sous-marins de la crête Liliʻuokalani (plus de 32 000 km² au total). Tous ces monts sauf un se sont avérés être des guyots à sommet plat, dont les profondeurs de sommet sont comprises entre 583 m et 997 m.
L’équipe est revenue sur les lieux le mois dernier pour capturer les premiers visuels et collecter des échantillons de la zone ; les principaux objectifs étaient de déterminer les origines géologiques et l’âge de ces roches afin de mieux comprendre la formation des îles hawaïennes du nord-ouest. Il était notamment question d’enquêter sur la scission qui sépare cette chaîne de volcans en deux groupes distincts — une répartition étrange sachant que les chaînes de volcans des points chauds sont généralement linéaires. Comme à l’habitude, l’équipage a partagé les détails de cette nouvelle mission sur sa chaîne YouTube :
Une impressionnante collection d’étoiles de mer
Outre la découverte de l’étrange « route pavée » (à 2’00 sur la vidéo), on peut observer dans ces images comment l’équipe a récupéré des échantillons de basaltes grâce au bras robotisé du véhicule sous-marin. Parmi ces roches basaltiques grisâtres, les chercheurs ont également découvert une pierre très poreuse (à 4’43) d’apparence tout à fait atypique, de forme et de couleur différentes, qu’ils ont d’abord prise pour une éponge.
L’exploration de ces monts sous-marins est également l’occasion d’étudier la biodiversité des lieux ; l’équipe espérait notamment trouver de riches communautés de coraux et d’éponges, que l’on trouve couramment sur les monts sous-marins de ces profondeurs. Ils n’ont pas été déçus : les pentes des monts rocheux étaient couvertes de jardins de coraux et hébergeaient des créatures surprenantes — telles qu’un concombre de mer violet, une sorte de baudroie recouverte d’épines ou encore un « cochon de mer » (ou scotoplane) tout à fait original, visibles dans la vidéo suivante.
Ces images captivantes mettent en lumière toute la richesse des fonds marins, dont les scientifiques ne connaissent finalement qu’une petite partie. Dans une expédition en cours, une équipe s’emploie à tester les capacités de nouveaux équipements autonomes, qui permettront d’explorer l’océan à distance et sans supervision humaine. Puis, au début de l’été, une autre mission prévoit d’explorer plus avant la biodiversité des monts sous-marins, en particulier au niveau de l’atoll Johnston — l’un des plus isolés au monde ; entre autres objectifs, il est prévu de recenser la densité et la diversité des habitats benthiques de cette zone.