Des chercheurs ont détecté du cannabidiol (CBD) dans le Trema micranthum blume, un arbuste originaire d’Amérique du Sud généralement considéré comme une mauvaise herbe. Alors qu’on pensait que ce précieux composé bioactif ne se trouvait que dans le cannabis, sa présence dans une autre plante offre une nouvelle voie de disponibilité pour l’utilisation médicale — sans compter que celle-ci ne contient pas de tétrahydrocannabinol (THC), la substance psychoactive rendant le cannabis interdit dans de nombreux pays.
Le cannabis est utilisé depuis des siècles dans la médecine traditionnelle pour soulager divers maux tels que la douleur chronique et les affections respiratoires. Ses propriétés bioactives proviennent de 3 principaux cannabinoïdes : le tétrahydrocannabinol (THC), le cannabidiol (CBD) et le cannabinol (CBN). En médecine moderne, le CBD est toujours plus utilisé dans le cadre de traitements contre l’épilepsie, l’anxiété, la dépression et la douleur chronique. Des vertus antibactériennes ont également été rapportées lors d’essais cliniques visant à éliminer des bactéries résistantes aux antibiotiques conventionnels.
Les Tréma appartiennent à la même famille que le cannabis (Cannabaceae) et sont couramment utilisés en tant qu’anti-infectieux et antipyrétiques (contre la fièvre) en médecine traditionnelle orientale. Des chercheurs de l’Université fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ) ont détecté du CBD dans le Trema micranthum blume (ou ortie jamaïcaine), un taxon originaire d’Amérique du Sud. Étant donné la large distribution de la plante, il s’agit d’une aubaine pouvant potentiellement améliorer la disponibilité du CBD et réduire la dépendance au cannabis.
Une variété qui ne contient pas de THC
T. micranthum blume est un arbuste poussant principalement dans les biomes tropicaux à saisons sèches du sud de l’Amérique. Généralement considéré comme une mauvaise herbe, il est jusqu’à présent non valorisé en médecine moderne et est davantage collecté pour le bétail ou pour la production de biocarburant. L’analyse phytochimique des fruits et des fleurs de la plante a montré qu’elle pourrait être utilisée comme alternative au cannabis.
Alors que les experts brésiliens n’ont pas encore publié leurs résultats, des chercheurs ont précédemment détecté d’importantes quantités de CBD ainsi que d’autres cannabinoïdes (THC et CBN) dans une variété apparentée (T. orientalis) que l’on trouve en Thaïlande. Cette recherche, datant de 2021, est la première à avoir détecté du CBD dans une autre plante que le cannabis. Elle a révélé qu’à seulement 31,25 à 125 µg/ml de concentration en CBD, les extraits complets de la plante ont montré une activité inhibitrice contre Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa et Acinetobacter baumannii — des souches bactériennes connues pour leur susceptibilité à l’antibiorésistance. Les composés actifs peuvent être extraits de presque toutes les parties de la plante, des baies à l’écorce en passant par les fleurs.
La variété indigène sud-américaine quant à elle ne contient pas de THC selon les chercheurs brésiliens, ce qui pourrait permettre de contourner les obstacles juridiques liés à l’utilisation de ce type de plante. En effet, le THC est responsable de la sensation d’euphorie ressentie par les consommateurs, le rendant interdit à la consommation et à la production dans de nombreux pays (car considéré comme une substance psychoactive). Pour une utilisation médicale, la concentration légale en THC est par exemple limitée à 0,2% au Brésil et à 0,3% aux États-Unis ou en Europe. De plus, l’utilisation du CBD extrait du cannabis est limitée à certaines conditions médicales au Brésil, telles que l’épilepsie de l’enfance et de l’adolescence. Ailleurs dans le monde, son utilisation est un peu moins restreinte. Certaines personnes s’en servent par exemple pour soulager les effets secondaires associés à la chimiothérapie ou pour compléter un traitement ou pour réduire les douleurs chroniques.
« Dans le cas de la plante brésilienne, cela ne poserait pas de problème, car elle ne contient pas de THC. Il n’y aurait également aucune restriction légale à la plantation, car elle peut être plantée à volonté », explique dans un communiqué l’auteur principal de l’étude, Rodrigo Moura Neto, de l’UFRJ. « En fait, elle est déjà répandue dans tout le Brésil. Ce serait une source plus accessible et moins coûteuse pour obtenir du cannabidiol », ajoute-t-il. Son exploitation pourrait également contribuer au contrôle écologique de cette plante à croissance rapide et susceptible de devenir envahissante.
Prochainement, Moura Neto projette de mettre sur pied une équipe de biologistes afin de cartographier les méthodes les plus efficaces pour extraire le CBD du T. micranthum blume. Des essais in vitro seront également effectués dans environ six mois, afin de déterminer si le composé possède les mêmes effets bioactifs que celui extrait du cannabis.