Le diabète est une pathologie causée par le dysfonctionnement des voies métaboliques de la régulation glycémique. Largement répandu dans le monde (principalement aux États-Unis, où il touche 8% de la population), il est responsable d’environ 2% de la mortalité en Europe. Le traitement principal du diabète est l’auto-injection d’insuline par le patient. Cependant, la méthode d’administration peut être contraignante et rebuter de nombreuses personnes. C’est pourquoi des chercheurs ont récemment développé une alternative en mettant au point une pilule d’insuline. Les premiers tests chez le rat ont montré des résultats très satisfaisants.
En utilisant des couches de nanomatériaux pour emballer l’insuline, des chercheurs ont développé une méthode stable et efficace pour administrer l’hormone par voie orale à des rats sans la soumettre à la destruction par les acides gastriques, résolvant un problème de longue date dans la science pharmaceutique. Le système, décrit dans une étude publiée dans la revue Chemical Science, pourrait remplacer l’administration sous-cutanée traditionnelle d’insuline pour les patients diabétiques.
Cela éliminerait le besoin d’auto-injection et rendrait le traitement plus accessible. « Imaginez pouvoir prendre de l’insuline avec une pilule au lieu de l’injecter deux ou trois fois par jour. L’insuline a été placée dans un système qui la protège de l’environnement acide de l’estomac. Une fois dans le corps, le système peut détecter le taux de sucre dans le sang et peut libérer l’insuline chargée à la demande », déclare Farah Benyettou, chercheuse au Trabolsi Research Group de l’Université de New York à Abu Dhabi.
Le diabète est la septième cause de décès dans le monde et sa prévalence a quadruplé au cours des 40 dernières années. Les patients atteints de diabète de type 1 ne produisent pas du tout d’insuline, tandis que ceux atteints de diabète de type 2 n’en produisent pas suffisamment, ou leur corps ne réagit pas à l’insuline produite. Dans les deux cas, en l’absence d’insuline, le corps n’est plus capable de décomposer le sucre dans le sang, ce qui peut être fatal. L’insulinothérapie est une intervention qui change la vie.
Auto-injection d’insuline : une méthode rebutante
Et tandis qu’environ 30% des patients diabétiques prennent de l’insuline, beaucoup retardent le traitement parce qu’ils craignent de s’auto-injecter. Plusieurs études ont documenté cet effet. Une étude de la revue Diabetic Medicine a révélé qu’environ 30% des patients retardent initialement le traitement par insuline. Ceux qui finissent par commencer retardent souvent le début du traitement de deux ans ou plus. Une pilule d’insuline pourrait résoudre ce problème efficacement.
« Notre technologie a le potentiel de permettre l’administration orale d’insuline d’une manière plus sûre, plus efficace et plus conviviale pour les patients, en allégeant le fardeau du traitement qui se limite à l’administration intraveineuse ou sous-cutanée », explique l’auteur principal Ali Trabolsi. Mais une pilule d’insuline est en quelque sorte un Saint Graal des produits pharmaceutiques diabétiques. L’insuline est délicate et elle est facilement détruite par les acides gastriques, ce qui rend difficile sa formulation sous forme de pilule.
Des travaux ont été faits pour réaliser un traitement par insuline administré par voie orale. Certains ont même été approuvés par la Food and Drug Administration des États-Unis. Mais une pilule d’insuline vraiment efficace n’a pas encore vu le jour sur le marché. « Malgré les essais cliniques de plusieurs formulations d’insuline orales, un développement commercial suffisant n’a pas encore été réalisé », indique Trabolsi.
Protéger l’insuline tout en la rendant accessible : la solution des nanomatériaux
Le problème que ces systèmes rencontrent est le mécanisme d’administration ou la manière dont l’insuline pénètre dans le sang. Le système doit protéger l’insuline tout en lui permettant d’être administrée là où c’est nécessaire. C’est cette pièce du puzzle que Trabolsi et son équipe ont cherché à résoudre. Ils l’ont fait en plaçant l’insuline en sandwich entre des couches de nanomatériaux résistants à l’acide gastrique, mais sensibles au sucre.
« Notre travail surmonte les barrières d’administration de l’insuline par voie orale en utilisant des nanoparticules de nCOF chargées d’insuline, qui confèrent une protection de l’insuline dans l’estomac, ainsi qu’une libération sensible au glucose. Cette technologie répond rapidement à une élévation de la glycémie, mais s’arrêterait rapidement pour éviter une surdose d’insuline, et pour finir améliorera considérablement le bien-être des patients diabétiques dans le monde », déclare Benyettou.
Les nanomatériaux sont suffisamment durables pour résister à la digestion et garantir que le traitement parvient à la circulation sanguine. Ils sont également capables de contenir et de conditionner jusqu’à 65% de leur propre poids en insuline. Et comme le sucre lui-même déclenche la libération d’insuline par les nanomatériaux, le médicament et le corps forment une boucle de rétroaction qui empêche le surdosage, qui peut survenir accidentellement avec l’insuline injectable.
Bien que le traitement soit très prometteur, la présente étude ne décrit son utilisation que sur des rats. L’équipe travaillera ensuite à affiner la chimie de son système en explorant et en testant différents types de nanoparticules. Cependant, les chercheurs ont bon espoir qu’à l’avenir, leur traitement changera la façon dont les patients diabétiques abordent leurs soins.