Stress, anxiété, peur — ces émotions intenses peuvent entraîner une hyperventilation, aussi appelée dans ses prémices « respiration anxieuse ». Pour stabiliser ces turbulences émotionnelles, la régulation de la respiration à travers des exercices de méditation ou de yoga s’avère une méthode efficace. Une étude récente a exploré comment ralentir consciemment la respiration peut aider à retrouver un état émotionnel stable, révélant un circuit cérébral qui serait fortement impliqué. Selon les chercheurs, un groupe de neurones, connecté au tronc cérébral, coordonne la respiration avec l’état émotionnel. Une avancée qui ouvre la voie à des traitements ciblés pour l’hyperventilation et les troubles de stress post-traumatique.
Le syndrome d’hyperventilation sévère se manifeste souvent lors de crises d’angoisse ou d’épisodes stressants. Bien que généralement sans gravité, il reste handicapant, car les individus tentent de compenser une sensation de manque d’air par des respirations plus rapides et profondes. Cette augmentation du taux d’oxygène peut entraîner des troubles visuels, des vertiges et des bouffées de chaleur et, si aucune mesure n’est prise, une tétanie (perte de contrôle des muscles) suivie d’un malaise. Diverses disciplines de bien-être recommandent des exercices de respiration lente, inspirés du yoga ou de la méditation, pour apaiser ce syndrome.
Mark Krasnow, professeur de biochimie à l’Université de Stanford, soutient ces pratiques en affirmant que la maîtrise de la respiration profonde procure des effets relaxants au corps. En 2017, Krasnow et ses collègues ont mené une étude visant à mieux comprendre comment la conscience de la respiration peut apaiser l’hyperventilation.
Par le biais d’expériences sur des modèles murins, ils ont découvert un ensemble de neurones à la base du tronc cérébral impliqué dans la communication entre respiration et relaxation. Dans leur étude, publiée dans la National Library of Medicine, ils écrivent : « Nous avons identifié une sous-population neuronale dans le complexe pré-Bötzinger de la souris (preBötC), principal générateur du rythme respiratoire, qui régule l’équilibre entre comportements de calme et d’excitation ».
Dans une étude plus récente, des neuroscientifiques de l’Institut Salk ont approfondi l’exploration des mécanismes conscients de régulation respiratoire du tronc cérébral. « Le corps s’autorégule naturellement par le biais des respirations profondes. Harmoniser notre respiration avec nos émotions nous semble intuitif, mais nous ignorions comment cela fonctionne dans le cerveau », explique Sung Han, auteur principal de l’étude, dans un communiqué.
Reconnaissant le lien indiscernable mais évident entre les schémas respiratoires et l’état émotionnel, Han et son équipe ont supposé l’implication du cortex frontal du cerveau, connu pour orchestrer pensées et comportements. Ce cortex interagirait avec la moelle épinière, responsable notamment de la respiration autonome. Pour corroborer cette hypothèse, l’équipe a réalisé des expériences sur des modèles murins.
Dans leur étude, publiée dans la revue Nature Neuroscience, les chercheurs décrivent avoir retracé minutieusement les connexions entre différentes zones cérébrales, basées sur l’analyse d’une base de données sur les connectivités neuronales. Ils ont découvert un nouveau circuit respiratoire impliqué dans la stimulation de l’état émotionnel, puis ont identifié des neurones situés dans le cortex cingulaire antérieur qui sont connectés directement à une zone intermédiaire du tronc cérébral dans le pont, elle-même reliée à la moelle épinière.
« En découvrant un mécanisme cérébral spécifique responsable du ralentissement de la respiration, notre découverte pourrait offrir une explication scientifique aux effets bénéfiques de pratiques comme le yoga et la pleine conscience sur l’atténuation des émotions négatives, en les ancrant davantage dans la science », déclare Han.
Vers une meilleure compréhension de la communication entre les neurones corticaux et la moelle épinière
Cette première expérience a permis aux chercheurs de comprendre les connexions physiques entre ces différentes zones cérébrales. Les chercheurs ont ensuite exploré leur mode de communication et la manière dont l’activation de la moelle épinière pouvait influencer la respiration. Pour cela, ils ont enregistré l’activité cérébrale de modèles murins pendant une série d’expériences, les exposant à diverses situations stressantes modifiant leur comportement. Pour activer et désactiver artificiellement une partie des neurones du circuit cortex-pont-médullaire, l’équipe a utilisé l’optogénétique.
Les résultats ont corroboré l’hypothèse initiale. Les scientifiques ont constaté que lorsque la connexion était établie entre le cortex et le pont, les souris adoptaient un comportement calme et respiraient lentement. En revanche, face à un stress intense, cette communication faiblissait, entraînant une augmentation de la fréquence respiratoire. En activant optogénétiquement le circuit cortex cingulaire antérieur-pont-médullaire, le rythme respiratoire était normalisé et l’anxiété dissipée.
« Je souhaite utiliser ces résultats pour concevoir une ‘pilule de yoga’ », annonce Han. « Nous disposons désormais d’un circuit cérébral potentiellement ciblable pour créer des thérapies susceptibles de ralentir instantanément la respiration et d’initier un état paisible et méditatif », conclut-il.