L’endométriose est une maladie gynécologique caractérisée par la présence de tissus utérins à l’extérieur de l’utérus, ce qui entraîne une inflammation, des douleurs particulièrement intenses, ainsi qu’une infertilité dans 25 à 50% des cas. Cette maladie concerne 10% des femmes selon l’Inserm. Le traitement est généralement hormonal ou chirurgical, mais de nouvelles recherches menées par une équipe internationale pourraient conduire à d’autres options.
Bien qu’elle concerne une femme sur dix, l’endométriose est restée pendant de nombreuses années une maladie méconnue et par conséquent mal diagnostiquée — les douleurs exprimées par les patientes étant bien souvent associées à des douleurs menstruelles « typiques ». Dans les cas les plus graves, la maladie provoque de vives douleurs et s’avère très invalidante au quotidien. En effet, le tissu utérin qui s’est développé en dehors de l’utérus (sur la vessie, les intestins, le rectum, le diaphragme ou encore les poumons) réagit aux variations hormonales et se désagrège à chaque cycle menstruel.
La chirurgie et l’hormonothérapie (pilule contraceptive, ménopause artificielle, etc.) offrent parfois de bons résultats, mais peuvent toutefois entraîner des effets secondaires indésirables, c’est pourquoi d’autres formes de traitement sont vivement attendues. En effectuant une série d’analyses sur des femmes et des macaques rhésus atteints d’endométriose, une équipe de chercheurs est parvenue à identifier un gène spécifique, qui augmente le risque de souffrir de cette maladie. Ce gène pourrait dès lors constituer une nouvelle cible thérapeutique.
Une cause génétique confirmée chez des primates non humains
En analysant l’ADN de familles contenant au moins trois femmes atteintes d’endométriose, une équipe de l’Université d’Oxford, dirigée par le Dr Krina T. Zondervan, avait précédemment identifié un lien génétique sur le chromosome 7p13-15. Une autre équipe du Baylor College of Medicine, dirigée par le Dr Jeffrey Rogers, a vérifié — et confirmé — la présence de ce lien dans l’ADN de singes rhésus atteints d’endométriose. Ceci a mené à un séquençage plus approfondi des familles touchées par la maladie, qui a conduit aux responsables : de rares variantes du gène NPSR1.
Il se trouve que la plupart des femmes porteuses de ces variantes génétiques rares souffraient d’une forme d’endométriose de stade III/IV. Les chercheurs du Baylor College of Medicine ont séquencé de la même manière l’ADN des macaques rhésus, qui ont confirmé la présence de ces variantes au sein de l’espèce. « Il s’agit de l’un des premiers exemples de séquençage de l’ADN chez des primates non humains visant à valider les résultats d’études humaines et le premier à avoir un impact significatif sur la compréhension de la génétique de maladies métaboliques complexes et courantes », souligne Jeffrey Rogers dans un communiqué.
Une autre étude menée par l’équipe d’Oxford portant sur plus de 11 000 femmes, dont des patientes atteintes d’endométriose et d’autres, en bonne santé, a par ailleurs identifié une variante commune spécifique du gène NPSR1 également associée à l’endométriose de stade III/IV. Il était clair à présent que ce gène pouvait constituer une nouvelle cible potentielle pour le traitement de cette maladie chronique. À noter que les polymorphismes de ce gène ont d’ores et déjà été associés à la susceptibilité à l’asthme, aux troubles paniques, aux maladies inflammatoires de l’intestin et à la polyarthrite rhumatoïde.
Une piste prometteuse pour soulager les douleurs
En collaboration avec les chercheurs, les scientifiques du laboratoire Bayer AG ont donc développé un inhibiteur du gène NPSR1, destiné à bloquer sa signalisation protéique. Ils l’ont tout d’abord testé in vitro sur des modèles cellulaires, puis sur des modèles murins atteints d’endométriose. Cet inhibiteur a entraîné une réduction de l’inflammation observée in vitro, ainsi qu’une réduction significative de la douleur abdominale dans un modèle murin d’inflammation péritonéale ainsi que dans un modèle murin d’endométriose.
Ces résultats montrent que le gène NPSR1 « est une cible non hormonale génétiquement validée pour le traitement de l’endométriose, avec une pertinence probablement accrue pour la maladie de stade III/IV », écrivent les auteurs de l’étude.
Cette nouvelle cible non hormonale est d’autant plus prometteuse qu’elle semble s’attaquer directement aux composantes inflammatoires, et donc douloureuses, de la maladie. « Il s’agit d’un développement passionnant dans notre quête de nouveaux traitements de l’endométriose, une maladie débilitante et méconnue qui touche 190 millions de femmes dans le monde », a déclaré Krina Zondervan, professeur d’épidémiologie génomique et reproductive, directrice du département de santé féminine et reproductive de l’Université d’Oxford et co-directrice de l’Endometriosis CaRe Centre à Oxford.
L’endométriose est d’autant plus complexe à diagnostiquer qu’elle peut revêtir différentes formes (selon le stade de la maladie). Parfois complètement asymptomatique, elle n’est identifiée chez une patiente que lorsqu’elle éprouve des difficultés à concevoir un enfant ; lorsque des douleurs se manifestent, elles peuvent toucher plusieurs organes, à différents moments du cycle ou uniquement pendant les menstruations. Les chercheurs à l’origine de cette nouvelle étude vont à présent effectuer d’autres travaux pour mieux comprendre le mécanisme d’action et le rôle des variantes génétiques de NPSR1, dans la modulation des effets du gène dans des tissus spécifiques.