Actuellement, le vaccin contre la grippe saisonnière montre une efficacité faible, oscillant entre 30 et 60% (selon la correspondance avec la souche ciblée). Cette protection limitée est due au fait que le virus de la grippe mute très fréquemment et peut fortement différer selon les régions. Les scientifiques tentent donc de nouvelles approches non traditionnelles pour développer des vaccins plus efficaces, comme cela est le cas des nouveaux vaccins contre la COVID-19. Dans cette idée, des chercheurs de la Mount Sinai School of Medicine déclarent avoir mis au point un vaccin chimérique universel contre la grippe, agissant contre un large spectre de souches et de sous-types du virus.
Le candidat-vaccin récemment développé, qui induit des réponses immunitaires pour un large spectre de souches et de sous-types de virus de la grippe, a produit des résultats solides et durables lors des premiers essais cliniques chez l’Homme, ont constaté les chercheurs de la Mount Sinai School of Medicine.
Le vaccin produit des anticorps ciblant la partie de la protéine de surface du virus de la grippe, permettant de neutraliser diverses souches de grippe. Il s’agit d’un vaccin chimérique à base d’hémagglutinine (HA), et il a le potentiel de fournir une protection de longue durée avec deux ou trois injections, éliminant ainsi le besoin de revaccination pendant deux années ou plus. Il est décrit dans une étude publiée dans la revue Nature Medicine.
Un instrument de lutte universel
« Un vaccin contre le virus de la grippe qui donne une large immunité protégerait probablement contre tout sous-type ou souche émergente de virus et améliorerait considérablement notre préparation à la pandémie, évitant les problèmes futurs des pandémies tels que nous les voyons maintenant avec la COVID-19 », déclare Florian Krammer, docteur en médecine, professeur de microbiologie à l’école de médecine Icahn du Mount Sinai et auteur correspondant de l’étude. « Notre vaccin chimérique à base d’hémagglutinine constitue une avancée majeure par rapport aux vaccins classiques, qui sont souvent mal adaptés aux souches de virus en circulation, ce qui nuit à leur efficacité. En outre, la revaccination annuelle des individus est une entreprise énorme et coûteuse ».
La grippe saisonnière est un problème de santé publique majeur, qui provoque jusqu’à 650’000 décès chaque année dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé. En outre, les pandémies de grippe ou d’autres virus, comme l’actuelle épidémie de COVID-19, se produisent à intervalles irréguliers et peuvent faire des millions de victimes.
L’exemple le plus dévastateur est la pandémie de H1N1 de 1918, qui a causé environ 40 millions de décès. Les vaccins contre le virus de la grippe, qui constituent la meilleure arme préventive de l’arsenal de santé publique contre la grippe saisonnière, contiennent trois ou quatre souches du virus de la grippe affaiblies. Les anticorps produits réagissent ensuite plus ou moins aux virus circulant au sein de la population. Mais leur faiblesse inhérente, cependant, est que les souches de vaccins dans les formulations annuelles sont basées sur la surveillance sanitaire mondiale et des prévisions, qui sont souvent désynchronisées par rapport aux souches qui circulent réellement.
Sans compter que la situation est aggravée dans le cas des virus pandémiques émergents, car ce type d’épidémies ne peuvent être prévues et apparaissent soudainement, ce qui nécessite la production de nouveaux vaccins adaptés. Ce processus dure au moins six mois, ce qui laisse de larges pans de la population vulnérables.
Une protection durant près de 2 ans
Le vaccin HA chimérique cherche à corriger cette incertitude en ciblant une partie différente de la protéine hémagglutinine, la principale glycoprotéine de surface du virus de la grippe qui se lie aux récepteurs des cellules hôtes. Les vaccins conventionnels induisent des anticorps neutralisants qui ciblent la partie distale de l’hémagglutinine, connue sous le nom de « domaine de la tête globulaire ». Ce vaccin universel s’intéresse donc plutôt à la partie proximale de la protéine HA, appelée également « domaine de la tige ».
« Malheureusement, le virus est capable d’échapper à la neutralisation en faisant muter cette partie de l’hémagglutinine par un processus connu sous le nom de dérive antigénique », explique Peter Palese, professeur de microbiologie et directeur du département de microbiologie de l’école de médecine Icahn de la Mount Sinai, et co-auteur de l’étude. « Cette modification génétique, ou dérive, du virus, entraîne une immunité contre des souches spécifiques du virus de la grippe seulement, ce qui nécessite une reformulation et une réadministration fréquentes des vaccins saisonniers. Notre vaccin HA chimérique, en revanche, est dirigé contre la partie proximale de la protéine HA (le domaine de la tige), qui s’est révélée largement neutraliser diverses souches de virus de la grippe, tant chez les modèles animaux que chez l’Homme ».
« La beauté de ce vaccin est qu’il est non seulement à large spectre, mais multifonctionnel, avec des anticorps spécifiques qui peuvent neutraliser de nombreux types de virus de la grippe », souligne le Dr Adolfo García-Sastre, directeur de l’Institut de la santé mondiale et des pathogènes émergents et professeur de microbiologie à l’École de médecine Icahn de la Mount Sinai, également co-auteur de l’étude. « Ce vaccin universel pourrait être particulièrement bénéfique aux pays à faible et moyen revenu, qui n’ont pas les ressources ou la logistique nécessaires pour vacciner leur population chaque année contre la grippe ».
L’essai clinique de phase 1 réalisé par la Mount Sinai a évalué la sécurité et l’immunogénicité du vaccin chez 65 participants aux États-Unis, et a montré qu’il produisait une forte réponse immunitaire qui a duré au moins 18 mois après la vaccination. « Cette phase de nos travaux cliniques fait progresser de manière significative notre compréhension de la réponse immunitaire en matière de longévité, […] et nous laisse très encouragés quant aux progrès futurs de ce vaccin potentiellement révolutionnaire », déclare Krammer.
Bien qu’aucun résultat final concernant l’efficacité globale du vaccin n’a pu être émis, les experts estiment que la protection pourrait atteindre une efficacité d’au moins 80-90% contre la majorité des virus grippaux. Mais l’étude du candidat-vaccin n’en est qu’à ses balbutiements… Il est donc plus prudent d’attendre de nouvelles données avant de spéculer sur son efficacité.