Le « pile ou face » n’est pas aussi équitable qu’on le pensait, révèle une étude

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En 2007, Persi Diaconis avait suggéré que les tirages au sort par « pile ou face » ne sont pas aussi équitables qu’on le croit — autrement dit, il n’y aurait pas une chance sur deux d’obtenir pile ou face. Par le biais d’une expérience comprenant un total de 350 757 lancers de pièce, une équipe de recherche a récemment confirmé cette hypothèse, démontrant qu’il y a 50,8% de chances qu’elle retombe avec le même côté vers le haut (que celui précédant son lancement). Ces résultats pourraient avoir d’importantes implications dans certaines décisions à enjeux élevés ou certains jeux, telles que les élections démocratiques ou le football.

Depuis plusieurs siècles, le pile ou face est considéré comme étant un moyen a priori équitable de choisir entre deux options. Selon le modèle standard du lancer de pièce, les différences du résultat final proviennent de subtiles fluctuations dans les conditions initiales, telles que la position de départ, la configuration du lancer, la force du lancer, etc. Ces paramètres impliqueraient 50% de chances que la pièce présente vers le haut l’un ou l’autre de ses côtés en retombant. Ce résultat est valable à condition que l’expérience et la pièce soient équitablement configurées, c’est-à-dire sans variations dans la répartition du poids par exemple.

Cependant, Diaconis — un célèbre mathématicien et magicien professionnel américain — a remarqué que la probabilité selon laquelle une pièce pourrait atterrir plus souvent sur un côté plutôt que l’autre était rarement considérée. Diaconis a alors co-étendu le modèle standard du pile ou face (donnant lieu au modèle de Diaconis-Holmes-Montgomery, ou DHM), en suggérant que lorsqu’on lance une pièce, on introduit un léger degré de précession (oscillation). Ce phénomène se traduit par un changement dans l’inclinaison de l’axe de rotation le long de sa trajectoire et implique qu’elle passe plus de temps dans les airs en présentant sa face initiale plutôt que l’autre. Des expériences du chercheur datant de 2006-2007 ont montré environ 51% de chances que la pièce retombe en présentant le même côté que celui précédant le lancer.

À noter que des statisticiens ont tenté de vérifier le caractère aléatoire du pile ou face dès le 18e siècle. L’une des plus récentes expériences date de 2009 et inclut près de 40 000 lancers. Cependant, les résultats de cette dernière n’étaient pas assez convaincants pour confirmer ou non le modèle DHM. Dernièrement, un grand groupe de chercheurs européens, codirigé par l’Université d’Amsterdam, a revérifié les résultats de Diaconis en augmentant le nombre d’essais et en améliorant le protocole de suivi des résultats.

D’importantes implications dans les décisions à enjeux élevés

L’expérience de la nouvelle étude incluait 48 personnes qui ont effectué un total impressionnant de 350 757 lancers de pile ou face. Dans le but de pallier les erreurs liées à la conception, les pièces utilisées provenaient de 46 pays différents. À chaque lancer, les participants devaient noter sur quel côté la pièce atterrissait, puis le comparer à celui initialement présenté avant le lancement. En parallèle, chaque manipulation comportait un enregistrement vidéo. Les résultats sont publiés sur le serveur de prépublication arXiv.

Les chercheurs ont constaté que Diaconis avait raison quant à la présence d’un biais dans l’impartialité du pile ou face. Ils ont notamment remarqué qu’il y a 50,8% de chances que la pièce retombe en présentant le même côté que celui précédant le lancer. Sur les 350 757 lancers, 178 078 faisaient atterrir la pièce du même côté que celui du début. Ce résultat est considérablement proche de la prédiction du modèle DHM.

D’un autre côté, il est possible que l’effet de biais puisse être influencé par les différences individuelles entre les personnes manipulant les pièces. Dans un deuxième temps, les experts ont alors développé un modèle bayésien plus complexe, tenant à la fois compte du biais pile ou face et de celui potentiellement induit par l’hétérogénéité des participants. Les calculs ont révélé que les variations dans les taux (pile ou face) étaient sensiblement similaires aux précédentes.

Bien que le biais ne soit que de 1% environ, il pourrait être significatif si plusieurs lancers de pièce sont utilisés pour effectuer un pari, par exemple. Dans ce contexte par exemple, en la lançant 1000 fois et en pariant 1 euro à chaque fois, il est possible de gagner dans les 19 euros en moyenne.

En outre, le 1% de biais pourrait avoir d’importantes implications dans les décisions à enjeux élevés, telles que celles liées à la politique. En effet, l’apparente simplicité et la disponibilité des pièces impliquent que le pile ou face est souvent utilisé au cours de ces types de décisions. Par exemple, en 2003, il a été utilisé pour déterminer quelle entreprise se verrait attribuer un projet public à Toronto. Entre 2004 et 2013, on a tiré à pile ou face pour départager deux candidats arrivés à égalité lors d’élections aux Philippines. Le pile ou face permet aussi de décider quelle équipe débute un match de football, influençant ainsi les chances de victoire.

Source : arXiv

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