Des chercheurs de l’Université de Tel-Aviv sont parvenus à faire marcher des souris atteintes de paralysie aiguë et chronique grâce à des implants rachidiens conçus à partir de cellules souches pluripotentes induites humaines et d’un hydrogel à base de tissu adipeux. Sur les 15 souris qui ont bénéficié de l’implant, 12 ont recouvré la faculté de se déplacer normalement. Cette approche pourrait peut-être un jour être appliquée à l’Homme : l’équipe prévoit un essai clinique dans moins de trois ans.
C’est une première mondiale : ces chercheurs ont reconstitué du tissu de moelle épinière sain à partir de cellules humaines pour traiter avec succès la paralysie chez la souris. Ils envisagent la même approche sur l’Homme à partir de cellules directement prélevées dans le corps du patient, pour limiter tout risque de rejet. « Si cela fonctionne chez l’Homme, et nous pensons que cela fonctionnera, cela peut offrir à toutes les personnes paralysées l’espoir de pouvoir marcher à nouveau », a déclaré au Times of Israel l’équipe du professeur Tal Dvir du Centre Sagol pour la biotechnologie régénérative.
Les premiers essais cliniques pourraient être rapidement mis en œuvre, car l’équipe est déjà en discussion avec la Food and Drug Administration à ce sujet. De plus, les implants utilisés dans cette première expérience ayant été cultivés à partir de cellules humaines, la recherche est déjà à un stade avancé. « Nous avons utilisé des implants humains sur les souris, et non des implants de souris, ce qui signifie que nous ne revenons pas au début de la recherche pour passer à l’Homme. Au contraire, nous savons comment préparer les implants pour les humains, ce qui nous rend optimistes quant à la possibilité de passer rapidement aux essais cliniques », a déclaré Dvir.
Une approche qui imite le processus de formation de la moelle épinière
En principe, dans cette approche, un petit morceau de tissu adipeux est extrait d’un patient (d’un porc, dans le cadre de cette expérience) et les matériaux cellulaires et acellulaires sont séparés. « Nous séparons les cellules graisseuses des autres matériaux tels que le collagène et les sucres », précise le spécialiste. Le tissu adipeux en question, nommé omentum ou épiploon, est particulièrement riche en vaisseaux sanguins et en glucides, et affiche des capacités régénératrices remarquables, notent les chercheurs dans leur document de recherche, publié dans la revue Advanced Science. La matrice extracellulaire du tissu a ensuite été traitée pour devenir un hydrogel personnalisé.
Les chercheurs ont alors cultivé des colonies de cellules souches pluripotentes induites humaines dans cet hydrogel, pendant 30 jours. Ces cellules souches ont été soumises à un protocole de différenciation menant à des motoneurones de moelle épinière et les implants ainsi obtenus ont été directement introduits chez l’animal, au niveau de la lésion responsable de la paralysie. « Tout au long de l’étape de culture in vitro, les cellules et l’hydrogel ont montré un effet synergique, imitant le processus de formation de moelle épinière dans l’embryon », ont écrit les chercheurs.
Dans le cas d’une paralysie récente, les implants ont enrichi la région entravée de signaux biochimiques et mécaniques pour attirer les cellules progénitrices. Ils ont favorisé la survie et la greffe des cellules, ont réduit l’inflammation au niveau du site de la lésion et ont globalement amélioré la locomotion de l’animal. Dans le cas d’une paralysie chronique, après résection des tissus cicatriciels et mise en place des implants, les analyses ont montré une diminution de l’inflammation sur le site de la lésion et un nombre plus élevé de neurones avec une expression élevée de marqueurs associés à la germination des axones.
Des expériences similaires, visant à produire des cellules souches humaines pour les injecter dans la moelle épinière d’animaux, ont déjà été tentées à maintes reprises. Mais c’est la première fois qu’une équipe parvient à cultiver de véritables « morceaux » de colonne vertébrale, sous forme de réseaux neuronaux en 3D, et à les transplanter.
Une méthode efficace sur la paralysie aiguë et chronique
Les résultats de Dvir et ses collègues sont d’autant plus impressionnants que leur expérience impliquait également des souris paralysées de longue date — la plupart des recherches antérieures concernaient uniquement des animaux récemment paralysés. « Nous avons eu du succès avec les deux, et nous nous attendons à ce que l’impact soit le même avec des humains qui sont paralysés depuis différentes périodes », a souligné l’expert. Le taux de réussite pour les souris atteintes de paralysie chronique était de 80%, tandis que la totalité des souris atteintes de paralysie récente ou à court terme ont remarché.
Les chercheurs sont donc très optimistes et ambitionnent d’être les premiers à proposer un traitement permettant d’inverser la paralysie humaine. « Les personnes blessées à un très jeune âge sont destinées à rester assises dans un fauteuil roulant pour le reste de leur vie, supportant tous les coûts sociaux, financiers et sanitaires de la paralysie. Nous espérons résoudre ce problème et les aider à marcher », a déclaré Dvir au journal israélien, en précisant que les premiers essais cliniques pourraient avoir lieu d’ici deux ans et demi.
Les implants introduits dans l’organisme des souris ont été conçus à partir de cellules issues de trois individus différents. Si l’approche est développée pour l’Homme, il s’agira de concevoir des implants personnalisés, reposant exclusivement sur les propres cellules du patient en question. Ceci garantit la même efficacité tout en éliminant les risques de rejet — ce qui permet de s’affranchir également des traitements immunosuppresseurs habituellement mis en place lors de toute transplantation.
L’équipe a par ailleurs souligné que sa méthode pourrait potentiellement être appliquée à d’autres maladies et blessures, telles que la maladie de Parkinson, un traumatisme crânien, un infarctus du myocarde, ou encore la dégénérescence maculaire liée à l’âge. Reste à savoir si cette thérapie fonctionnera bel et bien chez l’Homme : de nombreux traitements testés avec succès sur les souris ne montrent malheureusement pas la même efficacité lors d’essais sur les humains, car même si nous partageons 92% de notre ADN avec ces rongeurs, nos gènes ne fonctionnent pas toujours de la même manière au niveau cellulaire.