Une étude suggère que les chevaux ont la capacité de planifier leurs actions pour atteindre un objectif, une compétence avancée auparavant considérée comme hors de portée de leurs capacités cognitives. Lors d’expériences basées sur les récompenses, ils auraient astucieusement adapté leurs stratégies afin d’obtenir le plus de friandises avec le moins d’efforts possible.
Chez certains animaux, les tâches simples peuvent être apprises correctement en disposant de suffisamment d’entraînements et en établissant des liens entre les stimuli et les résultats obtenus. Ils peuvent par exemple développer le réflexe de toucher une cible lorsqu’elle a été plusieurs fois associée à un résultat positif, comme l’obtention d’une friandise. L’exécution de ce réflexe ne nécessite pas de fonctions cognitives d’ordre supérieur.
En revanche, les processus de réflexion dits « basés sur un modèle » impliquent une cognition prospective, c’est-à-dire la capacité à réfléchir à plusieurs issues possibles et de comprendre les résultats qui pourraient en découler afin de pouvoir choisir la stratégie optimale. Cette capacité cognitive est ainsi plus exigeante en matière de traitement cérébral que celle basée sur un réflexe. En conséquence, elle est généralement considérée comme un indicateur d’une intelligence avancée chez les animaux.
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On pensait auparavant que les chevaux ne disposaient pas de l’architecture cérébrale nécessaire à la cognition prospective. Ils possèdent en effet un cortex préfrontal très peu développé, ce qui a amené les chercheurs à supposer que leurs capacités cognitives sont plutôt limitées. Cependant, une nouvelle étude de l’Université Trent Nottingham suggère le contraire.
« Auparavant, les recherches suggéraient que les chevaux réagissaient simplement aux stimuli sur le moment, qu’ils ne regardaient pas de manière proactive vers l’avenir, ne réfléchissaient pas à l’avance et ne planifiaient pas leurs actions — alors que notre étude montre qu’ils ont conscience des conséquences et des résultats de leurs actions », explique à The Guardian Louise Evans, auteure principale de l’étude, détaillée dans la revue Applied Animal Behaviour Science.
Une amélioration significative et immédiate des résultats
Pour effectuer leur enquête, les chercheurs ont sélectionné 20 chevaux adultes de races mixtes (7 femelles et 13 mâles castrés) et âgés de 11 à 22 ans. Les animaux ont été incités à effectuer un jeu au cours duquel ils devaient pointer un morceau de carton avec leurs naseaux pour obtenir une friandise. Dans un deuxième temps, la difficulté du jeu a été augmentée en ajoutant un signal lumineux. Les animaux n’obtenaient des friandises que lorsqu’ils touchaient la pancarte pendant que ce signal était absent.
Pendant toute la durée de l’expérience, les routines de soin habituelles des chevaux (heures d’exercice ou de sortie, temps de sommeil, …) ainsi que les heures et les quantités des repas ont été respectées. Les sujets ont également bénéficié d’une liberté de mouvement en plein air, ainsi que d’une charge de travail adaptée à leur âge et à leurs capacités physiques.
Les résultats ont montré que tous les chevaux semblaient avoir du mal à accomplir correctement la tâche et touchaient les pancartes avec leurs naseaux, que le signal lumineux soit activé ou non. Les performances étaient les mêmes alors que seules les réponses correctes étaient récompensées.
Cependant, les résultats ont radicalement changé lorsque l’équipe a introduit une difficulté supplémentaire dans le jeu : une pénalité de 10 secondes sans pouvoir jouer ni avoir de récompense en cas de réponse incorrecte. Suite à l’ajout de cette difficulté, tous les chevaux ont commencé à pointer correctement les pancartes, c’est-à-dire uniquement lorsque le signal lumineux était absent.
« Nous nous attendions à ce que les performances des chevaux s’améliorent lorsque nous avons introduit le temps mort, mais nous avons été surpris de voir à quel point l’amélioration a été immédiate et significative », explique Evans dans un communiqué de l’Université Trent Nottingham.
Alors que les autres animaux ont généralement besoin de plusieurs répétitions pour apprendre à maîtriser une tâche, le changement immédiat dans le comportement des chevaux suggère qu’ils comprenaient les règles du jeu depuis le début. Selon les experts, il est possible qu’ils n’y aient délibérément pas prêté attention parce qu’ils pouvaient de toute façon obtenir facilement la récompense.
« Au début, nous avons constaté que les chevaux continuaient à toucher la carte encore et encore, car ils se rendaient probablement compte qu’ils obtiendraient toujours une récompense fréquente avec un effort mental minimal », estime Carrie Ijichi, coauteure principale de l’étude. « Lorsque nous avons introduit un coût pour leurs erreurs, ils ont immédiatement pu comprendre et jouer correctement le jeu ».
Cela suggère que les chevaux sont capables d’adapter instantanément leur stratégie pour atteindre leur objectif. Dans l’expérience, ils changeaient spontanément de comportement lorsqu’il y avait un risque de s’éloigner de cet objectif. Cela implique une capacité de réflexion et de planification spécifique à la cognition basée sur un modèle, démontrant ainsi une intelligence plus avancée qu’on le pensait. D’autre part, étant donné la petite taille de leur cortex préfrontal, cette capacité pourrait impliquer une région cérébrale différente de la nôtre pour la prise en charge de ce type de réflexion.
Les chercheurs estiment que ces résultats pourraient contribuer à améliorer les techniques de dressage et le bien-être des chevaux. En effet, « lorsque nous commençons à penser que les animaux peuvent avoir de meilleures capacités cognitives qu’on le pensait auparavant, leur bien-être est généralement amélioré », conclut Evans.