La Chine subit actuellement la vague de chaleur la plus longue et la plus chaude jamais enregistrée depuis 1961 — l’année à partir de laquelle le pays a commencé à tenir des registres météorologiques. La situation est telle qu’elle menace aujourd’hui l’agriculture, l’industrie et l’approvisionnement en eau dans tout le pays. Elle pourrait également avoir un impact beaucoup plus large, en perturbant l’ensemble des chaînes d’approvisionnement au niveau mondial.
Cela fait maintenant 70 jours consécutifs qu’une vaste partie de la Chine doit supporter une chaleur et une sécheresse extrêmes. Le 18 août, la température à Chongqing, une municipalité de plus de 32 millions d’habitants située au sud-ouest du pays, a atteint les 45 °C — c’est la température la plus élevée jamais enregistrée en Chine, en dehors du désert du Xinjiang. Le 20 août, dans cette même ville, la température n’est jamais descendue en dessous de 34,9 °C. C’est la température minimale la plus élevée jamais enregistrée dans le pays en cette période de l’année.
Si la sécheresse en France a privé plusieurs communes d’eau potable et plongé les éleveurs et agriculteurs en grandes difficultés, la situation semble encore plus grave dans l’Empire du Milieu. Les rivières et les réservoirs se trouvent à des niveaux extrêmement bas. Les précipitations dans le bassin du Yangtsé ont été inférieures d’environ 45% à la normale depuis juillet ; pas moins de 66 rivières à travers 34 comtés de Chongqing se sont asséchées, selon la chaîne de télévision publique CCTV. La superficie du lac Poyang, la plus grande réserve d’eau douce du pays, a rétréci de plus de deux tiers.
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Une vague de chaleur qui paralyse l’industrie
Depuis le mois de juillet, la municipalité de Chongqing a connu plus de 33 jours sous des températures supérieures à 35 °C. De nombreux habitants ont trouvé refuge dans les stations souterraines climatisées du métro. Depuis le 18 août, la ville est en alerte rouge — le niveau le plus élevé du système d’alerte météorologique du pays. Le 19 août, les autorités chinoises ont émis un avertissement de sécheresse à l’échelle nationale pour la première fois en neuf ans. « Cette vague de chaleur dépasse tout ce que l’on a vu auparavant dans le monde », a tweeté Maximiliano Herrera, un historien du climat, qui suit attentivement les températures extrêmes.
Non seulement il fait très chaud, mais il ne pleut pas. Plusieurs usines ont déjà été contraintes de cesser leurs activités et les grandes villes ont été obligées d’éteindre leurs lumières en raison des pénuries d’électricité — plus des trois quarts de l’électricité de la province du Sichuan sont habituellement fournis par les barrages hydroélectriques. En raison de la demande accrue générée par les appareils de climatisation dans les bureaux et les foyers, le réseau électrique est sous pression. Le manque d’eau va nécessairement freiner les ambitions de Pékin en matière de transition énergétique, en faveur des producteurs d’électricité au charbon.
De vastes superficies de cultures ont été directement impactées par cette sécheresse durable. Or, la Chine est l’un des premiers producteurs agricoles du monde — elle est notamment 1re productrice de riz et de blé et 2e productrice de maïs, entre autres denrées alimentaires courantes. En d’autres termes, la situation pourrait avoir des répercussions mondiales majeures.
Les provinces du sud et du centre de la Chine — en particulier celles situées le long du fleuve Yangtsé, comme le Jiangsu, le Hubei et le Sichuan — sont les plus touchées. « La zone la plus touchée comprend une grande partie des régions les plus urbanisées de la Chine, ce qui aura des répercussions importantes sur la société », a déclaré Vikki Thompson, climatologue à l’Université de Bristol, au Washington Post.
Ensemencer les nuages pour sauver les récoltes ?
Près de 47 000 hectares de cultures auraient déjà été perdus, rien qu’au Sichuan. Pour arranger la situation et préserver la récolte céréalière de cet automne, le ministère chinois de l’Agriculture a annoncé qu’il tentera de générer de la pluie en ensemençant les nuages avec des produits chimiques, et en pulvérisant sur les cultures un agent de rétention d’eau pour limiter l’évaporation. L’efficacité de la technique reste toutefois à prouver et dans le meilleur des cas, il est peu probable qu’elle puisse faire une quelconque différence étant donné la gravité de la situation actuelle.
Cet été exceptionnellement chaud et sec va donc à nouveau ralentir l’économie du pays — alors qu’il subit encore des verrouillages stricts imposés par une augmentation récente des cas de COVID-19. Les économistes ont même revu à la baisse leurs prévisions de croissance du PIB chinois pour cette année.
Les experts craignent par ailleurs que le rationnement de l’énergie n’affecte certaines des plus grandes sociétés d’électronique au monde, comme Intel et Foxconn, rapporte CNN. La province du Sichuan, où les usines ont dû cesser leur production la semaine dernière, est en effet une plaque tournante pour la fabrication de semi-conducteurs et de panneaux solaires. La province est également l’épicentre de l’industrie minière du lithium en Chine ; les interruptions d’activité pourraient donc entraîner une augmentation des prix de ce métal, qui est un élément clé des batteries pour voitures électriques.
Et la Chine n’est pas la seule région du monde à être affectée par la sécheresse ! L’Europe, une grande partie des États-Unis et la Corne de l’Afrique doivent elles aussi supporter des températures et une sécheresse extrêmes. Des conditions climatiques qui, selon le dernier rapport d’évaluation du GIEC, deviendront plus fréquentes et plus sévères à mesure que notre planète se réchauffe.