Les tensions qui opposent aujourd’hui les États-Unis et la Chine ont divers impacts dans la vie des consommateurs. Après la disparition pure et simple des services Google des smartphones Huawei, c’est peut-être le service TikTok qui va bientôt disparaître complètement de la Toile américaine.
Après avoir été accusée d’espionnage par le gouvernement américain, la célèbre plateforme de vidéos est aujourd’hui sur la sellette. Si un accord n’est pas trouvé d’ici le 20 septembre, l’application devra définitivement fermer aux États-Unis. Si Microsoft s’est d’abord proposée pour racheter les activités américaines de cette application développée par ByteDance, c’est finalement la société Oracle qui aurait été retenue. L’accord demeure toutefois encore incertain…
Des tensions qui ne faiblissent pas
Les conflits commerciaux entre les deux superpuissances ont débuté en 2018, avec la hausse significative des droits de douane américains sur certains produits chinois ; Huawei et ZTE, deux géants chinois des télécommunications, ont très vite fait l’objet d’enquêtes parlementaires, le gouvernement américain craignant que leurs équipements soient une menace à la sécurité nationale. En mai 2019, Huawei est placée sur la liste noire du département américain du commerce : interdiction d’établir un quelconque partenariat avec cette société, sauf obtention préalable d’une licence. Les alliés des États-Unis sont invités à faire de même : l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, mais aussi l’Union européenne. Cette dernière a toutefois refusé d’opter pour un embargo absolu.
Après Huawei, c’est aujourd’hui TikTok, une application développée par ByteDance, qui est dans le collimateur américain. La plateforme de vidéos, extrêmement populaire chez les adolescents, est accusée de collecter les données de ses utilisateurs et de se livrer à des activités d’espionnage pour le compte du gouvernement chinois. L’administration américaine craint notamment qu’il ne soit utilisé pour influencer les prochaines élections présidentielles. À ce jour, aucune preuve n’est venue corroborer ces accusations.
Donald Trump a donc lancé un ultimatum le mois dernier, à travers un décret officiel : si ByteDance ne vend pas ses actifs américains, le service TikTok sera banni des États-Unis. Une menace qui pousserait Apple et Google à retirer TikTok de leur App store respectif. Au passage, le président américain a précisé que si une acquisition a lieu, « une très grosse part de la transaction doit revenir au Trésor des États-Unis ». Une menace et une exigence peu courantes dans les transactions commerciales, que beaucoup regardent d’un œil critique…
TikTok a d’ailleurs porté plainte contre l’administration Trump, pour contester la publication de ce décret, arguant que le Président utilisait à tort l’IEEPA (International Emergency Economic Powers Act), une loi qui l’autorise à prendre des décisions vitales en matière de commerce dans le cas d’une urgence nationale. « Ce décret présidentiel n’est pas motivé par des inquiétudes au sujet de la sécurité nationale. Des experts indépendants en sécurité ont critiqué la nature politique de ce texte », précisent les dirigeants de TikTok dans leur plainte.
Interrogé vendredi sur le sujet, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a déclaré lors d’un point de presse que les États-Unis abusaient du concept de sécurité nationale.
Un « aveu de faiblesse » pour la Chine
Alors que Microsoft et Oracle étaient toutes deux sur la liste des acheteurs potentiels, l’annonce est tombée dimanche soir : c’est finalement Oracle qui aurait été choisie pour reprendre les activités américaines du réseau social. Mais des sources anonymes proches de l’affaire affirment que les responsables chinois semblent aujourd’hui vouloir faire marche arrière. En cédant à ce « chantage », ils estiment que ByteDance — et plus globalement la Chine — passerait pour « faible » face à la pression américaine. Pékin préférerait ainsi voir le service fermé aux États-Unis plutôt que d’envisager de céder une partie des droits à une entreprise américaine.
Il ne s’agirait donc pas d’une vente classique : les responsables chinois évoquent plutôt un « partenariat technologique privilégié ». En outre, une source anonyme aurait spécifié que l’accord ne sera « probablement pas structuré comme une vente pure et simple ». À ce jour, l’information n’a pas été officiellement confirmée par les parties prenantes, mais Microsoft a néanmoins partagé publiquement son « échec » dans ces négociations délicates, malgré son alliance avec les supermarchés Walmart.
En réponse au décret de Trump, le gouvernement chinois a entrepris de réviser la liste des technologies qui nécessiteront son approbation avant d’être exportées. L’algorithme de recommandation de TikTok ferait notamment partie de cette liste.
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À noter que les États-Unis ne sont pas les seuls à prendre des mesures pour freiner l’influence chinoise à l’intérieur de leurs frontières : cette « vente forcée » de TikTok intervient en effet peu après que l’Inde a interdit la plateforme, ainsi que près d’une soixantaine autres applications chinoises, sur son territoire. En France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) vient d’ouvrir une enquête pour vérifier que le service chinois était bien en règle avec les lois française et européenne de protection des données personnelles.
Aujourd’hui, l’application a dépassé 2 milliards de téléchargements dans le monde et affirme être présente dans plus de 200 pays. Outre-Atlantique, TikTok revendique plus de 50 millions d’utilisateurs actifs quotidiens. Si la Chine ne cède pas à la menace, ce sera sans doute un coup dur pour les jeunes Américains…