La communication quantique représente pour beaucoup l’espoir d’obtenir un jour un réseau informatique impénétrable. Tout récemment, la Chine a développé le réseau de communication quantique considéré comme le plus avancé à ce jour, à l’échelle d’une ville entière. Composé de trois dispositifs reliés à un serveur central, le réseau quantique multinoeud permet de connecter plusieurs utilisateurs, constituant ainsi un grand pas en avant vers le numérique ultrasécurisé.
Les réseaux de communication quantique partagent des points communs avec leurs homologues conventionnels, tels que la transmission d’informations par le biais de la fibre optique. Cependant, contrairement aux réseaux classiques, ils sont considérés comme étant impossibles à pirater. Cette capacité est conférée par l’intrication quantique décentralisée et la capacité des nœuds du réseau à stocker et à traiter l’information. En effet, ce type de communication est basé sur la distribution de clés quantiques (QKD) utilisant les états quantiques des particules pour former des chaînes binaires (de 0 et de 1) au niveau desquelles toute perturbation serait immédiatement repérée. Dans ce contexte, les photons utilisés dans les réseaux quantiques possèdent des propriétés que l’on ne retrouve pas dans ceux composant la lumière des réseaux conventionnels.
Les dernières avancées en matière de technologie QKD permettent la transmission d’informations sur plusieurs centaines de kilomètres. Cependant, une perte considérable de transmission subsiste. En étant enchevêtrés dans des canaux optiques de quelques dizaines de kilomètres, les nœuds quantiques d’une zone métropolitaine pourraient modérément réduire la perte de transmission. Pour ce faire, la conception de répéteurs quantiques (dispositifs permettant d’assurer la transmission de l’information quantique sur de longues distances) pouvant surmonter la perte croissante de transmission est essentielle. Le second défi consiste à étendre le réseau à l’échelle d’une métropole. Non seulement la perte de transmission au niveau des fibres optiques doit être réduite, mais les nœuds quantiques doivent aussi être indépendants les uns des autres.
Des chercheurs de l’Université des sciences et technologies de Chine proposent de surmonter ces défis avec leur nouveau réseau quantique multinoeuds, adapté à une zone métropolitaine. À la différence des réseaux du même type antérieurement développés, celui-ci se distingue par le nombre d’utilisateurs pouvant se connecter via leurs propres processeurs quantiques. Des innovations clés telles que les dispositifs de mémoire quantique lui permettent également de se démarquer.
À savoir qu’au sein d’un réseau quantique, la combinaison de dispositifs tels que des processeurs, des fibres optiques et des mémoires de stockage est extrêmement complexe. En effet, les propriétés des photons doivent être modifiées et réajustées par rapport à de nombreux points du réseau. Cela peut générer de nombreuses défaillances. En étant établi à l’échelle d’une ville entière et présentant une réduction inédite de la perte de transmission, le réseau des chercheurs chinois constitue une véritable prouesse technique. L’ensemble du système est détaillé dans le document de prépublication disponible sur le serveur arXiv.
Un réseau disposé en triangle
Le nouveau réseau est composé de trois nœuds quantiques (surnommés Alice, Bob et Charlie) reliés à un nœud de serveur et disposés dans une typologie triangulaire. Les trois nœuds, situés à chaque sommet du triangle (de 7,9 à 12,5 kilomètres de côté), fonctionnent de manière indépendante. Chacun possède un processeur et une mémoire quantique distincts. Le serveur, quant à lui, est situé au centre et se connecte à chaque nœud par le biais de fibres optiques, servant à la fois à la communication classique et quantique. L’ensemble est développé à travers la ville de Hefei, d’une superficie de 7048 kilomètres carrés.
Au niveau de chacun des trois nœuds quantiques se trouve un ensemble atomique de rubidium extrêmement froid et contrôlé par laser. Servant de mémoire quantique à longue durée de vie, il permet de générer un enchevêtrement atome-photon. Notamment, les photons sont envoyés au nœud du serveur afin de les intriquer, tandis que le qubit atomique peut être stocké pour des utilisations ultérieures.
C’est-à-dire que chaque utilisateur code les informations sous forme de photon, pour les envoyer au serveur. Et si ce photon est perdu ou corrompu en cours de route, les nœuds quantiques (Alice, Bob et Charlie) pourront toujours conserver les informations qu’il était censé transporter. Il s’agirait donc de la première fois que la mémoire quantique est mise en œuvre au sein d’un réseau d’une telle envergure.
Afin de réduire la perte de photons (et donc d’informations) au niveau de la fibre, les nœuds quantiques sont équipés d’un module de conversion de fréquence quantique (QFC) permettant de les déplacer de manière cohérente par rapport à la résonance atomique du rubidium. Ils sont également synchronisés par le biais d’une technique de stabilisation de phase à distance.
En testant le réseau, les chercheurs ont pu intriquer les photons de deux nœuds distants, avec un temps de stockage surpassant celui de la transmission aller-retour. Cette étape est essentielle pour que les deux relais puissent partager des informations en toute sécurité. Dans un deuxième temps, la génération d’intrication à distance a pu être étendue aux trois nœuds, avec une exécution simultanée. Cette extension permet la réalisation de plusieurs « discussions » quantiques à la fois.
Toutefois, la vitesse à laquelle les informations sont relayées à travers le réseau de Hefei doit encore être augmentée, afin que le système puisse véritablement être utile. En ne transportant qu’environ un bit par seconde, il est encore loin des capacités de nos modems classiques. Pour que le réseau puisse couvrir plus de distance et supporter plus d’informations et de nœuds, il est essentiel d’améliorer les mémoires quantiques ainsi que la durée de stockage.