Selon une nouvelle étude, le réchauffement de la planète n’est pas la cause de l’important ralentissement de circulation dans l’océan Atlantique – apparemment, ce ralentissement ferait partie d’un cycle régulier de plusieurs décennies, qui affectera encore les températures dans les années (voire décennies) à venir.
Les océanographes s’inquiètent de la stabilité à long terme de la circulation dans l’océan Atlantique, et des études antérieures démontrent que cette dernière a ralenti de manière spectaculaire au cours de la dernière décennie : « Les scientifiques du climat s’attendaient à ce que la circulation atlantique baisse à long terme à cause du réchauffement climatique, mais nous ne mesurons directement sa force que depuis avril 2004. Et le déclin mesuré depuis, est dix fois plus important que prévu », explique Kit Tung, professeur de mathématiques appliquées à l’Université de Washington.
L’image du haut (a) montre les changements de température moyenne à la surface du globe depuis 1950, avec deux périodes de changement plus lentes et une période de réchauffement rapide de 1975 à 2000. L’image du bas (b), montre la force de la circulation de l’Atlantique. La courbe bleue (et sur la droite, violette) représente la salinité, une mesure indirecte de la force de circulation.
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La courbe verte est un proxy établi de la circulation. « Beaucoup ont mis l’accent sur le fait que le déclin est très rapide, et que si la tendance continue elle dépassera un point de basculement, provoquant une catastrophe telle qu’une période glaciaire. Il s’avère que rien de tout ça ne va se produire dans un futur proche », expliquent les chercheurs.
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Un grand cycle : les résultats ont des implications pour le réchauffement de la surface. En effet, la vitesse du courant détermine la quantité de chaleur de surface transférée vers l’océan plus profond, et une circulation plus rapide enverrait plus de chaleur vers l’Atlantique profond. Si le courant ralentit, alors il stockera moins de chaleur et la Terre verra probablement les températures de l’air augmenter plus rapidement que les taux dits « normaux » depuis l’année 2000.
« Les modèles climatiques globaux peuvent projeter ce qui va se passer à long terme si le dioxyde de carbone augmente d’une certaine quantité, mais actuellement, ils n’ont pas encore la capacité de prévoir le réchauffement de la surface au cours des prochaines décennies, ce qui nécessite de savoir dans quelle mesure l’excès de chaleur piégé par les gaz à effet de serre est absorbé par les océans », explique Tung.
Il faut savoir que la circulation méridienne de retournement atlantique (ou AMOC, du terme anglais Atlantic Meridional Overturning Circulation), est une bande transporteuse qui amène les eaux de surface vers le nord dans l’Atlantique. De là, l’eau salée, plus lourde, coule et retourne vers les profondeurs des mers du Labrador et des mers nordiques près du pôle Nord, jusqu’à l’océan Austral, plus au sud.
La plupart des gens s’intéressent à ce qui se passe à la surface : le Gulf Stream et les courants atlantiques associés transportent de l’eau plus chaude vers le nord, ce qui amène des températures plus douces en Europe de l’Ouest.
Mais la nouvelle étude soutient que l’étape la plus importante, du point de vue du climat, n’est autre que l’étape suivante : dans l’Atlantique Nord, l’eau salée des tropiques coule à près de 1500 mètres. Lorsque cela se produit, elle transporte la chaleur avec elle, loin de la surface.
En effet, les changements dans la force de l’AMOC affectent la quantité de chaleur qui sort de notre atmosphère. La nouvelle étude utilise une combinaison de données provenant des flotteurs Argo, des mesures de température des navires, des enregistrements de marées, des images satellitaires de la hauteur de la surface de la mer (pouvant montrer des renflements d’eau chaude), ainsi qu’un suivi technologiquement innovant et récent de l’AMOC, ce qui permet donc de suggérer que la force fluctue dans le cadre d’un cycle d’auto-renforcement d’environ 60 à 70 ans.
Lorsque l’AMOC est dans une phase dite lente, l’Atlantique Nord devient plus frais, la fonte des glaces ralentit et finalement, la source de fonte d’eau douce se dessèche et l’eau plus salée peut redescendre, ce qui accélère toute la circulation. La nouvelle étude soutient donc que ce courant ne s’effondre pas, mais qu’il passe juste de sa phase rapide à sa phase plus lente, et que cela a des implications sur le réchauffement à la surface.
Analyser le passé pour comprendre et prédire le futur : de 1975 à 1998, l’AMOC était dans une phase lente. À mesure que les gaz à effet de serre se sont accumulés dans l’atmosphère, la Terre a connu un réchauffement distinct à sa surface.
Depuis l’an 2000 environ et jusqu’à maintenant, l’AMOC a été dans sa phase la plus rapide et la chaleur accrue qui a plongé dans l’Atlantique Nord a retiré la chaleur excessive de la surface de la Terre en la stockant profondément dans l’océan. « Nous avons un cycle d’observations en profondeur, donc nous ne savons pas si c’est périodique. Mais sur la base des phénomènes de surface, nous pensons qu’il est très probable que ça le soit », explique Tung.
Le nouveau document soutient la recherche précédente des auteurs, montrant que depuis l’année 2000, au cours de laquelle les observations montrent un ralentissement du réchauffement de la surface, la chaleur s’est accumulée en profondeur dans l’océan Atlantique.
La nouvelle étude montre qu’il s’agit de la même période où la circulation de renversement atlantique était dans sa phase rapide. De plus, « des mesures récentes de densité dans la mer du Labrador suggèrent que le cycle commence à changer », annonce Tung.
Cela signifie qu’au cours des prochaines années, l’AMOC n’enverra plus de chaleur excédentaire piégée par les gaz à effet de serre dans l’Atlantique Nord. « La bonne nouvelle, c’est que les indicateurs montrent que ce ralentissement de la circulation de retournement de l’Atlantique est en train de s’achever, et nous ne devrions donc pas nous inquiéter que ce courant puisse s’effondre de sitôt », explique Tung.
« Les mauvaises nouvelles résident plutôt dans le fait que les températures de surface vont probablement commencer à augmenter plus rapidement dans les décennies à venir », ajoute-t-il.