Les traînées de condensation, ces lignes blanches éphémères qui se dessinent dans le ciel au passage des avions, jouent un rôle non négligeable dans le réchauffement climatique. Des recherches récentes suggèrent qu’une modification mineure de l’altitude de vol pourrait significativement réduire ce phénomène.
Face au défi urgent du changement climatique, l’aviation est scrutée pour son empreinte environnementale, notamment à travers les émissions de CO2 et d’autres polluants. Parmi ces derniers, les traînées de condensation formées par les avions en haute altitude représentent un facteur non négligeable contribuant au réchauffement atmosphérique.
Formées par la cristallisation de la vapeur d’eau émise par les réacteurs dans l’atmosphère froide et humide, ces traînées captent le rayonnement infrarouge, contribuant ainsi à l’effet de serre. Une étude récente, dirigée par Esther Roosenbrand de l’Université de Technologie de Delft et publiée dans la revue Transportation Research Interdisciplinary Perspectives, explore une stratégie potentiellement efficace pour atténuer cet impact : l’ajustement de l’altitude de vol pour éviter la formation des traînées. Cette recherche s’inscrit dans un contexte où la nécessité de solutions concrètes pour réduire l’empreinte climatique du secteur aérien devient de plus en plus pressante.
Comprendre l’impact des traînées de condensation
Les traînées de condensation, ou contrails (répertoriées comme « cirrus homogenitus » dans l’Atlas international des nuages de 2017), se forment lorsque les avions volent en haute altitude dans des conditions atmosphériques froides et humides. Ces traînées sont le résultat direct de la condensation de la vapeur d’eau contenue dans les gaz d’échappement des moteurs d’avion, qui se mêle aux particules fines de suie émises lors de la combustion du carburant. Ce phénomène crée des bandes blanches ou grises visibles dans le ciel, qui peuvent persister et s’étendre sur de vastes zones.
Bien que ces formations puissent sembler inoffensives à première vue, elles ont un impact significatif sur l’environnement. En effet, les traînées agissent comme une couverture, piégeant le rayonnement infrarouge émis par la Terre et contribuant ainsi à l’effet de serre. Cette capacité à retenir la chaleur dans l’atmosphère terrestre signifie que l’impact climatique des traînées de condensation pourrait être comparé à celui des émissions de dioxyde de carbone (CO2) produites par l’ensemble du secteur aérien, représentant une part non négligeable du réchauffement global.
Face à ce constat, Esther Roosenbrand et son équipe de l’Université de Technologie de Delft mettent en lumière l’urgence de s’attaquer à ce problème. Leur travail souligne combien il est crucial de ne pas sous-estimer l’effet des traînées, surtout à un moment où le secteur de l’aviation connaît une croissance rapide et où sa contribution aux émissions globales de gaz à effet de serre devient de plus en plus conséquente.
Cette prise de conscience est d’autant plus importante que les solutions pour réduire l’empreinte carbone de l’aviation, comme l’amélioration de l’efficacité énergétique ou le passage à des carburants alternatifs, pourraient prendre du temps à être pleinement déployées. Mais une solution immédiatement applicable et potentiellement efficace pour atténuer l’impact climatique de l’aviation sur le court terme est possible.
Vers une solution pratique et réalisable
La solution proposée par Roosenbrand et son équipe repose sur une idée à la fois simple et ingénieuse : ajuster légèrement l’altitude de vol des avions pour éviter les conditions atmosphériques favorables à la formation des traînées de condensation. Leur étude a révélé que, pour environ la moitié des vols analysés, un changement d’altitude de moins de 609 mètres serait suffisant pour esquiver les zones où les traînées sont susceptibles de se former.
Cette modification relativement mineure pourrait s’intégrer sans difficulté majeure dans les opérations courantes de gestion du trafic aérien, qui ajustent régulièrement les altitudes de vol pour diverses raisons, telles que l’optimisation des itinéraires ou la gestion de l’espacement entre les avions. L’avantage de cette approche est double : d’une part, elle permettrait de réduire immédiatement l’impact climatique des vols sans nécessiter de technologies nouvelles ou non éprouvées ; d’autre part, l’augmentation de la consommation de carburant liée à ces ajustements d’altitude serait minime, préservant ainsi l’efficacité énergétique des opérations aériennes.
Des compagnies aériennes de premier plan, conscientes de leur responsabilité environnementale et de l’importance de minimiser leur impact climatique, ont commencé à expérimenter des plans de vol adaptés pour éviter la formation de traînées. American Airlines et Etihad Airways ont mené des vols tests en ajustant l’altitude de vol en fonction des prévisions de formation de traînées. Les résultats sont prometteurs, avec une réduction de moitié du nombre de traînées de condensation observées.
Ces initiatives pionnières démontrent non seulement la faisabilité technique de la solution proposée par Roosenbrand, mais aussi son potentiel pour être adoptée à plus large échelle. En intégrant des prévisions météorologiques précises et des modèles de prévision de traînées dans la planification des vols, l’industrie aéronautique pourrait significativement diminuer son empreinte environnementale.