Des chercheurs ont effectué un essai de géo-ingénierie consistant à projeter des cristaux de sel dans l’atmosphère, au-dessus de la baie de San Francisco (aux États-Unis). Effectuée depuis le pont d’un porte-avions, l’expérience visait à augmenter la couverture et la capacité réfléchissante des nuages de sorte à augmenter l’albédo et ainsi limiter les pics de température. Ce type d’expérience étant largement controversé, les organisateurs sont restés discrets quant à son lancement afin de limiter les réactions.
Bien que l’ampleur des effets d’atténuation des aérosols sur le réchauffement climatique soit très incertaine, des études ont suggéré que ces derniers peuvent considérablement augmenter l’albédo par le biais des interactions aérosol-nuage. Lorsque l’albédo est élevé, une grande partie du rayonnement solaire est renvoyée vers l’espace, réduisant ainsi la quantité absorbée par l’atmosphère terrestre. Cela induit un effet de refroidissement connu sous le nom de « forçage radiatif » (ou « forçage climatique »).
La projection ciblée d’aérosols dans les nuages marins peut augmenter leur densité et augmenterait les effets de ces derniers sur l’albédo. Ils se mélangent notamment aux nuages et peuvent les rendre plus réfléchissants. Couvrant environ 20 % des océans, les stratocumulus seraient les plus sensibles à l’ajout d’aérosols. On estime qu’environ 60 % du forçage radiatif de la planète s’effectue au niveau de ces nuages. Ces derniers font ainsi l’objet d’études de géo-ingénierie visant à explorer les mécanismes d’atténuation potentielle du réchauffement climatique.
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Dans cette vision, une équipe de l’Université de Washington et du centre de recherche Silver Lining — dans le cadre du projet Coastal Atmospheric Aerosol Research and Engagement (CAARE) — effectue des essais de projection d’aérosols au large de la baie de San Francisco. L’expérience est menée depuis (lorsque les conditions météorologiques le permettent) le pont du porte-avions USS Hornet (aujourd’hui converti en musée) et devrait se poursuivre jusqu’à la fin du mois de mai.
Cependant, l’expérience est sujette à débats, car elle pourrait induire des effets écologiques et météorologiques imprévisibles, sans compter que les administrateurs n’ont effectué aucune annonce officielle avant son début. Cette discrétion a probablement pour objectif de limiter les réactions négatives du public et d’autres chercheurs, qui auraient pu potentiellement entraver la réalisation des essais.
« Comme cette expérience a été gardée secrète jusqu’au début du test, nous sommes impatients de voir comment l’engagement du public est planifié et qui sera impliqué », a déclaré Shuchi Talati, directrice générale de l’ONG Alliance for Just Deliberation on Solar Geoengineering, à E&E News. « Bien qu’il soit conforme à toutes les exigences réglementaires actuelles, il existe un besoin évident de réexaminer à quoi doit ressembler un cadre réglementaire solide dans un monde où des expérimentations [de modification du rayonnement solaire] ont lieu », a-t-elle ajouté.
Des impacts imprévisibles
Le projet CAARE fait suite à une expérience relativement similaire qu’une équipe de l’Université Harvard projetait d’effectuer en Suède. Cependant, cette dernière a été freinée dans son élan en raison de l’opposition de la communauté autochtone. En effet, la géo-ingénierie visant à induire artificiellement un forçage radiatif est largement controversée. « L’idée d’interférer avec la nature est si controversée que les organisateurs du test de mardi ont gardé les détails strictement secrets, craignant que les critiques ne tentent de les arrêter », a rapporté le New York Times.
Il est important de savoir que ce type de géo-ingénierie pourrait engendrer des effets écosystémiques et météorologiques imprévisibles. Par exemple, selon les conditions météorologiques, la pulvérisation d’aérosols peut soit augmenter, soit compenser l’éclaircissement des nuages en raison de l’augmentation de la concentration de gouttelettes d’eau. Au lieu d’atténuer le réchauffement, l’ajout d’aérosols pourrait ainsi induire l’effet inverse — et ce de manière imprévisible.
L’apport artificiel d’aérosols pourrait aussi perturber la fréquence des précipitations dans les régions alentour, ce qui à son tour pourrait impacter les activités de pêche et agricoles. D’autre part, il ne s’agit que d’une solution temporaire qui ne s’attaque pas à la principale source de réchauffement : les gaz à effet de serre. Si les concentrations atmosphériques de ces derniers ne sont pas réduites, l’interruption des activités de géo-ingénierie pourrait engendrer (si elles devenaient des pratiques courantes) des hausses soudaines et catastrophiques des températures mondiales.
De son côté, le plan d’étude du projet CAARE n’a pas fait mention des impacts écologiques potentiels. Bien que les paramètres expérimentaux du projet CAARE aient été globalement approuvés, les experts évaluateurs ont signalé des lacunes en matière de transparence. Les projets de cette envergure doivent notamment obtenir l’approbation des communautés et des administrations locales avant leur implantation. Un évaluateur a en outre fait valoir qu’il est essentiel d’obtenir plus d’informations concernant l’emplacement exact des sites d’expérimentation.
Paradoxalement, l’équipe du projet estime faire part d’une certaine transparence, en indiquant que les visiteurs de l’USS Hornet pourront assister aux expériences. « Le monde doit progresser rapidement dans sa compréhension des effets des particules d’aérosols sur le climat », a déclaré Kelly Wanser, directrice générale de Silver Lining, dans un communiqué. « Avec un profond engagement en faveur de la science ouverte et d’une culture d’humilité, l’Université de Washington a développé une approche qui intègre la science à l’engagement sociétal », a-t-elle ajouté. La seconde phase des essais se déroulera sur une jetée à environ 1,6 kilomètre au large de la baie de San Francisco.