Les sangliers (Sus scrofa), sont répartis sur l’ensemble des continents (à l’exception de l’Antarctique). C’est l’un des mammifères les plus répandus sur la planète et il est considéré comme une espèce envahissante ; sa prolifération est en effet quasi incontrôlable, y compris en Europe. Problème : en labourant massivement les sols, cet animal contribue de façon significative aux émissions de gaz à effet de serre, libérant chaque année l’équivalent des émissions d’un million de voitures.
Chaque année, les sangliers causent des millions de dollars de dégâts aux cultures et aux pâturages, principalement aux États-Unis et en Australie. En outre, ils sont porteurs de dizaines d’agents pathogènes (dont la brucellose et la tuberculose), qui menacent les humains et les animaux de compagnie. Ils constituent également une menace pour la biodiversité, détruisant les habitats et s’appropriant les ressources alimentaires d’autres espèces (lorsqu’ils ne s’en prennent pas directement à elles) : ils représentent ainsi une menace pour 672 espèces de vertébrés et de plantes, dans plus de 50 pays.
Mais un autre aspect de leur mode de vie en fait une espèce particulièrement nuisible : ils passent leur temps à labourer le sol et ce, à grande échelle. Or, il faut savoir que la majeure partie du carbone terrestre de la Terre est stockée dans le sol et peut être libérée sous forme de dioxyde de carbone (CO2) lorsque le sol est perturbé. Si l’activité humaine est connue pour exacerber les émissions de CO2 issues du sol, peu de données sont disponibles concernant la contribution des espèces envahissantes. Des scientifiques se sont donc penchés sur l’impact des porcs sauvages — notamment des dommages qu’ils causent au niveau des sols — sur ces émissions de carbone.
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Près de 5 millions de tonnes métriques de CO2 par an
De quelle manière les sangliers contribuent-ils à l’émission de gaz à effet de serre ? Pour dénicher leurs aliments favoris (des racines, des champignons et de petits invertébrés), ils creusent le sol à l’aide de leur museau, à une profondeur de cinq à 15 centimètres environ — ce qui correspond à un vrai travail de labour. Parce que le sanglier est un animal grégaire, les hordes peuvent causer de gros dégâts en peu de temps sur une zone restreinte ! Or, lorsque les sols sont perturbés, ils sont exposés à l’oxygène, qui favorise la croissance des microbes : ces derniers décomposent alors la matière organique présente dans le sol, ce qui libère du carbone dans l’atmosphère.
Des recherches antérieures avaient déjà mis en évidence la contribution notable des sangliers aux émissions de gaz à effet de serre, mais uniquement à l’échelle locale : une étude suisse menée en 2010 rapportait ainsi que les sangliers généraient chaque année 23% d’émissions supplémentaires de CO2 issu du sol. Une autre étude plus récente menée en Chine a révélé que les émissions issues du sol augmentaient de plus de 70% par an dans les zones perturbées par ces animaux.
Une équipe de chercheurs de l’Université du Queensland s’est cette fois-ci intéressée à l’impact des sangliers au niveau mondial. Pour ce faire, ils ont réalisé 10 000 simulations de taille de populations de sangliers sur l’ensemble des continents, déterminant pour chacune la quantité de sol susceptible d’être perturbée. Dans leur étude publiée dans Global Change Biology, ils rapportent que les sangliers déracinent une superficie comprise entre 36 214 km² et 123 517 km², dans leur aire de répartition non indigène.
Cette perturbation des sols entraîne des émissions médianes de 4,9 millions de tonnes métriques (MMT) de CO2 par an, soit l’équivalent de 1,1 million de véhicules de tourisme ou de 0,4% des émissions annuelles provenant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie. La majorité de ces émissions se produisent en Océanie, en raison de la grande répartition des porcs sauvages et de la quantité de carbone stockée dans le sol de cette région.
Une espèce très difficile à contrôler
Les auteurs de l’étude précisent toutefois que leur résultat est très incertain (l’intervalle de précision s’étend de 0,3 à 94 MMT de CO2), du fait de la grande variabilité de la densité des sangliers selon les espaces et de la dynamique des sols. Cette incertitude indique qu’il est urgent de poursuivre les recherches sur la contribution des porcs sauvages à la dégradation des sols, non seulement pour la réduction des émissions de carbone d’origine anthropique, mais aussi pour les co-bénéfices apportés à la biodiversité et la sécurité alimentaire, qui sont elles aussi cruciales pour le développement durable.
Le contrôle des populations de sangliers est toutefois particulièrement difficile, malgré les stratégies de chasse mises en place. L’animal affiche en effet un taux de reproduction très rapide : le plus souvent, dans des conditions favorables, les sangliers se reproduisent une à deux fois par an. Comparativement aux autres grands mammifères, ils ont une période de gestation très courte d’environ 114 jours ; les truies sont sexuellement matures à 6-8 mois et ont en moyenne 4 à 6 porcelets par portée. On estime qu’il faut éliminer 75% d’une population pour maintenir le même nombre d’individus d’une année sur l’autre.
En outre, ces animaux sont particulièrement rusés : ils sont connus pour éviter les pièges et sont capables d’adapter leur comportement pour éviter les chasseurs. En Australie, où les sangliers prolifèrent, plusieurs techniques sont mises en place : empoisonnement, piégeage (avec appâts), pose de clôtures pour limiter leur expansion, tir au sol ou aérien, etc. Certes, certaines de ces méthodes impliquant des véhicules (hélicoptères, véhicules de chasse) entraînent elles aussi des émissions substantielles de CO2… Mais selon les chercheurs, les bénéfices à long terme de la chasse l’emportent sur ces émissions polluantes.
Source : Global Change Biology, C. J. O’Bryan et al.
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