Les ambitions de colonisation spatiale de l’Homme ne se sont pas arrêtées avec la fin des missions Apollo. Si depuis celles-ci aucun humain n’a été envoyé dans l’espace lointain, aujourd’hui plusieurs missions habitées sont de nouveau en cours de développement, avec la Lune et Mars comme principales destinations. Mais les scientifiques réfléchissent sur le plus long terme et ont déjà commencé à proposer des solutions permettant d’assurer des missions habitées de plusieurs milliers d’années vers des systèmes lointains. Et parmi ces solutions, se trouve la colonisation embryonnaire.
La colonisation de systèmes distants de plusieurs centaines, milliers, voire dizaines de milliers d’années de la Terre est un thème récurrent de la science-fiction. Dans la plupart des cas, les vaisseaux mis en scène sont des vaisseaux dormant, c’est-à-dire transportant un équipage humain adulte en hibernation ou cryostase (cryo-sommeil), destiné à se réveiller une fois arrivé à destination. Bien que ce scénario soit également proposé par les scientifiques, d’autres solutions ont été proposées.
C’est notamment le cas de la colonisation embryonnaire. Dans ce modèle de colonisation spatiale, une mission robotisée autonome est envoyée vers une planète habitable, embarquant à son bord des embryons humains cryogénisés ou bien la technologie biosynthétique nécessaire à créer des embryons humains une fois sur place.
Destinations lointaines : la solution de la colonisation embryonnaire
Ce scénario repose d’abord essentiellement sur l’intelligence artificielle et la robotique. Une fois arrivés à la destination choisie, des robots autonomes doivent construire les premières installations et commencer à cultiver/créer de la nourriture. Si la planète et les ressources technologiques embarquées le permettent, ladite planète peut-être tout d’abord terraformée afin de créer un environnement et une atmosphère favorables à la vie humaine et animale.
La médecine actuelle permettant déjà de maintenir des embryons humains à différentes étapes de développement en cryo-préservation, cette solution serait la plus simple pour amener des embryons de la Terre à la planète ciblée. Toutefois, il existe toujours un risque que ces embryons soient endommagés ou détruits durant le voyage. Pour remédier à cela, la solution privilégiée, mais aussi plus complexe technologiquement, serait de n’emporter que le matériel biologique (spermatozoïdes, ovules) afin de ne créer des embryons qu’une fois sur place.
Par suite, les embryons doivent pouvoir poursuivre leur développement. La seule solution viable dans ce modèle est l’utilisation d’utérus artificiels. De tels appareils existent déjà et ont été testés avec succès pour des embryons de moutons ainsi que pour des embryons humains. Toutefois, ces tests n’ont montré un succès que pour des périodes extrêmement courtes sur l’humain (interdiction d’utiliser des utérus artificiels au-delà de 14 jours, pour des raisons éthiques) et ne sont pas encore véritablement opérationnels pour un tel scénario.
Le concept de colonisation embryonnaire a de nombreux avantages, notamment celui de ne pas nécessiter l’hibernation de corps humains entièrement développés, une technologie sur laquelle travaillent certes les scientifiques, mais qui peut-être ne sera jamais possible. En outre, des systèmes de maintien des fonctions biologiques de base seraient nécessaires tout au long du voyage, tandis qu’un corps humain entier est bien plus exposé aux risques d’un long voyage que des embryons ou du matériel biologique.
Les problèmes posés par la colonisation embryonnaire
Cependant, le modèle possède aussi des difficultés. Tout d’abord, les robots autonomes destinés à construire la ou les bases des colons ne pourraient être embarqués tels quel, cela créerait une perte de place trop importante. Ils doivent donc pouvoir se construire eux-mêmes avec des matériaux embarqués ou présents sur place. Et il est pour le moment impossible de dire si une telle technologie verra le jour dans le futur.
L’avantage d’amener directement des colons adultes est que ceux-ci possèdent déjà tous les aspects sociétaux de la civilisation humaine : art, science, culture, langage et vie en société. Des colons issus d’embryons devraient apprendre tous ces aspects sur place et sans pouvoir les apprendre d’autres humains (parents, professeurs). Dès lors, ce serait à l’intelligence artificielle de remplir ce rôle de parent artificiel à la fois en éduquant les enfants et à la fois en leur permettant d’acquérir une psychologie stable et saine.
Enfin, des questions éthiques importantes se posent. La question de la faisabilité technique d’élever des enfants sans contact humain s’ajoute à celle de la faisabilité morale. Il est déjà considéré comme non-éthique de « créer » délibérément des enfants qui devront grandir sans parents. Pourtant, c’est ce qu’exige un tel scénario. En outre, sur quels critères l’ADN du matériel biologique embarqué doit-il être choisi ? Et sur quel système de valeurs l’IA-parent doit-elle reposer ? Sur des valeurs terrestres, ou doit-elle créer et adapter ses propres valeurs ?