Alors que les chasseurs de comètes contemplent la comète « verte » ZTF 2022 E3, les instruments de SOHO et de la NASA pointent la comète 96P Machholz, se dirigeant dans une direction opposée, droit vers le Soleil. Elle a atteint le périhélie (point le plus proche du Soleil) le 31 janvier 2023. Contrairement à d’autres comètes pulvérisées par leur passage trop rapproché du Soleil, cette comète de la taille d’une ville (6 kilomètres) a survécu. Un astronome suggère qu’elle pourrait être d’origine extrasolaire.
96P, ou Machholz 1 — du nom de l’astronome amateur Don Machholz qui l’a découverte en 1986 —, est une comète de taille moyenne dont l’orbite présente une période relativement courte, une faible inclinaison et est contrôlée par les effets gravitationnels de Jupiter. Elle complète une orbite autour du Soleil tous les 1930 jours.
Le JPL de la NASA a classé 96P/Machholz 1 comme un « astéroïde proche de la Terre » en raison de la proximité de son orbite avec cette dernière, mais il n’est pas considéré comme potentiellement dangereux, car les simulations informatiques n’ont indiqué aucune probabilité de collision imminente.
Contrairement à beaucoup de comètes qui se dirigent vers le soleil de diamètre inférieure à 10 mètres et qui, par conséquent, se consument, la comète Machholz 1 semble protégée de l’évaporation complète par sa taille. Les dernières estimations lui attribuent un diamètre de plus des deux tiers de la hauteur du mont Everest, soit plus de 6 km.
De plus, elle est suspectée d’être à l’origine des Ariétides, une pluie de météores intense active du 22 mai au 2 juillet de chaque année.
Récemment, alors que la comète c/2022 E3 (ZTF) apparaît dans le ciel nocturne du Nord, la comète 96P Machholz 1 vient de la direction opposée et termine son orbite entre le Soleil et la Terre. Elle a atteint le périhélie (point le plus proche du Soleil) le 31 janvier 2023. C’est également à ce moment-là que la comète a atteint le périgée (point le plus proche de la Terre).
Une comète extrasolaire
La comète Machholz 1 n’est pas comme les autres. Karl Battams, qui dirige le projet Sungrazer de l’US Naval Research Laboratory, déclare dans un tweet du 29 janvier : « 96P est l’une des comètes les plus étranges du système solaire sur le plan de la composition et du comportement ».
D’ailleurs, David Schleicher de l’observatoire Lowell de Flagstaff, en Arizona, étudie la composition chimique des comètes. Il a découvert, après une analyse de 150 d’entre elles, qu’elles avaient toutes des niveaux similaires de cyanogène chimique (CN), à l’exception de Machholz 1, qui a moins de 1,5% du niveau normal. Avec quelques autres comètes, il est également pauvre en molécules de C2 et C3. Schleicher suggère trois explications possibles.
En premier lieu, la plus simple, est que Machholz 1 aurait pu se former dans une région extrêmement froide du système solaire, extérieure à la ceinture de Kuiper et bien au-delà de Neptune, étant appauvrie en molécules carbonées. En effet, les basses températures signifient que la plupart du carbone est piégé dans d’autres molécules.
En deuxième lieu, cette comète rend visite au Soleil à plusieurs reprises, et il est donc possible que ces confrontations répétées avec la chaleur dégagée du Soleil aient éliminé la majeure partie de son cyanogène.
En dernier lieu, il se pourrait que Machholz 1 soit d’origine extrasolaire. Dans un article du NewScientist, un chercheur explique : « Une origine extrasolaire facilite l’explication de la composition — bien sûr, nous nous attendrions à ce que tout soit différent. Ici, trois molécules contenant du carbone sont toutes épuisées, alors peut-être que le carbone est épuisé à tous les niveaux ? Comme si la comète venait d’ailleurs et n’était pas simplement une singularité de notre système solaire ».
La comète s’est peut-être retrouvée sur son étrange orbite très excentrique après avoir été éjectée de son système stellaire d’origine par la gravité d’une planète géante. Puis, après un laps de temps considérable à errer dans le cosmos, une rencontre fortuite avec Jupiter aurait pu courber sa trajectoire pour la piéger autour de notre étoile. Son orbite, de la plus petite distance de périhélie connue parmi les comètes à courte période, la rapproche beaucoup plus du Soleil que l’orbite de Mercure.
SOHO, guetteur de comète
L’Observatoire solaire et héliosphérique SOHO (une mission conjointe entre l’Agence spatiale européenne et la NASA), n’a pas été conçu pour trouver des comètes — son objectif initial était d’étudier le Soleil depuis son noyau profond jusqu’aux couches extérieures de son atmosphère.
Mais près de 25 ans après son lancement, les données de cet observatoire solaire spatial ont conduit à la découverte de bien plus de la moitié de toutes les comètes connues, soit plus de 4500 nouvelles comètes découvertes en juillet 2022, selon le site Sungrazer de l’US Naval Research Laboratory. Il s’agit d’un projet financé par la NASA et géré par Battams, né des premières découvertes de comètes citoyennes, peu de temps après le lancement de SOHO en 1995.
Karl Battams explique dans un communiqué : « SOHO est placé de manière unique dans l’espace et conçu de manière unique, et ce sont ces caractéristiques qui lui permettent d’observer et découvrir autant de comètes ».
En effet, SOHO est équipé d’un coronographe, équipé d’un disque solide bloquant la lumière centrale provenant du Soleil, révélant l’atmosphère extérieure (beaucoup moins lumineuse), la couronne. Les scientifiques utilisent ces images de la couronne pour étudier comment cette partie de l’atmosphère change et pour suivre les explosions occasionnelles de matière du Soleil, appelées éjections de masse coronale. Le point de vue de SOHO entre le Soleil et la Terre, à environ un million de kilomètres de cette dernière, lui donne une vue constante de l’atmosphère solaire.
Le coronographe de SOHO, connu sous le nom de LASCO, a à la fois une sensibilité élevée et un large champ de vision, ce qui s’avère parfaitement adapté pour repérer les « comètes solaires » qui passent trop près du Soleil pour être vues de la Terre ou avec la plupart des autres instruments scientifiques.
Les comètes repérées par SOHO agissent comme des « manches à air célestes » selon la NASA, révélant de nouvelles informations sur le vent et l’atmosphère solaire qu’elles traversent.
VIDÉO : Un accélérée du passage de la comète (© Ron Murphy)
So @SungrazerComets pointed out Comet 96P on SOHO, so I could not resist the need for a time-lapse. https://t.co/x3ZE1lPT4h pic.twitter.com/lUGsI9LJtC
— Ron Murphy (@isixtyfive) January 31, 2023
À mesure que les comètes s’approchent du Soleil, elles s’enveloppent d’une queue de gaz libérée par la comète par l’échauffement causé par l’intense rayonnement. Certains des gaz de cette queue sont ionisés et secoués par le vent solaire magnétisé et les champs magnétiques de l’atmosphère extérieure, donnant aux scientifiques la possibilité de mesurer les conditions dans cette région, qui seraient autrement invisibles, ce que nous pouvons clairement observer sur les photos précédemment présentées de la comète Machholz 1. « Nous avons utilisé ces images pour valider des modèles du champ magnétique solaire et divers éléments tels que les densités d’électrons et les températures », déclare Battams.