Prédites par la relativité générale en 1916, puis expérimentalement confirmées en 2015, les ondes gravitationnelles ont permis à l’astrophysique d’entrer dans une nouvelle ère d’observation du cosmos. Des instruments comme LIGO, Virgo et bientôt KAGRA et IndIGO, scrutent en permanence le ciel à la recherche de ces ondulations de l’espace-temps. Mais comment font-ils pour les détecter ?
En 1916, Albert Einstein démontre que lorsque deux corps massifs accélèrent, il en résulte des perturbations de l’espace-temps qui se propagent au sein de celui-ci sous forme d’ondes. Il faut attendre le 14 septembre 2015 pour que des ondes gravitationnelles, produites par la coalescence de deux trous noirs situés à 1.3 milliards d’années-lumière, soient détectées par la collaboration LIGO. Une seconde détection intervient en décembre 2015, cette fois-ci réalisée conjointement par LIGO et Virgo.
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Pour détecter les ondes gravitationnelles, les astrophysiciens utilisent des instruments spécifiques utilisant le principe de l’interférométrie. Cette méthode exploite les schémas d’interférence créés par des ondes cohérentes. Les interféromètres utilisés par les scientifiques, comme LIGO et Virgo, sont des interféromètres de Michelson.
Interféromètres : deux bras, un laser et des miroirs pour détecter les ondes gravitationnelles
Un interféromètre comme LIGO est composé de deux bras de longueurs identiques et de multiple exact d’une longueur d’onde particulière. Un vide poussé est créé au sein de ces bras. Un faisceau laser (lumière cohérente) de même longueur d’onde est divisé par un séparateur de faisceau en deux composantes perpendiculaires, chacune envoyée dans un bras dont l’extrémité comprend un miroir. La lumière est donc réfléchie plusieurs fois, puis est recombinée pour former un schéma d’interférence.
Si ce schéma d’interférence reste parfaitement constant en l’absence d’ondes gravitationnelles, alors l’interféromètre est correctement configuré. Pendant environ 40 ans, les scientifiques de la collaboration LIGO ont travaillé à calibrer convenablement l’interféromètre afin d’atteindre une sensibilité permettant de détecter de véritables signaux gravitationnels. L’amplitude de ces derniers est extrêmement faible, c’est pourquoi la calibration a nécessité plusieurs dizaines d’années.
Les ondes gravitationnelles sont différentes de toutes les autres ondes connues se propageant dans l’Univers. En lieu et place de signatures détectables par l’intermédiaire d’interactions entre particules (rayonnement électromagnétique par exemple), les ondes gravitationnelles sont des ondulations de la fabrique même de l’espace-temps.
Au lieu d’ondes monopolaires (transport de charges) ou d’ondes dipolaires (champs oscillants), les ondes gravitationnelles sont une forme d’onde quadrupolaire. Et au lieu de champs électriques et magnétiques perpendiculaires à la direction de propagation de l’onde, les ondes gravitationnelles étirent et contractent alternativement l’espace qu’elles traversent dans des directions mutuellement perpendiculaires, selon la polarisation de l’onde.
Lorsqu’une onde gravitationnelle passe au travers d’un interféromètre comme LIGO, l’un des bras se contracte tandis que l’autre s’étire, et vice-versa, créant un schéma d’oscillations caractéristique.
Les détecteurs LIGO sont délibérément placés à des angles opposés et à différents endroits de la surface de la Terre, de sorte que quelle que soit l’orientation de l’onde, au moins l’un des capteurs détectera celle-ci. Ainsi, les astrophysiciens s’assurent d’avoir toujours un détecteur placé de manière optimale, selon l’orientation de l’onde gravitationnelle.
Détecter les ondes gravitationnelles grâce au temps de propagation de la lumière
À l’intérieur des bras, dans le vide, la lumière (le faisceau laser) se déplace à 299’792’458 m/s. Lorsqu’une onde gravitationnelle traverse le détecteur, la contraction et l’étirement des bras entraînent également la contraction et l’étirement de la longueur d’onde de la lumière.
Instinctivement, l’on pourrait penser que si la longueur d’onde lumineuse est contractée et étirée en même temps que les bras, alors le schéma d’interférence total demeure inchangé. Cependant, le fonctionnement du détecteur est différent. En réalité, la longueur d’onde de la lumière, qui dépend fortement de la manière dont l’espace est modifié au passage de l’onde gravitationnelle, n’est pas importante dans le schéma d’interférence. En effet, ce qui est important, c’est la durée de propagation de la lumière dans le bras.
Quand une onde gravitationnelle traverse un bras, cela change temporairement la longueur effective de celui-ci, et donc le temps que met chaque faisceau laser à le traverser. Un bras est étiré, allongeant le temps de propagation ; tandis qu’un autre est contracté, réduisant le temps de propagation.
Comme le temps relatif d’arrivée change entre les deux bras, un schéma oscillatoire apparaît suite à la reconstruction du motif d’interférence. En d’autres mots, lorsque les deux faisceaux se recombinent, il y a une différence dans leur durée de propagation, et donc un décalage caractéristique dans le schéma d’interférence final.
Il est vrai que la longueur d’onde de la lumière change au passage d’une onde gravitationnelle : lorsque l’espace est étiré, la longueur d’onde l’est aussi, et la lumière est décalée vers le rouge ; lorsque l’espace est contracté, la lumière est décalée vers le bleu. Toutefois, peu importe sa longueur d’onde, la lumière se déplacera toujours à ~300’000 km/s dans le vide. La vitesse de la lumière dans le vide est une constante qui ne dépend pas de la longueur d’onde. Le seul paramètre signifiant est donc le temps que met la lumière pour traverser les bras.