Comment les souvenirs se forment-ils et disparaissent-ils ? Une nouvelle étude confirme ce que nous pensions.

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La mémoire est une capacité cérébrale complexe qui peut parfois nous surprendre tant elle possède de schémas de fonctionnement et de particularités. Vous êtes-vous déjà demandés exactement pourquoi vous arriviez parfois à vous souvenir de certains éléments peu importants du passé, alors que vous oubliez souvent le nom des personnes qu’on vous présente quelques instants plus tard ? En d’autres termes, pourquoi certains souvenirs sont-ils stables sur des décennies, alors que d’autres s’estompent en quelques minutes ?

En utilisant des modèles murins, des chercheurs du California Institute of Technology (Caltech) ont réussi à déterminer que les « souvenirs persistants » et stables étaient codés par des groupes de neurones activés de manière synchrone, offrant une redondance leur permettant de perdurer dans le temps.

L’étude pourrait permettre de comprendre comment la mémoire peut être affectée par la maladie d’Alzheimer ou suite à une lésion cérébrale (résultant d’un accident vasculaire cérébral par exemple). Les résultats ont été décrits dans un article paru dans la revue Science.

Dirigée par Walter Gonzalez, chercheur postdoctoral, l’équipe a mis au point un test visant à examiner l’activité neuronale des souris lorsqu’elles découvrent et se souviennent d’un nouvel endroit.

Le test :

Une souris a été placée dans une enceinte rectiligne d’environ 1.5 mètre de long, comportant des parois blanches. Des symboles uniques marquaient différents endroits le long des murs : par exemple, un signe plus (+) épais près de l’extrémité la plus à droite et une barre oblique près du centre ().

De l’eau sucrée était placée à chaque extrémité de l’enceinte. Pendant l’exploration de la souris, les chercheurs ont mesuré l’activité de neurones spécifiques dans l’hippocampe des souris (la région du cerveau où se forment les nouveaux souvenirs, notamment ceux concernant les lieux).

Lorsqu’un animal était placé pour la première fois dans l’enceinte, il ne comprenait pas quoi faire et errait de gauche à droite jusqu’à ce qu’il tombe sur de l’eau sucrée. Dans ces cas, les neurones individuels étaient activés lorsque les souris remarquaient un symbole sur le mur.

Mais après de nombreuses expériences avec le parcours, les souris se familiarisaient et se souvenaient des emplacements du sucre. Au fur et à mesure qu’elles devenaient plus familières, de plus en plus de neurones étaient activés de manière synchrone lorsqu’elles apercevaient les symboles sur les parois. Les souris reconnaissaient la position de chaque symbole unique.

Des souvenirs persistants codés par de grands groupes de neurones

Pour étudier comment les souvenirs s’estompent au fil du temps, les chercheurs ont alors retiré les souris ayant effectué le parcours pendant 20 jours maximum. De retour sur la piste après cette pause, les souris qui avaient formé des souvenirs forts, codés par un nombre plus élevé de neurones, se souvenaient rapidement de la tâche. Même si certains neurones ont montré une activité différente, les souvenirs de l’enceinte et des symboles étaient clairement identifiables lors de l’analyse de l’activité de grands groupes de neurones.

En d’autres termes, l’utilisation de groupes de neurones permet au cerveau d’être redondant tout en rappelant des souvenirs, même si certains des neurones d’origine se taisent ou sont endommagés.

« Imaginez que vous ayez une histoire longue et compliquée à raconter. Afin de préserver l’histoire, vous pouvez la raconter à cinq de vos amis, puis vous réunir à l’occasion avec chacun d’entre eux pour la raconter à nouveau et vous entraider, pour combler les éléments oubliés de chaque individu. De plus, chaque fois que vous racontez une nouvelle histoire, vous pouvez amener de nouveaux amis à apprendre et contribuer ainsi à la préserver et à renforcer sa mémorisation. De manière analogue, vos propres neurones s’aident les uns les autres, afin d’encoder des souvenirs qui persisteront dans le temps » explique Gonzalez.

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La mémoire est si fondamentale dans le comportement humain que toute altération peut avoir de graves conséquences sur notre vie quotidienne. La perte de mémoire liée au vieillissement normal peut constituer un handicap important pour les personnes âgées. En outre, la perte de mémoire causée par plusieurs maladies, notamment la maladie d’Alzheimer, a des conséquences dévastatrices qui peuvent interférer avec les routines les plus élémentaires, notamment la reconnaissance des proches, le souvenir du chemin du retour ou encore le fonctionnement d’une serrure.

Ces travaux suggèrent également que les souvenirs s’effacent plus rapidement avec l’âge, car chaque souvenir est codé par moins de neurones et, si l’un de ces neurones est endommagé ou dysfonctionnel, le souvenir est altéré ou perdu. À l’avenir, la conception de traitements susceptibles de stimuler le recrutement d’un nombre plus élevé de neurones pour coder les souvenirs, pourrait aider à prévenir les pertes de mémoire.

« Cela fait longtemps que les gens savent que plus l’on pratique une action, meilleures sont les chances de s’en souvenir plus tard », déclare Carlos Lois, professeur de biologie et faisant partie des auteurs principaux de l’étude.

« Nous pensons maintenant que cela est probable, car plus vous pratiquez une action, plus le nombre de neurones codant l’action est élevé. Les théories classiques sur le stockage en mémoire postulent que la création d’un souvenir plus stable nécessite le renforcement des connexions sur un neurone individuel. Nos résultats suggèrent qu’augmenter le nombre de neurones encodant le même souvenir permet à ce dernier de durer plus longtemps » conclut-il.

Source : California Institute of Technology

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