Décrits pour la première fois en 1773 par le zoologiste Johann A. E. Goeze, les tardigrades (encore surnommés oursons d’eau) sont des animaux mesurant un peu plus de 1 mm et notoirement connus pour leur capacité à évoluer dans des environnements extrêmes partout sur la planète. Ils sont dotés d’une polyrésistance leur permettant de résister à des conditions tels que le vide, la pression, les radiations, l’anoxie, les températures extrêmes, la dessiccation, etc. Et récemment, une équipe de biologistes de l’université de San Diego a pu mettre en évidence le mécanisme moléculaire permettant aux tardigrades de protéger leur ADN.
D’une taille d’environ 0.1 à 1 millimètre, les tardigrades sont présents dans les milieux aquatiques du monde entier, y compris les environnements montagneux, profonds et antarctiques. Il est bien établi qu’ils ont des capacités remarquables de survie aux conditions extrêmes, allant de niveaux de radiation dangereusement élevés à des températures extrêmement basses, en passant par l’exposition à des produits chimiques mortels. Ils ont même été envoyés dans l’espace dans le cadre d’un projet de transfert de formes de vie sur la Lune.
Les chercheurs de la division des sciences biologiques de l’Université de San Diego ont eu recours à diverses techniques biochimiques pour étudier les mécanismes sous-tendant la capacité de survie des tardigrades dans des conditions extrêmes. Les résultats de la recherche ont été publiés dans la revue eLife. Des études antérieures ont identifié une protéine appelée Dsup (pour Damage Suppression Protein), que l’on ne trouve que chez les tardigrades.
Un manteau protéique protecteur autour de l’ADN
Lorsque Dsup est exprimée dans des cellules humaines, elle peut les protéger des rayons X. Cependant, les biologistes ne savaient pas comment elle réalisait cette protection. Grâce à des analyses biochimiques, l’équipe de chercheurs a découvert que Dsup se lie à la chromatine, la forme compactée que prend l’ADN à l’intérieur des cellules. Une fois liée à la chromatine, Dsup protège les cellules en formant un nuage qui protège l’ADN des radicaux hydroxyles produits par les rayons X.
« Nous avons maintenant une explication moléculaire de la manière dont Dsup protège les cellules contre l’irradiation aux rayons X » déclare Kadonaga, titulaire de la chaire de recherche Amylin sur les sciences de la vie. « Nous voyons que le mécanisme se compose de deux parties, l’une qui se lie à la chromatine et le reste, formant une sorte de nuage qui protège l’ADN des radicaux hydroxyles ».
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Toutefois, Kadonaga ne pense pas que cette protection soit spécifiquement destinée à protéger contre les radiations. Au lieu de cela, il s’agit probablement d’un mécanisme de survie contre les radicaux hydroxyles dans les environnements moussus habités par de nombreux tardigrades terrestres. Lorsque la mousse se dessèche, les tardigrades passent à un état dormant de déshydratation ou « anhydrobiose », pendant lequel Dsup les aide à survivre.
Un mécanisme protecteur utile en biotechnologie
Les chercheurs expliquent que les nouvelles découvertes pourraient éventuellement les aider à développer des cellules animales capables de vivre plus longtemps dans des conditions environnementales extrêmes. En biotechnologie, ces connaissances pourraient être utilisées pour augmenter la durabilité et la longévité des cellules, par exemple pour la production de certains produits pharmaceutiques dans des cellules en culture.
« En théorie, il semble possible que des versions optimisées de Dsup puissent être conçues pour protéger l’ADN de nombreux types de cellules. Dsup pourrait donc être utilisé dans une large gamme d’applications, telles que les thérapies cellulaires et les kits de diagnostic dans lesquels une survie cellulaire accrue est bénéfique » conclut Kadonaga.