Dans le monde, le rythme et le mode de vie actuels permettent difficilement de prendre le temps de cuisiner ou d’acheter des produits alimentaires frais pour chaque repas. Afin de tenter de combler les lacunes nutritionnelles et maintenir une bonne santé, de nombreuses personnes se tournent désormais vers les compléments alimentaires. Selon les circonstances et les carences, ces substances peuvent être bénéfiques, mais elles peuvent aussi être inutiles voire devenir nocives pour la santé, surtout sans prescription médicale. Une nouvelle analyse d’un groupe de chercheurs américains des services de prévention sanitaire (USPSTF) a démontré que pour les personnes en bonne santé, les bénéfices apportés par une alimentation saine ne peuvent pas être obtenus par la prise de compléments alimentaires. En somme, dans la majorité des cas, il s’agirait d’un gaspillage d’argent et de temps.
Les oligo-éléments et les vitamines sont incontestablement bénéfiques pour la santé, grâce à leurs effets antioxydants et anti-inflammatoires. Contenus dans des produits alimentaires frais (fruits, légumes, poisson, lait, etc.), ils peuvent même prévenir le cancer et les maladies cardiaques.
De nombreux facteurs, incluant le manque de temps ou de moyens financiers, peuvent entraver l’accès à une alimentation équilibrée. De plus, les produits de qualité comme les produits bio sont parfois beaucoup plus chers que la moyenne, aggravant le manque d’accès à l’alimentation saine. Cette tendance est visible partout dans le monde et surtout dans les pays en voie de développement.
Pour tenter de maintenir une bonne santé, certaines personnes se tournent donc vers des compléments alimentaires, notamment en vente en pharmacie. De plus, beaucoup d’entre elles ont tendance à penser que ces compléments sont inoffensifs, et se passent souvent de prescriptions médicales. La toxicité et les effets indésirables de ces substances sont notamment peu étudiés, en comparaison des « vrais médicaments ».
Dans les pays riches cependant, la prise de compléments peut être motivée par d’autres objectifs comme les régimes amincissants, le maintien du tonus musculaire, les soins capillaires, etc. Aux États-Unis par exemple, plus de la moitié des adultes en consomment pour ces diverses raisons. Les budgets marketing et les bénéfices générés par la vente de compléments alimentaires se comptent en milliards de dollars. En 2021, les ventes du secteur ont atteint 50 milliards de dollars, pour un budget de commercialisation de 900 millions de dollars.
Aujourd’hui, un groupe d’experts issus de l’Université du Northwestern ont révélé que ces substances n’apportent quasiment aucun bénéfice sur la santé, et au contraire peuvent y nuire, sans recommandation responsable. Prises en excès, certaines vitamines par exemple peuvent devenir toxiques. Les nouvelles analyses, exposées dans l’édition JAMA Network, ont permis d’élaborer de nouvelles recommandations.
À prendre uniquement dans les bonnes circonstances
Les analyses ont été effectuées par un groupe de 16 experts médicaux et incluaient 84 études portant sur l’utilisation des compléments. 54 d’entre elles ont été publiées après une première série de recommandations de l’USPSTF en 2014.
Suite aux évaluations, les experts déconseillent particulièrement l’utilisation de compléments à base de bêta-carotène pour la prévention des maladies cardiovasculaires ou du cancer. Isolé ou synthétisé artificiellement, ce pigment (que l’on trouve dans les fruits et légumes rouges et oranges) peut augmenter la mortalité par pathologies cardiaques et le risque de cancer du poumon. Les compléments à base de vitamine E sont également déconseillés, car ils n’auraient aucun avantage net dans la prévention des deux maladies. Pour le cas des multivitamines, il n’y aurait pas non plus de bénéfices concrets sur la santé, bien que les experts estiment que les analyses ne sont pas assez fournies en données.
« Pour la plupart des compléments de vitamines et de minéraux, y compris des combinaisons comme les multivitamines, nous n’avons pas trouvé suffisamment de preuves pour recommander ou déconseiller leur utilisation dans la prévention des maladies cardiovasculaires et du cancer, à quelques exceptions près », explique Michael Barry, vice-président de l’ USPSTF.
Ce qu’il faut savoir, c’est que les vitamines et oligo-éléments contenus dans les fruits, les légumes, le lait, sont des mélanges de composés chimiques et naturels complexes de fibres et d’autres nutriments qui agiraient en synergie pour offrir leurs bienfaits sur la santé. De plus, les micronutriments isolés peuvent agir différemment dans l’organisme lorsqu’ils ne sont pas enrobés par d’autres substances de synthèse comme les excipients. Les ostéopathes recommandent d’ailleurs de préférer les produits laitiers aux comprimés pour obtenir du calcium.
La prise de compléments alimentaires ne procurerait ainsi qu’un faux sentiment de sécurité dans la majorité des cas (sans prescription). « Nous constatons que les vitamines et les compléments, malheureusement, ne sont pas une solution miracle pour les Américains en bonne santé », indique Jenny Jia, auteure principale de l’analyse et chercheuse au département de médecine préventive de Northwestern.
Toutefois, ces recommandations ne sont valables que pour les personnes en bonne santé, et sont différentes pour les femmes enceintes ainsi que les personnes souffrant de carences. Chez la femme enceinte, il est par exemple recommandé de prendre de l’acide folique, ou vitamine B (à hauteur de 0,4 à 0,8 mg par jour), pour prévenir les malformations du tube neural. Le fer est également préconisé pour prévenir les naissances prématurées et le faible poids à la naissance, ainsi que pour améliorer le développement cérébral du fœtus.