Par rapport à celles en plastique, les pailles en papier (supposées écologiques) contiennent plus de produits chimiques hautement toxiques — principalement des substances perfluoroalkylées (PFAS), selon une étude. Servant probablement de revêtements étanches, certains de ces composés mettraient des milliers d’années à se dégrader dans l’environnement et représentent un risque pour la santé.
Les PFAS constituent une famille de 12 000 produits chimiques dont la configuration moléculaire leur permet de résister durablement à la dégradation dans l’environnement. Cette propriété leur vaut le surnom de « produits chimiques éternels ». Ces composés sont largement utilisés comme revêtements hydrofuges (étanches) pour de nombreux objets du quotidien, tels que les sacs en plastique, les poêles antiadhésives et les barquettes alimentaires.
Particulièrement résistants à nos enzymes, les PFAS, en contaminant l’eau et les produits alimentaires, peuvent s’accumuler dans notre organisme. Cette accumulation dépend de la quantité, de la longueur de leur chaîne moléculaire, du type d’aliment avec lequel ils sont en contact et de la température. Des analyses ont antérieurement révélé qu’un contact prolongé avec des aliments gras et à haute température augmente le taux de migration de ces composés toxiques dans notre organisme, surtout s’ils sont à chaîne courte. Sur le long terme, leur agglomération est associée à un grand nombre de problèmes de santé, tels qu’une plus faible réponse aux vaccins, un faible poids à la naissance, une hypercholestérolémie, des lésions hépatiques, des cancers du rein et des testicules, etc.
Une récente étude menée aux États-Unis a révélé que contrairement à ce que l’on croit, la grande majorité des pailles en papier (c’est-à-dire d’origine végétale) disponibles dans le commerce ne sont pas entièrement écologiques. En effet, ces pailles gagnent toujours plus en popularité, en vue du nombre croissant de villes ou de pays interdisant l’usage des produits en plastique à usage unique. Or, elles contiendraient des PFAS et ainsi ne sont ni complètement biodégradables ni sans impacts néfastes sur la santé.
« Les pailles fabriquées à partir de matériaux végétaux, comme le papier et le bambou, sont souvent présentées comme étant plus durables et plus respectueuses de l’environnement que celles fabriquées à partir de plastique. Cependant, la présence de PFAS dans ces pailles signifie que ce n’est pas nécessairement vrai », explique Thimo Groffen, chercheur en environnement à l’Université d’Anvers et coauteur de la nouvelle étude, détaillée dans la revue Taylor & Francis Online. Cette recherche est la première à vérifier si cela est également le cas en Europe. Les résultats sont révélateurs : les pailles en papier et en bambou sont plus susceptibles de contenir des PFAS que les pailles en plastique et en verre. Les seules exemptes de ces composés toxiques sont celles en acier inoxydable.
Des PFAS retrouvés dans 90% des pailles en papier
Dans le cadre de leur enquête, les chercheurs belges ont collecté des lots de pailles de 39 marques différentes en papier, en bambou, en plastique, en verre et en acier inoxydable. Les articles ont été achetés auprès d’une large gamme de points de vente, incluant des magasins, des supermarchés et des chaînes de fast-food. Sur la base de l’offre disponible, les analyses ont été effectuées sur 20 marques de pailles en papier, 5 marques en verre, 5 en bambou, 5 en acier et 4 en plastique, détectant au total 29 PFAS différents.
Après deux séries de tests, 18 types de PFAS ont été détectés. Celui le plus couramment retrouvé est l’acide perfluorooctanoïque (PFOA), un composé hautement toxique et interdit à l’utilisation depuis 2020. Cette substance peut rester dans le sang pendant plusieurs décennies et serait impliquée dans des cas de malformation congénitale et de cancers des reins et des testicules. L’acide trifluoroacétique (TFA) et l’acide trifluorométhanesulfonique (TFMS), des PFAS à chaîne ultra courte et fortement solubles dans l’eau, ont également été décelés.
La majorité des marques (27 sur 39, ou 69%) contenait des PFAS, mais les pailles en papier étaient les plus susceptibles d’en renfermer. Notamment, les composés toxiques étaient présents dans 18 marques de pailles en papier sur 20 (90%), contre 3 sur 4 (75%) pour les marques en plastique. 4 marques en bambou sur 5 (80%) et 2 marques en verres sur 5 (40%) en contenaient également. Seules les pailles en acier en étaient exemptes.
D’après les chercheurs, les PFAS sont probablement utilisés en tant que revêtements afin d’améliorer l’étanchéité des pailles. Il est également possible que les substances proviennent des sols au niveau desquels les sources végétales ont été cultivées, ou de l’eau utilisée au cours des processus de fabrication.
Toutefois, il faut préciser que les concentrations de PFAS retrouvées dans les pailles en papier étaient relativement faibles, sans compter que ces pailles ne sont généralement utilisées qu’occasionnellement. Le risque pour la santé humaine pourrait ainsi être considéré comme mineur. Néanmoins, ces substances peuvent s’accumuler avec le temps. « De petites quantités de PFAS, bien que non nocives de façon ponctuelle, peuvent s’ajouter à la charge chimique déjà présente dans l’organisme », explique cependant Groffen. Et bien que l’étude n’ait pas pu déterminer exactement si les PFAS pouvaient contaminer les boissons par le biais des pailles, les chercheurs recommandent d’utiliser davantage celles en acier inoxydable.