Atterrie en marge d’une province volcanique martienne en novembre 2018, la sonde InSight a pour objectif principal d’étudier la structure interne de la planète rouge. Ses principaux résultats, révélés en février 2020, étaient jusque-là la grande taille du noyau de Mars et l’absence de stratification de son manteau. Depuis le 23 novembre, se rajoute la composition du sol martien jusqu’à 200 mètres sous les pieds de la sonde InSight, publiée dans la revue Nature Communications. Sous une couche d’environ 3 mètres de régolithe (poussière d’impacts d’astéroïdes) reposent deux couches de roches volcaniques séparées, entre 30 et 75 mètres de profondeur, par d’inattendues roches sédimentaires.
C’est une analyse du sol martien à la précision jusqu’alors inédite qu’a livré une équipe de chercheurs internationaux le 23 novembre dans la revue Nature Communications. Grâce au sismomètre embarqué SEIS (Seismic Experiment for Interior Structure) de la sonde InSight, les scientifiques ont dévoilé la composition du sol reposant sous la sonde sur 200 mètres, presque comme s’ils y étaient — malgré les 62 millions de kilomètres minimum qui nous séparent de la planète rouge.
Leur méthode ? Utiliser les ondes de Rayleigh — des ondes sismiques se propageant en surface de manière analogue aux vagues — pour déterminer la vitesse de propagation des ondes sismiques dans les différentes couches des roches superficielles martiennes, et en déduire une composition géologique probable.
Utilisée depuis des décennies sur Terre avec succès, l’exploitation des ondes sismiques à une telle profondeur est une première sur Mars. « Les études sismiques de la surface du sol au site d’atterrissage d’InSight étaient jusqu’alors limitées à 10-20 mètres », rappellent les chercheurs dans leur article. Afin de limiter au maximum les interférences, les ondes sismiques utilisées par les scientifiques ont été tirées de 7 heures d’observation en février 2020, lors d’une période calme jugée représentative de l’activité sismique classique de Mars.
Des roches sédimentaires s’invitent dans les basaltes
Au menu, du plus au moins superficiel : quelques mètres de régolithe (la poussière cosmique plus ou moins grossière composée de débris d’impacts d’astéroïdes), une petite touche de roches volcaniques basaltiques d’environ 15 mètres d’épaisseur, 45 mètres de sédiments, 100 mètres de roche volcanique basaltique, puis encore des sédiments. Dans ce mille-feuille martien, seule la tranche de sédiments en sandwich entre les basaltes étonne les chercheurs, au vu du site d’atterrissage d’InSight en lisière de la seconde plus grande province volcanique martienne, Elysium Planitia.
Comment expliquer cette couche de sédiments entre deux vieux épanchements de lave martienne, datant respectivement d’il y a 1,7 (jeunes basaltes amazoniens) et 3,6 milliards d’années (vieux basaltes hespériens) ? Il pourrait s’agir de débris de jeunes basaltes amazoniens, mais la précision des mesures d’InSight demeure insuffisante pour déterminer avec plus de précision la composition de cette couche intermédiaire. Quoi qu’il en soit, ces sédiments indiquent une longue pause dans l’activité volcanique martienne, entre l’intensité des premières éruptions de l’Hespérien, à la couche de basalte bien plus épaisse, et celle plus mesurée de l’Amazonien près de 2 milliards d’années plus tard.
Sédiments et roches volcaniques qui alternent : finalement, Mars, c’est presque l’Auvergne ! Ou, en tout cas, une planète à l’histoire proche de celle de notre planète dans sa jeunesse avant de péricliter. Pourquoi ? Sûrement à cause d’un noyau trop important ayant empêché la stratification du manteau martien, et donc ayant entraîné son refroidissement rapide et l’absence de tectonique des plaques comme sur Terre.
En plus de nous renseigner sur les points communs et les différences entre nos deux planètes, les récents résultats permettront de mieux modéliser la surface d’Elysium Planitia, afin de mieux préparer l’atterrissage de futures missions d’exploration.