ยซย La science au service de la paixย ยปย : voici lโune des devises de lโOrganisation europรฉenne pour la recherche nuclรฉaire (CERN). Longtemps considรฉrรฉ comme un pont culturel entre la Russie et lโOccident, le plus grand laboratoire de physique des particules au monde subit รฉgalement les consรฉquences de la guerre en Ukraine. Le 8 mars dernier, le Conseil du CERN a dรฉcidรฉ de ne plus sโengager, jusquโร nouvel ordre, dans de nouvelles collaborations avec la Fรฉdรฉration de Russie et ses instituts. Une dรฉcision politique qui pourrait toutefois sโavรฉrer compliquรฉe ร mettre en ลuvre.
Basรฉ ร quelques kilomรจtres de Genรจve, le plus grand laboratoire pour la physique des particules (le CERN) a รฉtรฉ fondรฉ au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (en 1954), autour dโun esprit de paix. Il exploite notamment le cรฉlรจbre Grand collisionneur de hadrons, lequel a permis de dรฉcouvrir le non moins cรฉlรจbre boson de Higgs en 2012.
Actuellement, le CERN compte 23 รtats membres et sept รtats membres associรฉs, dont lโUkraine. Des scientifiques ukrainiens participent donc activement ร de nombreuses expรฉriences et activitรฉs du laboratoire. La Russie nโest pas un membre du CERN mais possรจde le statut dโobservateur, comme les รtats-Unis et le Japon. Pourtant, les scientifiques russes reprรฉsentent environ 1000 personnes sur un total de 12 000 chercheurs au laboratoire, soit environ 8%. Les dรฉcisions les concernant ne sont donc pas sans consรฉquences.
Une dรฉcision en suspens
Par solidaritรฉ avec lโUkraine, de nombreux scientifiques avaient demandรฉ de suspendre toute collaboration avec la Russie. Cโest le cas dโun physicien ukrainien ร Kiev, qui travaille sur une expรฉrience au CERNย : ยซย En tant que laboratoire scientifique de premier plan, le CERN devrait cesser immรฉdiatement toute coopรฉration avec les institutions russes, car sinon, chaque crime et chaque injustice commis par leur gouvernement et leurs forces armรฉes est considรฉrรฉ comme lรฉgitime. Nous appelons la sociรฉtรฉ dรฉmocratique, la sociรฉtรฉ scientifique, ร se tenir ร nos cรดtรฉs contre ce tyran [le prรฉsident russe Vladimir Poutine]ย ยป.
Le 8 mars dernier, le Conseil du CERN a finalement dรฉcidรฉ de soutenir ses collaborateurs ukrainiens et de suspendre le statut dโobservateur de la Russie, jusquโร nouvel ordre. ยซ Les 23 รtats membres du CERN condamnent avec la plus grande fermetรฉ lโinvasion militaire de lโUkraine par la Fรฉdรฉration de Russie et dรฉplorent les pertes en vies humaines et lโimpact humanitaire qui en rรฉsultentย ยป, rapporte le Conseil dans un communiquรฉ.
LโOrganisation a รฉgalement pris la dรฉcision de ne plus sโengager (jusquโร nouvel ordre) dans de nouvelles collaborations avec la Fรฉdรฉration de Russie et ses institutsย ; et de promouvoir des initiatives en vue d’apporter un soutien aux collaborateurs ukrainiens et aux activitรฉs scientifiques menรฉes par l’Ukraine dans le domaine de la physique des hautes รฉnergies. ยซย La situation continuera ร รชtre suivie de prรจs et le Conseil est prรชt ร prendre toute autre mesure, le cas รฉchรฉant, lors de ses prochaines rรฉunionsย ยป, ajoute le communiquรฉ.
Une situation exceptionnelle qui impacte le fonctionnement du laboratoire
Cโest une situation tout ร fait exceptionnelle, dans le sens oรน le lien entre lโEst ou lโOuest avait survรฉcu ร dโautres รฉvรจnements, par exemple lโinvasion de la Tchรฉcoslovaquie par lโUnion soviรฉtique en 1968 et celle de lโAfghanistan en 1979. Certains scientifiques auraient dโailleurs prรฉfรฉrรฉ une autre dรฉcision, comme John Ellis, un physicien thรฉoricien du King’s College de Londres qui travaille au CERN et a fait partie du personnel du laboratoire pendant plus de 40 ans. ยซย L’une des devises du CERN est ‘la science au service de la paix’ ยป, rappelle-t-il. ยซ Cela remonte aux annรฉes 1950, lorsque le CERN รฉtait en fait un lieu de rencontre pour les scientifiques de l’Union soviรฉtique, des รtats-Unis et de l’Europe. Il est important de maintenir de tels liens, surtout en pรฉriode de conflit. Mon attitude personnelle est que nous devrions vraiment nous efforcer de maintenir cette collaboration, si c’est politiquement possible ยป.
Cette dรฉcision politique pourrait finalement sโavรฉrer compliquรฉe ร mettre en ลuvreย : les russes reprรฉsentent 8% des collaborateurs du laboratoire et leur dรฉpart mettrait donc ร mal son bon fonctionnement. Il faut savoir que les physiciens russes participent ร des expรฉriences spรฉcifiques et utiles, comme les autres observateurs non membres.



