Jusqu’à présent, les études sur l’impact des boissons énergisantes sur la santé mentale n’ont permis de mettre en évidence que des corrélations, sans pour autant confirmer un quelconque lien de causalité. Récemment, des chercheurs ont remédié à cela par le biais d’une étude de suivi à long terme. Elle a permis de mettre en évidence le fait que la consommation de boissons énergisantes sur une longue durée favorise le développement de troubles mentaux tels que la dépression, l’anxiété et le stress chronique.
Pour comprendre cet impact sur la santé mentale, il faut d’abord se pencher sur ce que contiennent les boissons énergisantes les plus répandues : souvent, il s’agit d’un puissant mélange d’ingrédients excitants tels que la caféine, le guarana, le sucre, le ginseng et l’aspartame. Elles sont destinées à améliorer la vigilance, la productivité et la motivation, mais peuvent avoir des effets secondaires à long terme qui sont nettement moins bénéfiques… Cela pourrait être dû à l’impact de ces substances sur la qualité du sommeil, qui à son tour et sur le long terme, exacerberait des symptômes jusqu’ici invisibles ou en déclencherait certains.
Par le passé, diverses études transversales ont examiné la relation entre la consommation de boissons énergisantes et les problèmes de santé mentale, mais peu d’entre elles l’ont fait de manière longitudinale, ce qui signifie que les relations de cause à effet ont jusqu’ici été difficiles à déterminer ou à démontrer. Pour y remédier, la présente étude a examiné les données de 897 personnes qui ont été suivies depuis leur naissance dans le cadre de l’étude Raine. Des questionnaires leur ont été distribués à l’âge de 20 ans et à nouveau à l’âge de 22 ans concernant, entre autres, la consommation de boissons énergisantes et l’humeur.
Après avoir contrôlé la santé mentale des parents, la consommation de drogues illicites, les habitudes alimentaires, le revenu familial, la consommation d’alcool et de cigarettes des parents, l’IMC, l’activité physique et d’autres facteurs, les chercheurs ont constaté que les changements dans la consommation de boissons énergisantes étaient positivement associés à une augmentation des scores de stress et, chez les jeunes hommes adultes, à la dépression et à l’anxiété. Les résultats ont été publiés dans la revue Depression & Anxiety.
Des symptômes exacerbés ou déclenchés par la perturbation du sommeil
Les auteurs ont fait de vaillants efforts pour contrôler les variables confusionnelles, et proposent plusieurs façons dont la consommation de boissons énergisantes peut affecter le mode de vie, y compris la modification de la qualité du sommeil. La possibilité qu’un comportement en amont ou un autre élément agisse sur la consommation de boissons énergisantes et sur la dépression et l’anxiété séparément reste cependant largement inexplorée. Mais l’impact de ces substances sur la qualité du sommeil pourrait par exemple exacerber des symptômes jusqu’ici invisibles, mais bien présents initialement. Il est cependant également possible que sur le long terme, la consommation de boissons énergisantes puisse faire apparaître des symptômes auparavant inexistants.
Le manque général d’énergie, par exemple, peut être causé par un certain nombre d’influences externes ou de facteurs internes, et pourrait expliquer l’augmentation des symptômes d’une part et conduire à une consommation accrue de boissons énergisantes d’autre part, pour combattre la fatigue sous-jacente. Les auteurs notent toutefois que les ingrédients des boissons énergisantes peuvent exacerber les symptômes existants de l’anxiété, de la dépression et du stress chronique.
Les études futures devraient explorer des mesures de suivi supplémentaires selon les auteurs, car l’autodéclaration, en particulier concernant les problèmes de santé mentale, est sujette à un biais de sous-déclaration et/ou de surdéclaration. En outre, de nombreux participants perdus de vue dans le cadre de l’étude Raine (qui dure maintenant depuis 30 ans) se sont caractérisés par un désavantage socio-économique, ce qui signifie que les résultats peuvent être faussés.
Malgré leur consommation répandue et, dans de nombreux pays, une réglementation limitée, les effets délétères des boissons énergisantes ne sont pas entièrement compris, ce que la présente étude cherche à combler. Pour le moment, les chercheurs conseillent : « La consommation de boissons énergisantes (BE) peut être un marqueur possible des symptômes de santé mentale chez les jeunes adultes, surtout de sexe masculin. Les cliniciens praticiens pourraient envisager le dépistage de la consommation de BE dans les évaluations de routine de la santé mentale, en particulier pour les jeunes hommes présentant des symptômes de dépression, d’anxiété et de stress », peut-on lire dans le document.