Une équipe de chercheurs sino-américains révèle dans une étude qu’un certain aliment, un animal des fonds marins consommé couramment en Corée, aurait des vertus anti-âge pour le cerveau. Ces organismes renferment en effet des plasmalogènes, un type de phospholipides que l’on trouve aussi dans les tissus humains, en particulier dans le cœur, le cerveau et les cellules immunitaires. Une supplémentation de ces composés administrée à des souris âgées a permis d’inhiber la neuro-inflammation liée à l’âge, tout en favorisant la neurorégénération.
Cet aliment anti-âge n’est autre que l’ascidie (Halocynthia roretzi). Il s’agit d’un animal benthique filtreur, ressemblant à une petite poche souple, recouvert d’une tunique cellulosique. Les ascidies sont particulièrement riches en plasmalogènes, des lipides clés du cerveau, dont la quantité diminue dans le corps humain au cours du vieillissement. Des preuves croissantes suggèrent que des niveaux réduits en plasmalogènes sont associés à plusieurs maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson ou encore la sclérose en plaques.
En raison de leur abondance dans le cerveau, et en tant que composant lipidique majeur des membranes et des vésicules synaptiques, les plasmalogènes sont suspectés de jouer un rôle important dans la neurotransmission. Parallèlement, on pense que le vieillissement entraîne un déclin progressif de la connectivité synaptique du cerveau, provoquant des troubles cognitifs et une prédisposition aux troubles neurodégénératifs. Des chercheurs ont donc étudié les effets d’une supplémentation en plasmalogènes dérivés d’ascidies sur la prévention du déclin cognitif lié à l’âge chez la souris.
Un composé qui améliore les capacités cognitives
Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont élevé une quarantaine de souris femelles jusqu’à l’âge de 16 mois ; elles ont ensuite été divisées en deux groupes : un groupe témoin et un groupe nourri avec une supplémentation de plasmalogènes, administrée par voie intragastrique pendant deux mois (une dose de 300 mg/kg, une fois par jour et 5 jours par semaine). À l’issue des deux mois de traitement, les chercheurs ont réalisé des tests comportementaux.
Pour cette étude comportementale, ils ont utilisé le test du labyrinthe aquatique de Morris, un dispositif aquatique circulaire permettant d’évaluer la mémoire du rongeur. Le dispositif comporte une plateforme immergée (donc invisible) dans l’un des quadrants, que le rongeur, de par son aversion pour l’eau, doit s’empresser de rejoindre ; la plateforme ne bouge pas, mais la position de départ du rongeur varie au fil des essais (des signaux extérieurs permettant à l’animal de se repérer).
Un groupe témoin de jeunes souris (âgées de trois mois) a été utilisé pour discerner l’état de la fonction cognitive chez les deux groupes de souris âgées. Sans surprise, ces dernières ont nagé sur une plus grande distance et ont mis plus de temps à trouver la plateforme par rapport aux jeunes souris, suggérant que les souris âgées étaient atteintes de troubles cognitifs. Mais en comparaison avec le groupe témoin de souris âgées, les souris nourries en plasmalogènes ont montré une distance de nage et une latence d’évasion significativement réduites pour atteindre la plateforme le 4e jour et le 5e jour, rapportent les chercheurs dans leur article.
Pour évaluer la mémoire de référence spatiale des souris, les chercheurs ont effectué des essais où la plateforme était retirée du dispositif. Ils ont alors remarqué que les souris âgées supplémentées en plasmalogènes ont passé plus de temps dans le quadrant cible que les souris témoins âgées. Ces observations suggèrent que la supplémentation en plasmalogènes confère une meilleure capacité d’apprentissage et de mémoire spatiale.
Plus de structures synaptiques et moins d’inflammation
Parallèlement, l’équipe a noté qu’à l’âge de 18 mois, les souris témoins âgées présentaient des signes frappants de sénescence, caractérisés par des poils gris et une perte de poils évidente, alors que les souris âgées nourries avec des plasmalogènes avaient une apparence saine, avec des poils plus brillants et plus épais. Ces données suggèrent que la supplémentation peut atténuer le déclin cognitif lié à l’âge et inverser les symptômes du vieillissement chez les souris.
Les chercheurs ont ensuite examiné les structures synaptiques de chaque groupe de souris par microscopie électronique à transmission. « Remarquablement, des structures synaptiques abondantes sont présentes à la fois chez les jeunes témoins et les souris âgées nourries avec des plasmalogènes, et le nombre de synapses est bien supérieur à ce que nous avons observé chez les témoins âgés », écrivent-ils. De même, le nombre de vésicules synaptiques était beaucoup plus élevé par rapport au groupe témoin et elles étaient uniformément réparties dans les domaines présynaptiques. Cela suggère que les plasmalogènes alimentaires peuvent stopper la détérioration des synapses liée à l’âge.
Une autre caractéristique du vieillissement, considérée comme un facteur important de la neurodégénérescence, est l’inflammation du cerveau. Une inflammation accrue peut avoir un effet négatif sur les capacités cognitives, car le système immunitaire du cerveau devient hyperactif et se retourne alors contre lui-même, attaquant les neurones et empêchant les synapses de fonctionner correctement. Or, les chercheurs ont constaté que les niveaux de cytokines pro-inflammatoires dans les tissus hippocampiques des souris âgées supplémentées étaient significativement réduits par rapport aux autres souris âgées.
« Ces résultats suggèrent pour la première fois que l’administration de plasmalogènes pourrait être une stratégie d’intervention potentielle pour arrêter la neurodégénérescence et promouvoir la neurorégénération », conclut l’équipe. Le mode d’action des plasmalogènes reste à éclaircir. En attendant, le professeur Lei Fu, auteur correspondant de l’étude, est tellement convaincu par ces résultats qu’il prend chaque jour un supplément de plasmalogènes, précise le communiqué.
Des études antérieures ont montré que les plasmalogènes alimentaires affectent les micro-organismes de l’intestin. Or, il a été prouvé que la connexion entre le microbiote intestinal et le cerveau influence la neurodégénérescence. L’équipe pense que les plasmalogènes pourraient agir d’une façon ou d’une autre sur cette connexion, et améliorer ainsi les capacités d’apprentissage et de mémoire.