C’est l’idée proposée par une équipe de l’Université des sciences et technologies du roi Abdallah (KAUST) : une restauration durable et écologique des coraux grâce à l’impression 3D de squelettes de carbonate de calcium, qui imitent parfaitement la structure des coraux. Cette approche innovante pourrait permettre de restaurer les récifs endommagés plus rapidement que jamais.
La dégradation des récifs coralliens est un problème croissant, entraîné par les vagues de chaleur marines, la propagation des maladies des coraux et l’impact humain de la surpêche et de la pollution. Jusqu’à présent, les efforts mis en œuvre pour restaurer les récifs reposaient sur l’usage de blocs de béton ou de cadres métalliques en tant que substrats pour la croissance des coraux. La méthode fonctionne, mais le processus s’avère particulièrement lent : les coraux déposent leur squelette carbonaté à un rythme de quelques millimètres par an seulement.
Parce qu’elle fournit une base de croissance plus sophistiquée, l’approche proposée par Charlotte Hauser et son équipe permet d’accélérer significativement le processus de récupération des coraux. « Les microfragments de corail se développent plus rapidement sur les surfaces de carbonate de calcium imprimées ou moulées que nous créons pour qu’ils puissent se développer, car ils n’ont pas besoin de construire une structure calcaire en dessous », explique Hamed Albalawi, l’un des principaux auteurs de l’étude.
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Une méthode au plus proche du processus naturel
Chaque formation corallienne est constituée d’innombrables polypes minuscules qui, par leurs sécrétions, forment un squelette calcaire poreux, qui croît de quelques millimètres à 20 centimètres par an selon les espèces. Pour sauver les coraux, qui sont aujourd’hui menacés par le réchauffement climatique, de nombreux scientifiques tentent de reproduire artificiellement ces squelettes afin d’encourager la repousse du corail.
Les chercheurs ont testé différents matériaux pour imprimer les structures de support, des matériaux synthétiques la plupart du temps, ce qui n’est pas vraiment optimal pour une immersion au cœur de l’écosystème marin. Mais l’équipe a récemment développé et testé une nouvelle approche, appelée 3D CoraPrint, qui utilise une encre photo-initiée au carbonate de calcium (ou CCP, pour calcium carbonate photo-initiated) écologique et durable, qu’elle a elle-même développée.
Des tests préliminaires en aquarium ont montré que l’encre CCP n’est pas toxique ; des tests visant à vérifier l’impact de cette encre à plus long terme sont néanmoins prévus par les chercheurs. Leur méthode se distingue également des autres solutions existantes par la manière dont le corail s’approprie le support : les approches précédentes reposent sur une colonisation « passive » de la structure de support imprimée ; les polypes coralliens doivent sécréter du carbonate de calcium sur ces structures — ce qui explique pourquoi la croissance des coraux est si longue.
La méthode 3D CoraPrint consiste à fixer des microfragments de corail sur le squelette imprimé, afin d’initier le processus de colonisation. Elle comprend également deux méthodes d’impression différentes et complémentaires, reposant toutes les deux sur un scan 3D de squelette de corail naturel. La première méthode consiste à imprimer ce modèle avec une encre 3D ordinaire, puis à utiliser cette impression pour créer un moule en silicone ; ce dernier est alors rempli d’encre CCP, qui durcit lorsqu’elle est exposée à la lumière, pour obtenir la structure finale. La création d’un moule permet de reproduire facilement et rapidement la structure, mais le processus de durcissement limite la taille du moule.
La seconde méthode consiste à imprimer directement la structure de support avec l’encre CCP ; cette méthode s’avère plus lente et moins précise, mais elle offre des possibilités de personnalisation et permet de créer des structures plus grandes. Dans les deux cas, le produit fini est ensemencé avec de petits fragments de corail vivant, afin de relancer le processus de colonisation des polypes une fois le squelette artificiel placé sur le récif.
Sauver des espèces indispensables à l’humanité
Selon le Réseau mondial de surveillance des récifs coralliens (GCRMN), les coraux abritent plus de 25% des espèces marines et des centaines de millions de personnes dépendent de ces récifs pour vivre. Bien qu’ils n’occupent qu’une infime partie des fonds marins (moins de 0,2% !), leur présence sur plus de 150 000 kilomètres de côtes, dans plus de 100 pays et territoires, permet d’absorber l’énergie des vagues — ce qui contribue à limiter l’érosion des côtes et à protéger les constructions humaines des événements extrêmes tels que les ouragans et les typhons. Par ailleurs, les récifs coralliens fournissent environ 10% du poisson pêché dans le monde ; ce chiffre monte à 20-25% dans les pays en voie de développement, et à 70-90% dans les pays d’Asie du sud-est.
En résumé, les coraux sont indispensables à l’humanité. Pourtant, les récifs coralliens mondiaux ont déjà subi des dégâts irréversibles et sont toujours gravement menacés par les activités humaines. Le phénomène de blanchissement, qui traduit le dépérissement des coraux, s’aggrave de jour en jour du fait du réchauffement climatique (les coraux ne peuvent survivre dans des eaux trop chaudes). D’après le dernier rapport du GCRMN, environ 14% des coraux ont disparu depuis 2009 ; un phénomène qui s’explique par la hausse des températures, mais aussi par des pressions locales « telles que la surpêche, un développement côtier non durable et une baisse de la qualité de l’eau », précise le rapport.
Fort heureusement, de nombreux récifs coralliens se montrent résilients et pourraient se reconstituer si les conditions le permettent. L’approche 3D CoraPrint pourrait contribuer à sauver les coraux avant qu’ils ne disparaissent définitivement, en imitant la nature le plus fidèlement possible. « Avec l’impression 3D et les moules, nous pouvons obtenir à la fois la flexibilité et le mimétisme de ce qui se passe déjà dans la nature », confirme Zainab Khan, co-auteur de l’étude.