Apparue il y a quelques semaines, la variante britannique B.1.1.7 du coronavirus SARS-CoV-2 s’est propagée dans plusieurs pays et inquiète les médecins du fait de sa contagiosité plus élevée que la souche initiale. Les virologues tentent toujours de comprendre comment une variante avec autant de mutations a pu émerger aussi rapidement. S’ils ne sont pas encore certains d’avoir la réponse à cette question, une équipe de chercheurs a toutefois formulé l’hypothèse que la variante B.1.1.7 pourrait être issue de l’infection chronique d’une seule personne au Royaume-Uni.
En règle générale, les mutations des coronavirus suivent une échelle incrémentielle et ne se propagent pas ou ne prennent pas d’énormes proportions. Cela a rendu la variante B.1.1.7 — la version hautement infectieuse du SARS-CoV-2 identifiée pour la première fois au Royaume-Uni — d’autant plus déroutante, car elle contenait 17 mutations différentes de la souche originale à l’origine de la pandémie.
« Il était inhabituel en septembre de voir soudainement une variante apparaître avec 17 changements. Cela a suggéré que quelque chose d’inhabituel s’est produit », déclare Adam Lauring, chercheur sur les virus à ARN à la faculté de médecine de l’Université du Michigan.
Comprendre comment toutes ces mutations sont apparues en même temps reste un défi, mais les virologues croient que l’ensemble du processus s’est déroulé chez un seul patient qui a été malade pendant si longtemps que le coronavirus a eu tout le temps nécessaire pour se transformer en une variante nettement plus transmissible et peut-être plus mortelle.
Les infections virales chroniques
Le coronavirus SARS-CoV-2 n’est pas le seul virus qui peut persister pendant une période anormalement longue dans le corps humain. Le virus à ARN Ebola a été détecté dans le sperme des hommes un an après leur guérison. Certaines personnes restent infectées par le norovirus — un pathogène courant qui provoque des vomissements et de la diarrhée — pendant plus de six mois.
Un homme au Royaume-Uni a excrété un poliovirus infectieux pendant au moins 28 ans. L’homme excrétait le virus muté depuis si longtemps que des chercheurs étudiant son infection ont déclaré que lui et d’autres excréteurs chroniques constituaient un « risque évident pour le programme d’éradication de la polio ».
Infection et immunodépression : un terrain d’entraînement pour les virus
Ceux qui contractent une infection chronique ont tendance à avoir quelque chose en commun : leur système immunitaire est compromis d’une manière qui ne leur permet pas de se débarrasser complètement d’une infection. Par exemple, un homme étudié par Lauring et son équipe subissait une chimiothérapie pour un cancer des ganglions lymphatiques, ce qui a probablement entravé la production de cellules immunitaires qui répondent à de nouveaux virus. Dans cet état, le patient a mis 102 jours à se débarrasser de l’infection.
L’homme qui a excrété le poliovirus pendant au moins 28 ans souffrait d’un trouble appelé déficit immunitaire variable commun, qui diminue le nombre d’anticorps dans le sang et rend plus difficile pour le corps de lutter contre les infections. Les personnes dont le système immunitaire est affaibli fournissent aux virus comme le SARS-CoV-2 un environnement unique.
Au lieu d’éliminer rapidement une infection, une personne immunodéprimée ne peut éliminer que partiellement une infection, laissant derrière elle une population de virus génétiquement plus résistants qui se multiplient et recommencent le cycle. Chez ces personnes, un virus peut évoluer à une vitesse remarquable. « Pendant tout ce temps, leur système immunitaire se bat contre le virus. Le virus a donc une chance d’apprendre à résister au système immunitaire humain », déclare Emma Hodcroft, chercheuse à l’Université de Berne.