Ce 21 juin, alors qu’il creusait le pergélisol en quête de précieuses pépites d’or, un mineur du Yukon a mis au jour les restes d’un bébé mammouth laineux. Le jeune animal a sans doute péri en demeurant prisonnier de la boue, estiment les spécialistes. Le spécimen, presque complet et momifié, est incroyablement bien conservé. Il constitue ainsi une découverte très importante pour les paléontologues.
Les restes de l’animal ont été découverts au sud de Dawson City, près de la frontière avec l’Alaska, sur le territoire traditionnel des Trʼondëk Hwëchʼin. Les aînés de ce peuple autochtone canadien l’ont baptisé « Nun cho ga », ce qui signifie « gros bébé animal » dans la langue Hän. Ce n’est pas la première fois que des fossiles de l’ère glaciaire sont trouvés au Yukon — la région est d’ailleurs célèbre pour ses nombreux vestiges d’animaux. Mais c’est la première fois qu’un spécimen est retrouvé en si bon état, avec la peau et les poils.
« En tant que paléontologue de l’ère glaciaire, j’ai toujours rêvé de me retrouver face à face avec un vrai mammouth laineux. Ce rêve s’est réalisé aujourd’hui. Nun cho ga est magnifique et constitue l’un des plus incroyables animaux momifiés de l’ère glaciaire jamais découverts dans le monde », a déclaré le Dr Grant Zazula, paléontologue du Yukon. Dans les mois à venir, les Trʼondëk Hwëchʼin et le gouvernement du Yukon travailleront ensemble pour étudier Nun cho ga avec le plus grand respect et en apprendre davantage à son sujet.
Le corps de mammouth le plus complet d’Amérique du Nord
D’environ 140 cm de long, cet animal est à peu près de la même taille qu’un autre bébé mammouth découvert en 2007 en Sibérie, nommé « Liouba », dont les restes datent d’il y a 42 000 ans. Un autre spécimen, nommé Elfie, avait été découvert en 1948 dans une mine d’or de l’Alaska, mais Nun cho ga est à ce jour le spécimen le mieux préservé de toute l’Amérique du Nord.
Le professeur Dan Shugar, de l’Université de Calgary, a participé à l’excavation du petit corps fossilisé. Il a déclaré que cette découverte était « la chose scientifique la plus passionnante » à laquelle il a jamais participé. Préservée dans la glace, la petite femelle possède encore sa peau, des ongles d’orteils, des poils, sa trompe et une partie des intestins. Les scientifiques ont même retrouvé les restes de son dernier repas composé d’herbe !
Il en a fallu de peu avant que ces restes ne disparaissent en toute discrétion : une heure après que l’animal a été extirpé de la boue par deux géologues de la Commission géologique du Yukon et de l’Université de Calgary, un important orage s’est déclaré. « Donc, si elle n’avait pas été récupérée à ce moment-là, elle aurait été perdue dans la tempête », a précisé Zazula. Heureusement, les scientifiques dépêchés sur les lieux ont également eu le temps de réaliser un échantillonnage du site.
Les analyses préliminaires suggèrent que ce bébé mammouth laineux est une femelle ; elle avait probablement entre 30 et 35 jours lorsqu’elle est décédée, sans doute piégée dans la boue alors qu’elle s’était un peu trop éloignée de sa mère. D’après la géologie du site, elle serait morte il y a entre 35 000 et 40 000 ans, soit au cours de la dernière période glaciaire. À l’époque, le Grand Nord canadien était parcouru de mammouths laineux, de chevaux sauvages, de lions des cavernes et de bisons des steppes.
Une cérémonie de bénédiction pour le bébé mammouth
Après que Nun cho ga ait été extraite du site minier, des aînés Tr’ondëk Hwëch’in ont organisé une cérémonie : ils se sont réunis en cercle autour de la dépouille, puis ont prié pendant que les scientifiques ouvraient la bâche révélant le petit corps. « Il s’agit d’une trouvaille remarquable pour notre Première nation, et nous sommes impatients de collaborer avec le gouvernement du Yukon sur les prochaines étapes qui attendent ces restes, d’une manière qui honore nos traditions, notre culture et nos lois », a déclaré Roberta Joseph, cheffe Tr’ondëk Hwëch’in.
Le mammouth laineux a vécu durant le Pléistocène et au début de l’holocène — jusqu’à il y a environ 4000 ans pour quelques individus. De nombreux squelettes ont été retrouvés dans les glaces de Sibérie et d’Alaska. L’animal avait une taille équivalente à celle de l’actuel éléphant d’Afrique ; couvert de fourrure, il était particulièrement bien adapté au froid.
Contemporain des premiers humains, il a été chassé pour sa viande, mais aussi pour ses os et ses défenses, qui servaient à fabriquer des outils et d’autres objets. Les scientifiques ne savent pas encore ce qui, de la chasse ou du changement climatique — voire une combinaison des deux —, a conduit à son extinction. Les paléontologues ont hâte d’examiner plus avant les restes de Nun cho ga pour glaner de nouveaux indices sur cette espèce éteinte.