Blue Origin est parvenue hier à récupérer le lanceur réutilisable de sa mégafusée New Glenn sur une barge en pleine mer, une réussite notable pour ce qui est seulement son deuxième lancement. Son étage supérieur a également atteint l’espace et déployé avec succès deux sondes ESCAPADE de la NASA destinées à l’étude de l’atmosphère martienne. Cette réussite permettra à ce système de fusée de devenir une alternative viable pour l’envoi des charges utiles les plus importantes pour les futures missions vers la Lune et Mars.
Fondée en 2000 par Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, Blue Origin figure aux côtés de SpaceX, la start-up d’Elon Musk, parmi les plus importants acteurs américains de l’aérospatiale. La société avait obtenu un contrat avec la NASA pour la prochaine mission lunaire habitée Artemis, mais a été devancée par SpaceX pour les deux premières phases de la mission.
Cependant, si SpaceX a initialement été mandatée pour la troisième phase du programme d’alunissage Artemis 3, Sean Duffy, l’administrateur par intérim de la NASA, a réouvert le contrat de la mission en raison d’inquiétudes liées aux retards de la fusée Starship. La principale préoccupation de l’agence est d’éviter de se faire devancer par la Chine qui prévoit, elle aussi, d’envoyer des astronautes sur la Lune avant la fin de la décennie. Afin d’apaiser les tensions, Blue Origin et SpaceX travaillent actuellement sur des plans d’alunissage accélérés.
Parallèlement, Blue Origin travaille sur d’autres contrats avec la NASA, notamment l’envoi de charges utiles vers Mars et la Lune. Mesurant plus de 98 mètres de haut (soit environ cinq fois la hauteur des fusées New Shepard de la société mais environ 30 mètres de moins que Starship), la mégafusée New Glenn, conçue avec un lanceur réutilisable, est utilisée par la NASA pour le lancement des deux sondes jumelles de la mission Escape and Plasma Acceleration Dynamics Explorers (ESCAPADE).
Disposant d’un budget relativement modeste de moins de 80 millions de dollars (contre environ 2,9 milliards de dollars pour les deux premières missions lunaires de Starship), la mission ESCAPADE est gérée par l’Université de Californie à Berkeley. Mais si le lancement des sondes était initialement prévu en automne dernier, il a dû être décalé en raison du retard de construction de la fusée New Glenn.
Le premier lancement d’essai de la fusée a eu lieu en janvier 2025 mais le lanceur a explosé en plein vol avant de pouvoir être récupéré. L’étage a finalement pu être récupéré avec succès lors du second lancement de la fusée, qui a eu lieu hier depuis l’aire de lancement 36 de Cap Canaveral, en Floride, à 15h55 heure locale. Les deux sondes ESCAPADE ont également été déployées sans encombre. Mais malgré quelques retards, un tel succès après seulement deux lancements constitue une étape importante pour un système de fusée aussi imposant.
Mission réussie après plusieurs reports
Le premier étage de New Glenn est un lanceur réutilisable propulsé par sept moteurs BE-4 de Blue Origin, les moteurs à combustion étagée à gaz naturel liquéfié et riche en oxygène les plus puissants jamais conçus. Ils génèrent ensemble une poussée de plus de 1 720 tonnes. Le second étage est quant à lui propulsé par deux moteurs BE-3U, à oxygène et hydrogène liquides, pouvant produire ensemble une poussée dans le vide de plus de 159 tonnes.
Blue Origin prévoyait initialement d’effectuer le deuxième lancement au premier trimestre de cette année, mais a dû reporter à plusieurs reprises en raison de difficultés techniques. Après différents ajustements, la société a programmé le lancement pour dimanche dernier, mais a dû cette fois décaler en raison de mauvaises conditions météorologiques et de récentes tempêtes géomagnétiques dues à des éruptions solaires.
Au cours du lancement d’hier, le deuxième étage de la fusée s’est séparé du premier environ 4 minutes après le décollage pour poursuivre sa montée vers l’espace. L’étage a largué les sondes ESCAPADES environ 34 minutes après le décollage. Le lanceur a, quant à lui, entamé une descente vers une plateforme de réception en plein océan Atlantique. Il s’est posé avec succès sur la plateforme une dizaine de minutes après le décollage.
La récupération du lanceur constitue une étape importante pour la réutilisation du système de fusée, notamment en permettant de réduire considérablement les coûts de lancement. Avec ce second lancement, Blue Origin représente désormais la seconde société à réaliser cette étape après SpaceX. Elle devra toutefois encore démontrer sa capacité à remettre le propulseur en état et à le relancer.
Des sondes dédiées à l’étude de l’atmosphère de Mars
Les sondes jumelles passeront un an en orbite autour de la Terre à 1,6 million de kilomètres avant d’être envoyées vers Mars. « L’alignement actuel entre la Terre et Mars ne permet pas à ESCAPADE d’effectuer un transfert direct traditionnel vers Mars », explique la NASA dans un billet de blog. « Par conséquent, ESCAPADE sera placée sur une orbite “stationnaire” ou “orbite de proximité terrestre” autour du point de Lagrange 2 … jusqu’à la prochaine fenêtre d’alignement planétaire », indique l’agence.
Puis, une fois l’alignement Terre-Mars optimal, les sondes bénéficieront de la poussée gravitationnelle de la Terre pour rejoindre Mars, qu’elles devraient atteindre d’ici 2027. Une fois en orbite autour de la planète, elles cartographieront sa haute atmosphère et son champ magnétique ténu afin d’étudier leurs interactions avec les vents solaires.
Ces observations auront pour but d’éclairer les mécanismes à l’origine de la quasi disparition de l’atmosphère martienne, ce qui, par extension, pourrait contribuer à expliquer la transition de planète d’un climat chaud et humide à un climat froid et sec. Les données permettront également d’étudier les meilleures façons de protéger les futures missions martiennes habitées contre les radiations intenses présentes autour de la planète.


