La magnétosphère de Jupiter est connue pour être chaotique. Mais malgré cette vive dynamique, les paramètres de son champ magnétique sont relativement bien contraints par les modèles théoriques actuels. Tout du moins, c’est ce que pensaient les astrophysiciens jusqu’à maintenant. Des données recueillies par la sonde spatiale Juno indiquent en effet que des courants turbulents agitent la magnétosphère de manière surprenante, en désaccord avec les modèles astrophysiques.
Des courants turbulents et inattendus se propagent dans l’atmosphère de Jupiter, produisant des aurores brillantes. Juno, la sonde de la NASA qui tourne autour de la géante gazeuse depuis 2016, passe au-dessus des régions polaires de Jupiter tous les 53.5 jours, recueillant des données sur les forces magnétiques qui produisent des aurores ultra-lumineuses au-dessus de l’énorme planète.
La prépondérance des courants alternatifs dans la magnétosphère jovienne
Dans un nouvel article publié dans la revue Nature Astronomy, des chercheurs utilisant les données de Juno ont découvert que les courants électriques traversant la magnétosphère de Jupiter n’agissent pas comme prévu. La sonde a trouvé un plus faible courant continu — courant qui circule constamment dans une direction — que ne l’avaient prédit les physiciens. Un courant d’environ 50 millions d’ampères, certes incroyablement puissant, mais pas à la hauteur des modèles théoriques de la magnétosphère de Jupiter actuels.
Cette découverte suggère que le courant alternatif joue un rôle beaucoup plus important dans la production des aurores de Jupiter que les modèles ne le suggéraient. Sur Jupiter, comme sur Terre, les aurores sont un produit des courants tourbillonnants dans les champs magnétiques, qui interagissent avec les particules de haute énergie provenant du Soleil.
« Ces observations, combinées à d’autres mesures de l’engin spatial Juno, montrent que les courants alternés jouent un rôle beaucoup plus important dans la génération de l’aurore de Jupiter que le système à courant continu » déclare Joachim Saur, astrophysicien et auteur de l’article.
Courants continus et alternatifs joviens : une proportion dictée par la dynamique des ions
Sur Terre, on pense généralement aux courants alternatifs et continus (AC et DC) en matière d’électronique. À la fin du XIXe siècle, les inventeurs Thomas Edison et Nikola Tesla étaient en désaccord sur la méthode à utiliser pour alimenter des appareils électriques. Le courant continu ne se convertissant pas aussi facilement entre différentes tensions, d’après le DOE (Département de l’énergie) américain, Tesla a donc voulu transformer le courant alternatif plus facilement convertible en standard.
Edison, protégeant ses brevets dépendants du courant continu, a résisté au changement et a diffusé des informations erronées selon lesquelles le courant alternatif était plus dangereux. Pour finir, Tesla l’a emporté, et le courant alternatif est devenu la norme pour les centrales électriques américaines. Toutefois, selon le DOE, le courant continu a retrouvé une certaine légitimité du fait que de plus en plus de dispositifs alimentés par batterie sont arrivés sur le marché.
Dans l’espace situé autour de Jupiter, la proportion de courants continus et alternatifs n’est pas déterminée par les inventeurs pré-modernes, mais par le comportement des ions dans l’atmosphère de la planète. Jupiter a des courants plus puissants que la Terre pour plusieurs raisons, notamment sa taille énorme, sa vitesse de rotation rapide et l’excès de particules chargées (ions) provenant des volcans de la lune Io.
Un courant alternatif favorisé par des turbulences magnétosphériques
Selon les chercheurs, le fait qu’une grande partie de ces courants soient alternatifs semble résulter de la turbulence des champs magnétiques de la planète. La turbulence dans ce sens fait référence à la manière désordonnée dans laquelle fluctuent la forme et la direction des champs magnétiques. Et cette turbulence produit des effets différents sur chacun des deux pôles de Jupiter.
Sur le même sujet : Jupiter : son champ magnétique se révèle unique et extrêmement complexe
Selon les données recueillies par Juno, le pôle nord de la planète a subi environ la moitié du courant du pôle sud. Cela semble être le résultat de l’arrangement beaucoup plus complexe des lignes de champ magnétique dans le nord, qui interrompent le flux des courants. Dans le sud, écrivent les chercheurs, les lignes de champ magnétique sont plus lisses.
Les effets de ces différences sont visibles dans les aurores des deux pôles. Au nord, les aurores ont tendance à être plus dispersées, avec une structure de « filaments et de fusées éclairantes ». Au sud, les aurores ont tendance à être plus structurées, avec un « arc lumineux » qui s’étend à partir de l’ovale principal où se trouvent les aurores.
Cette recherche sur les champs magnétiques puissants de Jupiter pourrait permettre de mieux comprendre le champ magnétique de la Terre. Certains chercheurs avaient déjà suspecté la turbulence de produire une proportion significative des courants autour de notre planète. Ce travail semble conforter cette idée.