Dans la théorie du chaos, il est stipulé que le battement infinitésimal des ailes d’un papillon peut hypothétiquement provoquer une tornade terrible.
À présent, des scientifiques ont démontré comment certaines des plus petites créatures vivant dans l’océan pourraient avoir un impact démesuré sous les vagues : avec des essaims d’organismes marins produisant par inadvertance des courants puissants, provoquant au final un environnement sous-marin turbulent. « Les animaux aquatiques pourraient jouer un rôle important dans le mélange des océans – une idée qui a été presque hérétique en océanographie », explique l’ingénieur en mécanique des fluides, John Dabiri, de l’Université de Stanford. « À l’heure actuelle, bon nombre de nos modèles de climat océanique n’incluent pas l’effet des animaux, ou s’ils le font, c’est uniquement en tant que participants passifs dans le processus global », ajoute-t-il.
Le fait d’exclure les « effets » des animaux, est compréhensible. Il faut savoir que les créatures que l’équipe de Dabiri a étudiées dans sa nouvelle recherche, les artémies, sont si petites qu’il s’agit essentiellement d’insectes sous-marins.
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Alors comment est-ce que ces zooplanctons minuscules pourraient-ils bien faire tourbillonner les eaux des océans ? Il s’avère que la force des nombres est très importante : en effet, des essaims de ces créatures migrent tous les jours dans de véritables colonnes à la verticale à travers l’eau (car elles se nourrissant à la surface de l’océan, de nuit), avant de battre en retraite à nouveau, et retourner à des centaines de mètres de profondeur. Et ce, chaque jour.
« Vous avez cette migration massive à la verticale, chaque jour, de trillions d’organismes. Lorsqu’ils commencent à nager, chacun d’entre eux envoie un peu de liquide vers l’arrière… et très rapidement, vous avez cette masse verticale de crevettes. L’eau se précipite vers le bas par cette série de « coups« successifs », a déclaré Dabiri.
Afin de mesurer les effets de cet effet boule de neige, l’équipe a placé des artémies dans des réservoirs verticaux remplis d’eau salée et a induit les migrations jour/nuit de ces animaux par des lumières imitant le lever et le coucher du soleil. Les chercheurs ont ensuite filmé le flux d’eau à l’aide de colorants et de minuscules billes de verre, pour les aider à visualiser la force des tourbillons générés par les essaims.
À partir de ces images, l’équipe a découvert que le passage des animaux ne consistait pas seulement à distribuer de l’eau dans de petites régions localisées, mais aussi à transporter des quantités importantes d’eau par procuration, partout où ils allaient. « Ils ne se contentaient pas de déplacer des fluides qui revenaient ensuite à leur emplacement d’origine. Tout s’est mélangé de manière irréversible », explique une membre de l’équipe de recherche, Isabel Houghton.
Jusqu’à présent, ces effets ont seulement été démontrés en laboratoire. Mais si la même chose se produit également dans le monde réel, alors les biologistes et les océanographes devront repenser l’impact de la marine sur la turbulence océanique : d’autant plus que le même phénomène pourrait se produire avec des animaux plus grands, tels que les méduses, les calmars, les poissons et même de plus grands mammifères.
Cependant, contrairement à la métaphore des ailes de papillons qui provoquent une tornade de l’autre côté de la planète, les effets provoqués par les artémies ne devraient pas faire chavirer quelques croisières océaniques que ce soit.
Mais ils pourraient avoir un impact significatif sur la manière dont nous évaluons et comprenons les phénomènes tels que le transport des nutriments sous l’eau, la distribution du dioxyde de carbone sous l’eau ainsi que son rejet dans l’atmosphère. Tout cela car lorsque des formes de vie se mettent ensemble, elles sont indéniablement plus fortes : et cela est valable également pour les crevettes marines ne faisant pas plus d’un centimètre de long.
« Les études précédentes cherchaient des turbulences ou des remous à l’échelle de la taille des animaux. Cette recherche nous indique pour la première fois ce qu’il faut rechercher », a expliqué Dabiri.