Une nouvelle étude montre que les femmes qui ont contracté la COVID-19 et qui allaitent continuent de sécréter dans leur lait des anticorps neutralisant le virus, et ce, jusqu’à 10 mois après l’infection. Non seulement l’allaitement est dans ce cas susceptible de protéger les nouveau-nés de la COVID-19, mais les experts pensent que ces anticorps pourraient aussi être utilisés pour soigner les personnes atteintes d’une forme sévère de la maladie.
Les anticorps contenus dans le lait maternel sont quelque peu différents des anticorps anti-immunoglobulines G (IgG) qui prédominent dans le sang et sont déclenchés par la vaccination. Le principal anticorps est l’immunoglobuline A sécrétoire (notée IgAs), qui adhère à la muqueuse des voies respiratoires et intestinales du bébé, empêchant les virus et les bactéries de pénétrer dans leur organisme.
On sait depuis quelque temps qu’une mère infectée par le SARS-CoV-2 ou vaccinée présente des anticorps antiviraux dans son lait. Cependant, le caractère neutralisant de ces anticorps, de même que la durée de leur production, restaient encore incertains. Rebecca Powell, chercheuse en maladies infectieuses à l’hôpital Mont Sinaï de New York, et son équipe apportent des réponses : leur étude, présentée lors du quinzième Symposium international sur l’allaitement maternel et la lactation, qui s’est tenu les 21 et 22 septembre, suggère que ces anticorps persistent jusqu’à dix mois.
Des anticorps persistants et neutralisants
Les jeunes enfants ne font pas partie des personnes les plus à risque face au SARS-CoV-2 ; néanmoins, un nourrisson sur dix atteint de la COVID-19 est susceptible d’être admis en soins intensifs selon une étude chinoise publiée dans la revue Pediatrics. Les résultats préliminaires présentés par Powell sont donc particulièrement encourageants (même s’ils doivent encore être examinés par les pairs).
En analysant le lait de 75 femmes rétablies de la COVID-19, les chercheurs ont constaté que 88% des échantillons contenaient des IgAs spécifiques de la protéine de pointe du coronavirus. Parmi ce sous-ensemble, 95% des échantillons affichaient une activité particulièrement robuste de ces immunoglobulines.
En outre, l’analyse de la durabilité des IgAs, à partir de 28 échantillons de lait appariés obtenus 4 à 6 semaines, puis à 4 à 10 mois après l’infection, a révélé que tous les échantillons présentaient des IgAs spécifiques de la protéine de pointe persistantes ; 43% des échantillons présentaient des concentrations d’IgAs croissantes au fil du temps. « Cela signifie que si vous continuez à allaiter, vous continuez à donner ces anticorps via votre lait », a déclaré Powell.
Enfin, la présence d’anticorps neutralisants a été recherchée dans des échantillons de lait de femmes rétablies de la COVID-19 et de témoins prépandémiques ; il s’avère que 6 des 8 échantillons issus des femmes préalablement infectées ont présenté un caractère neutralisant typique de la protéine de pointe.
L’allaitement recommandé, même en cas d’infection
À noter que l’équipe de Powell s’était déjà intéressée à la présence des immunoglobulines A chez les mères vaccinées. Une étude préliminaire, mise en ligne sur un serveur de préimpression au mois de juillet, a notamment comparé le taux d’anticorps spécifiques au coronavirus du lait maternel d’une cinquantaine de femmes vaccinées.
Il ressortait de cette étude que toutes les femmes ayant reçu le vaccin de Moderna et 87% de celles ayant reçu le vaccin de Pfizer présentaient des anticorps IgG spécifiques du virus dans leur lait ; 71% et 51% respectivement possédaient des anticorps IgA. En revanche, seulement 38% des femmes ayant reçu le vaccin Janssen avaient des anticorps IgG et 23% avaient des anticorps IgA contre le coronavirus dans leur lait. « Nous savons que le niveau d’anticorps produits par les vaccins à ARN est extrêmement élevé par rapport aux autres vaccins », résume Powell. Pour que l’effet protecteur du lait soit efficace, un maximum d’anticorps sanguins doit être transféré dans le lait, explique la spécialiste.
Au mois de juin, une étude espagnole — menée dans le cadre d’une initiative du Conseil supérieur de la recherche scientifique et d’un hôpital universitaire de Valence appelée MilkCorona — recommandait déjà l’allaitement à toutes les jeunes mamans, même en cas de contamination. « Il est important de recommander l’allaitement maternel de façon systématique dans tous les cas où la mère a peu ou pas de symptômes », déclarait alors Cecilia Martínez Costa, du service de pédiatrie de l’Hôpital Clínico de Valence.
Les résultats de cette nouvelle étude corroborent ces conclusions et s’avèrent très pertinents pour la santé publique : ces anticorps sont capables de protéger les nourrissons allaités, mais pourraient potentiellement être utilisés comme traitement anti-COVID-19, étant donné que l’IgA sécrétoire est très stable non seulement dans le lait, la bouche et l’intestin du nourrisson, mais aussi dans toutes les autres muqueuses, y compris le tractus gastro-intestinal, les voies aériennes supérieures et les poumons. « Vous pouvez imaginer que [ces anticorps] soient utilisés dans un traitement de type nébuliseur, ils pourraient alors être très efficaces pendant ce laps de temps où la personne est très malade, mais pas encore au point [d’être admise en soins intensifs] », suggère Powell.