Trois ans après le début de la pandémie, malgré les investigations, le mystère entoure toujours l’origine de l’apparition du SARS-CoV-2. Une étude mise à jour et classifiée du Département américain de l’énergie, récemment communiquée à la Maison-Blanche et aux principaux membres du Congrès, penche cette fois pour une « très probable » fuite d’un laboratoire chinois. Ce rapport, qui repose sur de nouveaux éléments, est néanmoins publié avec « un faible niveau de confiance ».
Il existe essentiellement deux hypothèses pouvant expliquer l’apparition du SARS-CoV-2 : la première implique un animal (encore non identifié), qui aurait servi d’intermédiaire entre la chauve-souris et l’Homme ; la seconde suggère qu’elle résulte d’une fuite accidentelle d’un laboratoire de recherche à Wuhan. Un premier rapport du renseignement américain daté de 2021, soulignait que la COVID-19 avait circulé pour la première fois à Wuhan en novembre 2019 : trois chercheurs de l’Institut de virologie de Wuhan — qui travaillaient a priori sur les coronavirus — avaient alors été hospitalisés.
À l’époque, le ministère américain de l’Énergie n’avait pas pris position. De nouveaux éléments de renseignement ont apparemment fait pencher la balance. C’est le Wall Street Journal qui a révélé l’existence de ce nouveau rapport, dont les conclusions viennent appuyer celles du FBI. Il a été établi à partir « de nouvelles informations, d’une étude plus approfondie de travaux universitaires et de la consultation d’experts extérieurs au gouvernement », précise le média américain. « Pour l’instant, aucune réponse définitive de la communauté du renseignement n’a émergée sur la question », a déclaré sur CNN Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche.
Une fuite probable, mais sans rapport avec un programme d’armement
En effet, le Wall Street Journal souligne que du côté des agences de renseignement américaines, les divergences persistent : quatre d’entre elles estiment que la Covid-19 résulte d’une transmission « naturelle » (zoonose), et deux demeurent encore indécises (parmi lesquelles la CIA). Selon Sullivan, il n’y aurait tout simplement pas assez d’informations pour confirmer sans aucun doute possible l’une ou l’autre hypothèse.
Le Bureau du renseignement et du contre-espionnage du Département de l’Énergie est l’un des 18 organismes gouvernementaux qui composent la communauté du renseignement américain, qui sont sous l’égide du Bureau du renseignement national. À savoir que le Département de l’Énergie supervise un réseau de 17 laboratoires américains, y compris dans le domaine de la biologie avancée, son analyse sur le sujet est donc considérée comme significative. Selon le WSJ, les responsables ont toutefois refusé de communiquer les nouvelles informations ou analyses qui ont conduit le Département de l’énergie à modifier sa position. On sait toutefois qu’il serait arrivé à la même conclusion que le FBI pour des raisons différentes.
Un rapport précédent du Lawrence Livermore National Laboratory, du Département de l’énergie, daté de mai 2020 avait conclu que l’hypothèse d’une fuite de laboratoire était « plausible ». Le rapport initial de 2021 n’avait pas permis de tirer des conclusions définitives, mais suggérait néanmoins que le SARS-CoV-2 ne faisait pas partie d’un éventuel programme d’armes biologiques chinois. Le rapport actualisé vient renforcer ce consensus.
Un manque de coopération qui complique les investigations
Les autorités chinoises ont toujours contesté que le virus ait pu fuir de l’un de ses laboratoires, parmi lesquels l’Institut de virologie de Wuhan, le Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies et l’Institut des produits biologiques de Wuhan. « Les parties concernées doivent cesser de susciter des disputes sur les fuites de laboratoires, cesser de salir la Chine et cesser de politiser la question de l’origine du virus », a déclaré Mao Ning, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, suite à la diffusion du nouveau rapport.
Outre-Atlantique, les Républicains du Congrès font pression sur l’administration Biden pour que soit menée une enquête plus approfondie sur la théorie de l’accident de laboratoire. Sullivan a affirmé que le gouvernement continuait à enquêter et que le président avait demandé à toutes les composantes du renseignement américain de déployer toutes les ressources nécessaires pour faire la lumière sur l’origine de la pandémie.
Pour rappel, en janvier 2021, une équipe internationale d’experts convoquée par l’OMS s’était rendue à Wuhan, afin de mener l’enquête sur les origines de la pandémie de COVID-19 et d’examiner les preuves. Dans son rapport de mars 2021, l’équipe avait conclu qu’il était « extrêmement improbable » que le virus se soit accidentellement échappé d’un laboratoire. D’autres recherches sont néanmoins nécessaires pour comprendre et établir une chronologie de la propagation initiale du virus. De par les tensions entre la Chine et les États-Unis, l’accès aux sites et aux données s’avère toutefois complexe.
Mi-février, un article de Nature révélait que l’OMS, face à ces difficultés, avait discrètement suspendu la deuxième phase de son enquête — une information immédiatement démentie par le Directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. « L’OMS n’a pas abandonné l’étude des origines du COVID-19, nous ne l’avons pas fait et nous ne le ferons pas », a ajouté Maria Van Kerkhove, épidémiologiste à l’OMS qui dirige la réponse COVID de l’agence.
L’OMS aurait simplement changé de stratégie. En octobre 2021, elle a créé le Groupe consultatif scientifique sur les origines des nouveaux agents pathogènes (SAGO). Son rôle est non seulement de mener une évaluation indépendante des origines de la COVID-19, mais aussi de comprendre les origines de tout futur agent pathogène épidémique et pandémique, ainsi que les conditions dans lesquelles il peut émerger.
Il est évidemment crucial de connaître les origines de cette pandémie pour pouvoir mieux combattre, voire éviter toute autre pandémie éventuelle. L’intérêt est aussi moral : « Il est moralement très important de savoir comment nous avons perdu nos proches », a déclaré le directeur de l’OMS.