« Hands. Face. Space », littéralement « mains, visage, distance », voilà le nouveau slogan proposé par le gouvernement britannique pour lutter contre la transmission de la maladie. Cette campagne visant à promouvoir les mesures anti-COVID-19 est désormais diffusée via tous les médias du pays. Problème : le message met l’accent sur le port du masque et le lavage des mains, mais tend à minimiser l’importance de la distanciation entre individus.
À l’origine, la campagne devait être lancée en juillet, mais elle se heurtait alors à un autre message, « Eat out to help out », lancé par le ministre de l’économie britannique, Rishi Sunak, qui appelait alors la population à se rendre dans les restaurants et pubs locaux pour aider financièrement leurs propriétaires, durement touchés par la crise sanitaire. Le timing reste adéquat : « Hands. Face. Space » est diffusé en masse, pile à l’approche des saisons froides et des nombreuses infections hivernales.
Une transmission par voie aérienne minimisée
Le message est simple. Le film promotionnel qui l’accompagne se concentre sur les dangers de la propagation du coronavirus en milieu clos, soulignant que le virus ne survit pas longtemps au soleil, mais peut s’attarder sur les surfaces intérieures pendant 24 heures ou plus. Il montre également comment les gouttelettes virales peuvent se transmettre d’un individu à l’autre.
À l’approche de l’hiver, alors que les personnes seront davantage regroupées en intérieur et que les fenêtres resteront closes la plupart du temps, il est plus que jamais essentiel de suivre ces recommandations. Mais les scientifiques affirment que le plus grand facteur de risque de propagation de la COVID-19 est la voie aérienne, surtout dans les espaces mal ventilés. Or, selon eux, le message du gouvernement n’est pas assez clair sur ce point.
Ils estiment que le slogan met l’accent sur le lavage des mains et le port de masques en tant que facteurs clés du contrôle de la transmission du coronavirus, tandis que la nécessité de se tenir à l’écart des autres — un facteur pourtant critique dans la propagation de la maladie — a été minimisé. « Tant que les gens continueront à mettre l’accent sur le lavage des mains plutôt que sur la transmission par aérosol et la ventilation, on ne va pas contrôler cette pandémie », a déclaré le virologue Julian Tang, de la Leicester Royal Infirmary. Selon ce spécialiste, plusieurs études rapportent que le contact physique est la cause de transmission du virus dans seulement 20% des cas environ, les cas restants étant dus à une transmission par aérosol, souvent dans des pièces mal ventilées.
Jennifer Cole, anthropologue au Royal Holloway, partage le sentiment de Tang et estime que les recommandations du gouvernement ont été placées dans le mauvais ordre. « L’espace est le facteur atténuant le plus important de la propagation de la COVID-19, à l’intérieur comme à l’extérieur. Le port d’un masque facial ne permet pas de se déplacer à moins de 2 mètres d’autrui en toute sécurité ; garder ses distances reste la meilleure stratégie », dit-elle. Elle ajoute que la transmission des particules virales via les surfaces joue un rôle beaucoup moins important que les gouttelettes expirées ; de fait, elle s’étonne que le lavage des mains ait été cité en premier.
Les conséquences d’un tel message ? Il pourrait être mal interprété. Cole pointe notamment le fait qu’il pourrait engendrer des préoccupations inutiles dans les esprits, quant à la transmission probable du virus à chaque « toucher » (au supermarché, en relevant son courrier, etc.). La scientifique reconnaît qu’il n’est pas toujours possible de respecter une distance physique en intérieur, mais dans ce cas, mieux vaut éviter de pénétrer dans des lieux clos, car le simple fait de se laver les mains et de mettre un masque n’est pas une protection suffisante (contrairement à ce que peut laisser entendre le message du gouvernement).
Garder ses distances : une mesure prioritaire
La seule précaution qui fonctionne vraiment contre la COVID-19 est de se tenir éloignés les uns des autres, selon le virologue. L’hygiène des mains et le port du masque ne sont que des précautions supplémentaires lorsque la distanciation n’est pas possible, comme dans les transports en commun. Tang rappelle par ailleurs que le simple fait de sortir dans un bar avec ses amis, d’être dans ce contexte moins attentif au respect des distances et de parler plus fort que d’habitude pour se faire entendre, suffit à répandre rapidement le virus.
En effet, alors qu’une seconde vague de cas semble déferler aujourd’hui sur plusieurs pays, les autorités sanitaires pointent du doigt ces rassemblements privés, en famille ou entre amis, où les individus sont plus détendus et souvent moins respectueux des distances de sécurité.
Cette absence de mise en évidence de l’importance cruciale de la transmission par aérosol a été soulignée dans une lettre ouverte transmise au début de l’été à l’Organisation mondiale de la santé, signée par 239 scientifiques issus de 32 pays. Selon eux, le coronavirus pourrait bel et bien être transporté par l’air et infecter ceux qui inhalent cet air, notamment dans des espaces fermés. Pourtant, les directives actuelles de nombreux organismes internationaux et nationaux se concentrent uniquement sur le lavage des mains, le maintien de la distance sociale et les précautions contre les gouttelettes infectées. Rien n’a été réellement défini pour lutter contre la transmission aérienne.
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Bien entendu, le lavage des mains, le masque et le respect d’une distance de 2 mètres sont loin d’être inutiles ! Mais les scientifiques jugent que ces mesures préventives sont insuffisantes contre les micro-gouttelettes respiratoires porteuses de virus qui sont libérées et stagnent dans l’air. Depuis, l’OMS a revu ses directives et reconnaît maintenant l’importance de la transmission par aérosols, notamment dans les espaces clos, mal ventilés.
Reste à faire prendre conscience à la population de l’importance du phénomène. « La distance d’abord, et seulement ensuite pensez à vos mains et votre visage », voilà le message que Tang et d’autres membres de la communauté scientifique auraient souhaité voir diffusé sur le territoire britannique.