Quelques jours après le Royaume-Uni, les campagnes de vaccination anti-COVID-19 ont débuté en France, comme dans plusieurs autres pays de l’Union européenne. Mais à ce jour, les scientifiques ne savent pas encore si le fait d’être vacciné empêche ou non un individu d’être porteur du virus et donc, d’être susceptible de le transmettre à d’autres personnes. Dans l’état actuel des connaissances et en se basant sur ce que nous savons concernant d’autres vaccins, les autorités sanitaires rappellent qu’il est important que les personnes vaccinées continuent à porter un masque.
Le vaccin de Pfizer-BioNTech a commencé à être distribué dans plusieurs pays ; outre-Atlantique, la Food and Drug Administration a également accordé l’autorisation d’utilisation d’urgence au vaccin de Moderna ; les États-Unis ont ainsi autorisé deux vaccins anti-COVID-19. Mais si les essais cliniques ont montré que ces vaccins empêchaient l’apparition de symptômes, on ne sait pas encore s’ils évitent également de contracter une forme asymptomatique de COVID-19.
Par conséquent, en attendant d’en savoir plus à ce sujet, il est essentiel que toutes les personnes vaccinées continuent à protéger leur entourage, notamment en portant un masque et en respectant les mesures de distanciation sociale et toute autre mesure préventive. « Il y a de l’espoir [que les vaccins] empêchent la transmission, mais nous n’en savons tout simplement pas encore assez sur eux », avertit Jeffrey Bethony, professeur de microbiologie, d’immunologie et de médecine tropicale à l’Université George Washington.
Des formes asymptomatiques très problématiques
Si la maladie s’est propagée si vite, si facilement, c’est bien parce qu’il existe de nombreux cas de contamination ne présentant pas le moindre symptôme. En outre, une personne qui contracte le SARS-CoV-2 peut être contagieuse plusieurs jours avant de commencer à se sentir malade. Pour Bethony, il n’est donc pas inconcevable de disposer d’un vaccin qui protège les individus des formes graves de la maladie, mais qui n’empêche pas d’être porteur du virus.
Susanna Naggie, spécialiste des maladies infectieuses à la Duke University School of Medicine, souligne par ailleurs qu’un taux si élevé de propagation asymptomatique n’est pas si courant parmi les autres infections connues. Cela s’observe également pour le virus de la grippe, mais pas à une fréquence aussi élevée que dans le cas du SARS-CoV-2. Par conséquent, il est particulièrement important de déterminer au plus vite si les vaccins anti-COVID-19 préviendront aussi les infections asymptomatiques.
De nombreux vaccins, comme ceux contre les hépatites A et B, la rougeole, la varicelle et le papillomavirus humain, présentent un double effet préventif : ils empêchent les individus de tomber malades, mais ils évitent également la transmission de l’agent pathogène à d’autres personnes. Mais Naggie rappelle que ce double effet n’est pas systématique pour un vaccin. Ainsi, certains agents pathogènes peuvent infecter et se reproduire chez les personnes vaccinées pendant de courtes périodes, sans pour autant les rendre malades ; c’est notamment le cas des bactéries qui causent la méningite et la coqueluche.
Le problème se pose d’ailleurs pour d’autres vaccins en cours de développement contre les maladies parasitaires, telles que le paludisme ou la schistosomiase. Dans ces cas en particulier, « le vaccin protège les gens contre les manifestations cliniques les plus graves de la maladie, mais il n’arrête pas complètement l’infection », note Bethony. Ainsi, un individu légèrement infecté peut toujours propager la maladie. La protection que confèrent les vaccins de Pfizer et Moderna reste donc à éclaircir.
Un suivi post-vaccination indispensable
Le fait qu’un vaccin soit capable de prévenir une infection dépend de son mode d’action. Dans le cas des vaccins anti-COVID-19, il s’agit de cibler la protéine de pointe se trouvant à la surface des particules virales du SARS-CoV-2 ; cette protéine permet en effet au virus de se fixer et de pénétrer dans les cellules humaines. C’est pourquoi les vaccins de Moderna et Pfizer ont été formulés de telle manière à provoquer une réponse immunitaire directe à la protéine de pointe ; ils affichent ainsi une grande efficacité pour prévenir l’infection.
Plusieurs études ont suggéré que certains vaccins anti-COVID-19 étaient également capables de réduire les infections asymptomatiques. Par exemple, dans le cadre des essais du vaccin développé par AstraZeneca et l’Université d’Oxford, il s’est avéré que les infections asymptomatiques étaient moins fréquentes lorsque les participants recevaient une demi-dose de vaccin, suivie d’une dose complète : ainsi, l’efficacité du vaccin contre la transmission asymptomatique était dans ce cas de 59%, contre 4% seulement dans le groupe de participants ayant reçu deux doses complètes.
De même, lors des essais cliniques de Moderna, les chercheurs ont pu constater que les participants ayant reçu une première dose de vaccin sur les deux prévues étaient moins souvent (presque trois fois moins) asymptomatiques que ceux ayant reçu le placebo. Cela peut signifier que ce vaccin diminue aussi le risque de transmission. Reste à déterminer s’il prévient complètement l’infection, ou s’il permet de diminuer la période d’infection.
Pour ce faire, les chercheurs pourraient par exemple demander aux personnes vaccinées de réaliser un dépistage chaque jour, à l’aide de kits de dépistage à domicile, afin de vérifier si elles peuvent ou non être infectées suite à la vaccination et si elles peuvent encore transmettre le virus à leur entourage proche. À noter que Moderna et Pfizer prévoient quant à eux d’analyser le sang des participants aux essais, afin d’y rechercher des anticorps répondant à une partie du virus qui n’a pas été ciblée par le vaccin. La présence de tels anticorps confirmerait en effet que la personne en question a été infectée après avoir été vaccinée.
Jeffrey Bethony rappelle par ailleurs qu’une autre façon de savoir dans quelle mesure les vaccins anti-COVID-19 empêchent la transmission est de surveiller les zones où la vaccination est répandue, et de vérifier si le nombre d’infections chute parmi les personnes non vaccinées restantes. Ce scénario s’est en effet déjà produit par le passé, notamment à l’arrivée du premier vaccin contre la polio en 1955 : l’année suivante, le nombre de cas avait chuté de façon spectaculaire, car suffisamment d’enfants avaient été vaccinés.
Pour le moment, seules les personnes les plus vulnérables, jugées prioritaires, ont accès au vaccin. Lorsque l’ensemble de la population pourra en bénéficier, peut-être atteindrons-nous l’immunité collective qui mettra un terme à la propagation du virus. Mais ceci ne sera possible que dans plusieurs mois et dépend de nombreux facteurs, notamment la rapidité avec laquelle le virus se propage — qui peut malheureusement varier avec l’arrivée de nouvelles variantes plus contagieuses — et l’efficacité des vaccins disponibles.