Une étude américano-norvégienne, basée sur des modélisations mathématiques de l’évolution de la pandémie, suggère que la COVID-19 pourrait devenir à terme une maladie typiquement infantile, à l’instar d’autres coronavirus, tels que ceux à l’origine du rhume. Le phénomène a en effet déjà été observé par le passé dans le cas d’autres virus associés à des maladies respiratoires, dès lors qu’ils sont devenus endémiques au niveau mondial.
À mesure que les campagnes de vaccination progressent, les adultes sont moins exposés au risque de contracter la COVID-19 ; du moins, leur système immunitaire est « armé » pour lutter efficacement contre la maladie. Ainsi, les jeunes enfants — non concernés par la vaccination à ce jour — pourraient devenir les plus vulnérables face au SARS-CoV-2. « Nos résultats suggèrent que le risque d’infection se déplacera probablement vers les jeunes enfants à mesure que la communauté adulte deviendra immunisée soit par la vaccination, soit par l’exposition au virus », résume Ottar Bjornstad, chercheur au Centre pour la dynamique des maladies infectieuses de l’Université d’État de Pennsylvanie.
À titre de comparaison, le spécialiste souligne que des travaux génomiques ont montré que la pandémie de 1889-1890, connue sous le nom de grippe asiatique ou russe, pourrait avoir été causée par l’apparition du virus HCoV-OC43, qui est aujourd’hui un virus du rhume courant et bénin, affectant principalement les enfants âgés de 7 à 12 mois. Avant d’en arriver là, ce virus aurait pourtant provoqué la mort d’un million de personnes, essentiellement âgées de plus de 70 ans.
Les jeunes auront les taux d’infection les plus élevés
De plus en plus de preuves suggèrent que la COVID-19 deviendra inévitablement endémique. L’une des caractéristiques de la maladie, identifiée dès l’émergence du virus, est qu’elle touche plus sévèrement les personnes âgées. En sera-t-il de même dans les années à venir ? Pas si sûr, car des archives historiques des infections respiratoires aiguës montrent que les schémas d’incidence selon l’âge au cours d’une épidémie émergente peuvent être très différents de ceux associés à une circulation endémique. « Pour de nombreuses maladies respiratoires infectieuses, la prévalence dans la population augmente au cours d’une épidémie vierge, mais recule ensuite selon un schéma de vague décroissant à mesure que la propagation de l’infection se déroule au fil du temps vers un équilibre endémique », a déclaré Ruiyun Li, du Centre de synthèse écologique et évolutive de l’Université d’Oslo et co-auteur de l’étude.
Pour déterminer les futurs schémas d’incidence de la COVID-19 selon l’âge, une équipe de chercheurs a donc développé un « modèle réaliste structuré par âge » qui intègre la démographie, le degré de mixité sociale et aussi la durée de l’immunité bloquant les infections et atténuant la maladie. Plus précisément, ils ont examiné la charge de morbidité à court, moyen et long terme — soit à 1, 10 et 20 ans respectivement. Ils ont pris en compte 11 pays différents — dont la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Espagne, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Italie, les États-Unis, le Brésil et l’Afrique du Sud — qui différaient considérablement par leur démographie.
Il ressort de leur modèle qu’à terme, les jeunes devraient avoir les taux d’infection les plus élevés, car les individus plus âgés sont protégés contre les nouvelles infections par une infection antérieure. Or, étant donné que la gravité de la COVID-19 est généralement plus faible chez les enfants, le fardeau global de cette maladie sur la santé publique devrait diminuer. Les auteurs de l’étude précisent cependant que ce scénario n’est envisageable que dans le cas d’une immunité durable, d’au moins 10 ans sinon permanente.
Une tendance commune à plusieurs pays
Jessica Metcalf, du Département d’écologie et de biologie évolutive de l’Université de Princeton, qui a participé à l’étude, précise par ailleurs que cette prédiction n’est réalisable que si les réinfections ne produisent qu’une maladie bénigne. En effet, le fardeau de la mortalité peut rester identique au fil du temps si une infection antérieure n’empêche pas de recontracter la maladie ou n’atténue pas les symptômes chez les personnes âgées. Et dans ce cas, les décès « se poursuivront jusqu’à ce que des outils pharmaceutiques plus efficaces soient disponibles », estime la chercheuse.
Si la prédiction se concrétise, les adultes seraient-ils complètement sereins pour autant ? Pas vraiment. Bjornstad souligne en effet que la charge de morbidité pourrait rester élevée dans ce groupe, bien qu’une exposition antérieure au virus réduirait la gravité de la maladie ; les preuves empiriques des coronavirus saisonniers indiquent que l’immunité acquise de cette façon est généralement de courte durée. « Les recherches sur la COVID-19 montrent que la vaccination offre une protection plus forte que l’exposition au virus du SARS-CoV-2, nous encourageons donc tout le monde à se faire vacciner dès que possible », conseille le scientifique.
Point intéressant de l’étude : le modèle établi par les chercheurs prédit la même incidence future selon l’âge pour l’ensemble des pays étudiés, malgré leurs différences démographiques actuelles. Aujourd’hui, les taux d’infection et de mortalité de la maladie sont étroitement liés à l’âge ; par conséquent, les pays dont la part de population âgée est plus élevée sont ceux qui comptent le plus grand nombre de décès. « L’Afrique du Sud, probablement en partie en raison de sa structure de population plus jeune, a un nombre de décès inférieur à celui des populations plus âgées telles que l’Italie », confirme Nils Stenseth, co-auteur de l’étude. Et pourtant, pour l’ensemble des pays, la tendance est la même : le risque se déplace peu à peu vers les plus jeunes.
Cette modélisation constitue ainsi un outil précieux pour les autorités sanitaires, qui pourront anticiper les besoins et adapter leur stratégie de lutte contre la COVID-19 au fil du temps.