À l’heure où la majorité des pays luttent encore contre la pandémie, affermissant les mesures sanitaires déjà existantes et accentuant les campagnes de vaccination, le Brésil est plongé dans la tourmente. Enregistrant un lourd bilan total de plus de 300 000 morts, le pays, dont les hôpitaux sont saturés et qui manque cruellement de moyens et de personnel médical, peine à répondre efficacement à l’afflux de malades toujours plus important. Le variant P.1 du coronavirus est notamment mis en cause, son arrivée venant aggraver la situation du pays qui n’a vacciné que 6% de sa population.
Le Brésil est confronté au plus grand effondrement du système de santé de son histoire, selon des chercheurs de l’institut de santé brésilien Fiocruz, alors que le pays enregistre son plus grand nombre de décès hebdomadaires depuis le début de la pandémie. Dans le même temps, le Chili a été contraint d’imposer de nouveaux confinements stricts pour faire face à une deuxième vague d’infections graves, bien qu’il ait organisé l’un des déploiements de vaccins les plus rapides au monde.
Le Brésil a enregistré 18 164 décès la semaine dernière, portant son total à plus de 300 000, un bilan plus élevé que dans tout autre pays, à l’exception des États-Unis. De nombreuses unités de soins intensifs du pays ont atteint leur capacité maximale. « Le manque de médicaments, de matériel et de lits de soins intensifs transforme la situation en chaos », déclare Renata Pieratti Bueno, médecin travaillant dans trois hôpitaux de São Paulo. Les pénuries et le manque de personnel qualifié causent des décès inutiles, dit-elle.
Le taux de mortalité du Brésil pour le SARS-CoV-2 est déjà élevé : 8 Brésiliens sur 10 intubés sont décédés, contre une moyenne mondiale de 5 sur 10, indique Fernando Bozza de Fiocruz, médecin basé à Rio de Janeiro. Les informations provenant des admissions à l’hôpital suggèrent que le virus frappe plus de jeunes, explique Raphael Guimarães de Fiocruz. Il y a eu une augmentation surprenante du nombre de 30 à 59 ans nécessitant une hospitalisation. « Cela signifie que la pandémie au Brésil touche la population plus jeune ».
La virulence du variant P1 mis en cause
La variante P.1 du virus peut être à blâmer pour le nombre élevé de cas au Brésil. Des études suggèrent que le variant possède des mutations qui l’aide à échapper aux anticorps d’infections antérieures ou de vaccination, et donc peut être en mesure de réinfecter des personnes qui ont déjà été infectées. Malgré un manque de séquençage génétique viral au Brésil, les échantillons analysés montrent que la variante est désormais dominante dans certaines régions.
« Nous devons considérer fermement que P.1 est à l’origine de l’augmentation du nombre de cas en ce moment », déclare Nuno Faria de l’Imperial College de Londres. Les chercheurs de Fiocruz ont appelé à des mesures plus strictes, notamment des confinements pour réduire les activités non essentielles, une utilisation accrue des masques faciaux et une distanciation sociale.
La lente réaction du gouvernement de Bolsonaro
Cependant, le président brésilien Jair Bolsonaro a constamment critiqué les confinements, affirmant qu’ils nuiraient aux pauvres, et a publiquement qualifié les dirigeants régionaux qui les imposent de « tyrans ». Le président a déclaré à ses partisans lors d’un événement à Goias le 5 mars que le gouvernement regrettait les morts, mais qu’il y avait eu « assez d’agitation et de gémissements ».
Le gouvernement a tardé à acheter des vaccins et jusqu’à présent, seulement 6.4% de la population a reçu une dose. Les infections semblent se stabiliser à un niveau élevé en raison de l’augmentation des interventions des États qui imposent leurs propres mesures strictes, explique Jesem Orellana de Fiocruz, mais le délai entre l’infection et la maladie signifie que les deux à trois prochaines semaines seront critiques.
Pendant ce temps, le Chili a déployé 50,46 doses de vaccin pour 100 personnes. Néanmoins, le 25 mars, le pays a enregistré 6196 nouveaux cas quotidiens, et a atteint près d’un million de cas au total. Environ 95% des lits de soins intensifs sont occupés dans le pays. Des mesures de confinement strictes ont été mises en place à partir du 25 mars dans presque tout le pays. Celles-ci comprennent un couvre-feu en soirée et des heures fixes pour l’exercice. Chaque personne n’est autorisée à sortir que pour les activités essentielles deux fois par semaine et doit présenter une attestation.