Samedi 2 janvier, l’unité de soins intensifs de l’hôpital central égyptien d’Al-Husseiniya a été le théâtre d’un drame : subitement à court d’oxygène, l’ensemble des patients atteints de COVID-19 soignés dans cette unité se sont rapidement trouvés en détresse respiratoire ; officiellement, quatre sont décédés. Le même événement tragique, lié lui aussi à un défaut d’approvisionnement en oxygène, s’était déroulé à l’hôpital général de Zefta quelques heures plus tôt, causant la mort de deux personnes.
Les autorités égyptiennes nient l’incident de l’hôpital Al-Husseiniya et affirment que les quatre patients seraient décédés de « mort naturelle », ou suite à une maladie chronique sous-jacente, et non à la pénurie d’oxygène. Un parent d’un des patients a filmé l’événement. Le personnel soignant apparaît clairement en panique et démuni face au problème ; on aperçoit même une infirmière prostrée dans un coin, sous le choc.
Selon le député Sayed Rahmo, seule l’extrême négligence des autorités est responsable de ce drame : « Les patients sont décédés des suites de la négligence de l’hôpital Al-Husseiniya et de la mauvaise gestion de la crise de pénurie d’oxygène. Selon mes sources, le médecin des soins intensifs a informé le directeur de l’hôpital de la pénurie d’oxygène au moins une heure avant [la catastrophe] ».
Scène de chaos en unité de soins intensifs
La vidéo capturée par un témoin est rapidement devenue virale sur les réseaux sociaux. Elle montre à quel point le personnel soignant s’est retrouvé impuissant et dépassé suite à l’incident. La vidéo suivante compile les images filmées à l’hôpital Zefta et à l’hôpital Al-Husseiniya :
Ces images laissent entendre que l’ensemble des patients COVID-19 soignés dans l’unité de soins intensifs de l’hôpital Al-Husseiniya sont décédés suite au manque d’oxygène, dont le niveau était inférieur à 2%. Mais seuls quatre décès ont été officiellement reconnus par les autorités : deux femmes dans la soixantaine et deux hommes âgés de 76 et 44 ans.
Le sous-secrétaire égyptien du ministère de la Santé à Sharqia, Hisham Masoud, a publié une déclaration suite à la diffusion de cette vidéo, affirmant que son département avait enquêté de près sur les décès. Selon lui, le niveau et les réserves d’oxygène étaient suffisants et les quatre décès constatés étaient dus à des complications de santé.
De même, le gouverneur de Sharqiya, Mamdouh Ghorab, a minimisé l’incident, déclarant que les décès à l’hôpital étaient le résultat de problèmes de santé chroniques préexistants et n’étaient pas dus à une défaillance de l’hôpital. La ministre égyptienne de la Santé, Hala Zayed, a quant à elle assuré que tous les hôpitaux du pays accueillant des patients COVID-19 disposaient de stocks suffisants d’oxygène, ajoutant que l’État ne ménageait aucun effort pour préserver la santé des citoyens.
Pourtant, à la vue de ces images, la « mort naturelle » et simultanée de plusieurs patients, également évoquée par le directeur de l’hôpital, apparaît comme peu crédible. Les familles des victimes restent d’ailleurs convaincues que l’hôpital a tout simplement mal géré son approvisionnement en oxygène et est entièrement responsable du drame. Un homme, dont le père de 44 ans est décédé samedi à l’hôpital, a déclaré que son père n’avait aucun problème de santé préexistant et était en bonne santé. À noter que la personne ayant filmé la scène aurait a priori été convoquée par la police pour un interrogatoire, à la demande du gouverneur, une information non confirmée officiellement pour le moment.
Un gouvernement qui n’assume pas sa responsabilité
L’incident de l’hôpital Al-Husseiniya est survenu seulement quelques heures après qu’un drame similaire se soit produit à l’hôpital général de Zefta, dans le gouvernorat d’al-Gharbiya. Deux patients y seraient décédés en raison du manque d’oxygène, et le parquet égyptien a rapidement réagi, affirmant qu’il enquêterait sur l’incident. Le ministère de la Santé a de son côté nié ce malheureux événement.
Selon le député Sayed Rahmo, le directeur de l’hôpital Al-Husseiniya, le Dr Muhammad Sami Al-Najjar, aurait bien été prévenu du manque d’oxygène suffisamment tôt : « Mais le directeur a été négligent et le transfert des bouteilles d’oxygène a pris trop de temps, entraînant des décès ». Les médias locaux rapportent que l’hôpital Al-Husseiniya a été au centre de plusieurs plaintes pour négligence et conditions insalubres au cours des deux dernières années.
Rahmo ne prêtera serment que le 10 janvier, il n’est donc pas encore officiellement en mesure d’assurer le suivi de l’incident auprès des agences gouvernementales. Néanmoins, il estime indispensable de faire la lumière sur cet événement tragique : « Nier tout manque d’oxygène est une catastrophe. Nous devons affronter et reconnaître la crise, et non la nier, afin que cette tragédie ne se répète pas ».
L’Égypte fait actuellement face à une deuxième vague de contaminations particulièrement difficile. Le 3 janvier, le pays a enregistré 1309 nouveaux cas et 64 décès. Des chiffres bien en dessous de la réalité selon les autorités sanitaires : en effet, les tests de dépistage sont peu accessibles et les statistiques quotidiennes ne tiennent pas compte des établissements de soins privés. Les chiffres réels seraient ainsi au moins dix fois plus élevés. Selon le dernier rapport hebdomadaire de l’Organisation mondiale de la santé, l’Égypte comptabilise plus de 9500 nouveaux cas et 390 décès sur les sept derniers jours, portant le total à près de 141’000 cas et 7741 décès depuis le début de la pandémie.