Une étude suggère que le malaise post-effort (un état d’épuisement anormal après l’exercice) couramment observé chez les personnes souffrant de COVID long, est principalement dû à des dysfonctionnements mitochondriaux. Ces changements se manifesteraient au niveau des tissus musculaires, malgré des fonctions pulmonaires et cardiaques normales. Cela suggère que les formes classiques de rééducation et de physiothérapie ne sont peut-être pas les meilleures options pour soutenir le rétablissement de ces patients.
Alors que la majorité des personnes infectées par le SARS-CoV-2 se rétablissent complètement en quelques semaines, environ 1 patient sur 5 développerait un COVID long. Chez ces derniers, les symptômes peuvent persister jusqu’à 3 ans ou plus après l’infection initiale. Parmi les symptômes couramment observés figurent le brouillard cérébral, la fatigue chronique, l’intolérance à l’exercice ou le malaise post-effort (MPE), le syndrome de tachycardie orthostatique posturale (POTS), et bien d’autres.
Le MPE est un état d’épuisement anormal survenant après une activité physique ou cognitive modérée à intense. Chez les personnes souffrant de COVID long, les symptômes vont d’une baisse extrême des capacités fonctionnelles (physiques et cognitives) à une réapparition ou une aggravation des symptômes de la maladie. Cela peut être si invalidant que certains patients peuvent se retrouver alités. Le temps de récupération suite à l’apparition de la fatigue due à l’exercice est anormalement long par rapport aux personnes en bonne santé, allant d’une journée à plusieurs semaines.
Plusieurs hypothèses expliquant le MPE dans le cas du COVID long ont été avancées. Elles incluent par exemple l’inflammation systémique et locale, la perturbation des réponses immunitaires, la persistance virale, les dérèglements hormonaux, un dysfonctionnement mitochondrial et une accumulation de dépôts de protéines amyloïdes au niveau des vaisseaux sanguins (qui pourraient provoquer une hypoxie locale).
Cependant, la majorité de ces hypothèses n’ont jamais été confirmées. Cette incertitude est en grande partie due à l’évaluation indirecte des paramètres biomédicaux et psychologiques sous-jacents à la transversalité de la plupart des études (consistant à collecter simultanément des éléments à un moment donné plutôt qu’au fil du temps), ainsi qu’à l’hétérogénéité des participants.
La nouvelle étude, récemment publiée dans la revue Nature Communications, visait à explorer les mécanismes physiologiques sous-jacents au MPE chez des patients souffrant de COVID long. « Cette étude met en évidence de nouvelles voies qui aident à comprendre la physiopathologie du MPE chez les patients souffrant d’un COVID long et d’autres maladies post-infectieuses », expliquent les auteurs. Les résultats pourraient permettre d’établir de meilleures stratégies de prise en charge, et potentiellement d’aboutir à de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Des changements indépendants des fonctions cardiaque et pulmonaire
Dans le cadre de la nouvelle étude, 46 personnes ont été recrutées au total. 25 d’entre elles souffraient de COVID long, et toutes ont déclaré avoir subi des MPE, tandis que les 21 autres étaient des témoins en bonne santé — c’est-à-dire qui ont été infectées, mais se sont complètement rétablies. Aucun des participants n’a nécessité d’hospitalisation, et tous étaient en bonne santé et en âge de travailler avant leur infection. Pour l’étude, ces personnes ont été invitées à faire du vélo en salle pendant 10 à 15 minutes. Des échantillons sanguins et des biopsies musculaires ont été prélevés une semaine avant et le lendemain de l’effort.
Bien que les résultats présentent d’importantes variations, il a été constaté que les patients COVID long avaient généralement une capacité d’exercice inférieure à celle des participants témoins. La brève séance de cyclisme a notamment aggravé leurs symptômes. En analysant leurs biopsies musculaires, une plus grande proportion de fibres blanches a été observée. Ces tissus contiennent une quantité réduite de mitochondries et de vaisseaux capillaires. D’autre part, leurs mitochondries étaient également moins efficaces à produire de l’énergie que celles des participants en bonne santé.
« Nous constatons des changements évidents dans les muscles de ces patients », explique dans un communiqué la coauteure principale de l’étude, Michèle van Vugt, de l’Université d’Amsterdam. Ces constats expliqueraient les MPE survenant plus fréquemment chez les personnes souffrant de Covid long. « La cause de la fatigue est donc en réalité purement biologique : le cerveau a besoin d’énergie pour penser. Les muscles ont besoin d’énergie pour bouger », explique-t-elle.
Par ailleurs, l’équipe a découvert que les participants Covid long présentaient plus d’amas de protéines amyloïdes dans les capillaires irriguant les muscles squelettiques. Toutefois, il n’y a aucune preuve que ces amas peuvent former des caillots suffisamment volumineux pour provoquer une hypoxie locale, comme l’ont précédemment suggéré d’autres chercheurs. En outre, ces patients présentaient également plus de lésions tissulaires après l’exercice ainsi que plus de signaux de tentatives de réparation tissulaire. Cela pourrait expliquer les douleurs musculaires ressenties par ces personnes même plusieurs semaines après l’effort. D’ailleurs, bien que l’hypothèse de la persistance virale ait été avancée plus d’une fois, aucune trace de matériel viral n’a été détectée au niveau des échantillons prélevés.
Il est intéressant de noter que les fonctions cardiaques et pulmonaires des participants Covid long sont restées normales après l’exercice. Cela suggère que les changements observés au niveau physiologique ainsi que les MPE ne sont pas dus à des défaillances organiques. Ces découvertes soulèvent également la possibilité de développement de nouvelles stratégies thérapeutiques, basées sur les mitochondries.
En attendant, les chercheurs suggèrent aux personnes concernées d’éviter les exercices trop intenses et de respecter des limites raisonnables. « Gardez à l’esprit que chaque patient a une limite différente », explique l’auteur principal de l’étude, Brent Appelman, de l’Université d’Amsterdam. « Comme les symptômes peuvent s’aggraver après un effort physique, certaines formes classiques de rééducation et de physiothérapie sont contre-productives pour le rétablissement de ces patients », ajoute van Vugt.