Les vagues de COVID-19 se succèdent, avec des variants toujours plus contagieux. Alors que nous nous apprêtons à affronter l’arrivée du sous-variant le plus transmissible, XBB 1.5, majoritaire aux États-Unis et qui a le potentiel de devenir la souche dominante en Europe, nos connaissances sur le COVID long restent lacunaires. Récemment, des chercheurs ont regroupé l’ensemble des données disponibles et ont estimé que chez certaines personnes souffrant de COVID long, les symptômes pourraient persister à vie.
Le COVID long est une affection multisystémique comprenant des symptômes souvent invalidants, suite à une infection par le SARS-CoV-2. Plus de 200 symptômes ont été identifiés, avec des impacts sur plusieurs systèmes d’organes.
Il faut savoir qu’au moins 65 millions de personnes dans le monde en souffrent, sur la base d’une incidence, prudente, estimée à 10% des personnes infectées (certaines études estiment une incidence à 15-20%) et de plus de 651 millions de cas COVID-19 documentés dans le monde. Mais le nombre est probablement beaucoup plus élevé, et continue de croitre avec l’apparition de nouveaux variants, tels que XBB 1.5.
Plus précisément, l’incidence est estimée à 10–30% des cas non hospitalisés, 50–70% des cas hospitalisés et 10–12% des cas vaccinés. Ce COVID long est associé à tous les âges et à toutes les gravités de la maladie en phase aiguë, avec le pourcentage le plus élevé de diagnostics entre 36 et 50 ans.
Dans ce contexte, un groupe de chercheurs américains du Patient-Led Research Collaborative et du Scripps Research Translational Institute a passé en revue toutes les informations disponibles sur le COVID long, fournissant de nouvelles informations sur la maladie et sa fréquence à travers le monde. Il pourrait représenter une menace bien plus grande que prévu, car il s’est avéré imiter d’autres affections et problèmes de santé dans certains cas et passe donc inaperçu. Les résultats de l’étude sont présentés dans la revue Nature Reviews Microbiology.
Des symptômes à vie ?
Au cours de la première année de la pandémie, les experts ont répertorié les symptômes courants du COVID long. La liste a depuis été mise à jour et élargie pour inclure d’autres manifestations caractéristiques de la maladie.
La liste, fournie par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) comprend, de manière non exhaustive, les signes et symptômes typiques d’une infection liée au virus de la COVID-19 ainsi que la fatigue chronique, la fièvre, la toux, les douleurs thoraciques, les difficultés respiratoires, les problèmes de sommeil et la diarrhée, entre autres.
Les auteurs mettent en exergue que le COVID long imite et déclenche de multiples affections courantes, notamment des maladies cardiovasculaires, thrombotiques et cérébrovasculaires, le diabète de type 2, l’encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique (EM/SFC) et le syndrome de tachycardie orthostatique posturale (modification du rythme cardiaque aux changements de position).
Ils insistent sur le fait que les symptômes peuvent durer des années, particulièrement dans les cas de l’EM/SFC d’apparition récente et du syndrome de tachycardie orthostatique posturale.
En effet, en compilant les données, ils ont découvert qu’il est extrêmement difficile de distinguer ces deux maux des symptômes du COVID long. Ils seraient le résultat d’un dysfonctionnement autonome (ou dysautonomie). Il s’agit d’une neuropathie affectant le système nerveux autonome, c’est-à-dire le système responsable des fonctions prédictées, comme la tension artérielle ou le rythme cardiaque.
Avec des proportions importantes de personnes atteintes de COVID long depuis longtemps incapables de retourner au travail, l’ampleur des personnes nouvellement handicapées impactera de façon durable la société et l’économie, dans tous les pays. Sans compter qu’il n’existe actuellement aucun traitement efficace validé.
Inégaux face au COVID long
Il existe probablement plusieurs causes, potentiellement superposées, d’un COVID long. Plusieurs hypothèses concernant son origine ont été suggérées, notamment des réservoirs persistants de virus dans les tissus, le dérèglement immunitaire (avec ou sans réactivation des virus de l’herpès entre autres), impacts du SARS-CoV-2 sur le microbiote intestinal, etc.
Ces études mécanistes en sont généralement à un stade précoce, et bien que les études, qui s’appuient sur les travaux de recherche existants concernant les maladies post-virales, aient avancé certaines théories, de nombreuses questions demeurent et sont une priorité pour les auteurs de la nouvelle étude.
Par ailleurs, les facteurs de risque incluent potentiellement le sexe féminin (les femmes faisant d’ailleurs face à plus de scepticisme de la part des médecins), le diabète de type 2, le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), l’urticaire chronique et la rhinite allergique. Les auteurs notent une prévalence plus élevée dans certaines ethnies, comme les personnes d’origine hispanique ou latino. Les facteurs de risque socio-économiques comprennent un revenu plus faible et une incapacité à se reposer correctement dans les premières semaines après avoir développé la COVID-19.
De surcroit, le groupe de recherche a mis en évidence, en se basant sur des rapports antérieurs, qu’environ 10% des personnes infectées par le COVID-19 développent un COVID long, en particulier les personnes âgées de 36 à 50 ans. Ils ont également constaté que peu de personnes atteintes de COVID long montrent un rétablissement complet. D’ailleurs, une autre étude avait révélé que 85% des patients qui présentaient des symptômes 2 mois après l’infection initiale, ont signalé des symptômes persistant 1 an après.
Le pronostic est donc incertain, bien que les personnes ayant souffert d’un cas léger semblent se rétablir au bout d’un an voire moins. À l’inverse, pour les personnes qui présentent des symptômes plus graves, les perspectives sont moins réjouissantes, car peu de données indiquent dans ces cas que les symptômes du COVID long diminuent un jour.
Enfin, l’étude ne peut conclure de manière claire quant à l’impact de la vaccination sur le développement d’un COVID long. En effet, la compilation des données existantes et des recherches présente des conclusions contradictoires. Sans compter que la multiplication des variants, contournant l’effet des vaccins et induisant de nombreux cas de réinfection, est loin d’être totalement comprise et prise en compte dans les études antérieures. C’est pourquoi l’étude de l’impact de ces réinfections sur les personnes souffrant déjà de COVID long sera cruciale pour mieux comprendre la maladie et ainsi orienter les futures décisions politiques.
Actions à mener face à la multiplication des cas de COVID long
Bien que la recherche sur le COVID long ait été étendue et se soit accélérée, les études existantes ne sont pas suffisantes pour améliorer l’état de santé des personnes atteintes. Pour assurer une réponse adéquate à la longue crise du COVID, il est nécessaire que la recherche s’appuie sur les connaissances existantes et intègre l’expérience du patient, la formation et l’éducation du personnel de santé et de recherche, des campagnes de communication publique et politiques ainsi qu’un financement solide pour soutenir les soins associés au COVID long.
En effet, comme mentionné précédemment, sur la base de plus de 2 ans de recherche sur le COVID long et de décennies d’études sur des pathologies associées telles que la fatigue chronique, une proportion importante d’individus atteints de COVID long pourrait présenter des incapacités à vie, si aucune mesure n’est prise.
Les auteurs concluent que les options de diagnostic et de traitement sont actuellement insuffisantes et de nombreux essais cliniques sont nécessaires de toute urgence pour tester rigoureusement les traitements des affections biologiques sous-jacentes hypothétiques, notamment la persistance virale, la neuro-inflammation, la coagulation sanguine excessive et l’auto-immunité.