Un fossile de crâne de pliosaure exceptionnellement bien conservé — un monstre marin vivant il y a environ 150 millions d’années — a été mis au jour sur une plage du Dorset, dans le sud de l’Angleterre. L’imposant fossile mesure près de deux mètres de long, avec des mâchoires comptant 130 longues dents acérées. En vue de la taille de la tête, l’animal était probablement si imposant qu’il aurait pu s’attaquer à presque tout ce qui se trouvait sur son chemin.
Les pliosaures sont des reptiles marins ayant vécu entre le Trias supérieur et la fin du Crétacé. Ils se caractérisent par un cou court et une grande tête allongée. À ne pas confondre avec les plésiosaures qui eux, possèdent un long coup et une petite tête. Mesurant entre 10 et 12 mètres de long pour un poids allant jusqu’à 12 tonnes, ils avaient 4 grandes nageoires qui leur permettaient de nager à grande vitesse en effectuant des mouvements de battements alternatifs — ce qui est très différent de la nage ondulatoire des crocodiles et des varans actuels. Toutefois, si ce type de nage est similaire à celle des plésiosaures, les pliosaures seraient eux plus adaptés aux eaux profondes.
Le spécimen en question a été découvert en Angleterre par Philipp Jacobs, un artiste peintre local et amateur de fossiles, lorsqu’il se promenait sur une plage près de la baie de Kimmeridge, dans le comté du Dorset. Le site est connu pour son important gisement fossile et est classé au patrimoine mondial. Lors d’une balade, Jacobs est tombé sur le bout du museau fossilisé de l’animal. Étrangement, le reste de la tête était introuvable.
C’est en effectuant un survol en drone de la falaise adjacente, que l’équipe de paléontologues contactée par Jacobs a retrouvé le reste de la tête, incrustée dans la roche. Afin de l’extraire, les scientifiques ont dû descendre de la falaise en rappel. Ils l’ont alors excavée tout en étant suspendus à 15 mètres au-dessus de la plage. Les experts ont été surpris de découvrir que le spécimen était non seulement énorme, mais que le crâne était également exceptionnellement bien conservé. « C’est l’un des meilleurs fossiles sur lesquels je n’ai jamais travaillé. Ce qui le rend unique, c’est qu’il est complet », a déclaré le paléontologue Steve Etches à BBC News.
Une véritable « machine à tuer »
Les archives fossiles de pliosaures à travers le monde ne présentent généralement que relativement peu de détails et de nombreux os peuvent manquer. En revanche, celui retrouvé dans le Dorset avait encore la mâchoire supérieure et inférieure bien emboîtées l’une avec l’autre. Bien qu’ils soient légèrement déformés, tous les os du crâne sont présents.
La tête du pliosaure fait environ 2 mètres de long, ce qui permet de se faire une idée de la taille titanesque de l’animal. Les éléments les plus impressionnants sont probablement ses 130 longues et tranchantes dents, dont la surface intérieure est couverte de fines rainures. Des expériences ont montré que ces dernières facilitent l’incision et le retrait de la chair d’une proie, probablement dans le but de pouvoir passer rapidement à une seconde attaque.
En examinant les grandes ouvertures circulaires à l’arrière du crâne, les paléontologues ont estimé qu’il s’agit de l’emplacement des muscles actionnant la mâchoire du reptile. Ses muscles saillants lui permettaient probablement de produire une force écrasante de 33 000 newtons, soit de quoi couper une petite voiture en deux d’un seul coup ! En comparaison, celle du crocodile marin — l’animal moderne possédant la force de morsure la plus élevée — est de seulement 16 000 newtons.
Étant donné sa taille et sa puissance, l’animal aurait probablement chassé presque tout ce qui se trouvait sur son chemin, y compris ses cousins au long cou ainsi que d’autres reptiles marins. Des preuves fossiles ont d’ailleurs suggéré qu’il chassait même ses homologues plus petits. D’un autre côté, les pliosaures auraient probablement partagé une stratégie de chasse commune aux prédateurs reptiliens dont la tête est élargie à l’arrière, comme les crocodiles. Ces derniers serrent leurs dents autour de leur proie pour ensuite tourner sur eux-mêmes afin d’arracher la partie qu’ils ont saisie.
Par ailleurs, le spécimen nouvellement découvert présente des caractéristiques suggérant qu’il possédait des sens ultra-aiguisés. Les chercheurs ont notamment relevé des dizaines de fossettes sur le bout de son museau, probablement les emplacements d’anciennes glandes détectrices de changements de pression dans l’eau, qui auraient pu compléter son arsenal de chasse. En outre, le haut de sa tête comporte une cavité qui aurait abrité un œil pariétal (un troisième œil) selon les chercheurs, et qui l’aurait ainsi aidé à localiser ses proies en eaux profondes et troubles. Il s’agit d’un organe photosensible relativement commun que certains lézards, grenouilles et poissons actuels possèdent aussi.
Etches et ses collègues ont également remarqué que quelques vertèbres étaient visibles à l’arrière de la tête, ce qui pourrait suggérer que le reste fossilisé du corps de l’animal est toujours encastré dans la falaise. Les chercheurs espèrent pouvoir continuer les fouilles le plus rapidement possible, les falaises du Dorset étant particulièrement sujettes à l’érosion. « Cette partie de la falaise recule de quelques mètres par an. Et il ne faudra pas longtemps avant que le reste du pliosaure se perde », explique Etches.
Pour celles et ceux qui désirent en savoir plus sur le fossile et pour qui l’anglais n’est pas un problème : il sera présenté le jour du Nouvel An sur BBC One, dans le cadre d’une émission spéciale présentée par David Attenborough, le charismatique narrateur des documentaires « Our Planet » et « Planet Earth », entre autres. Il sera également exposé l’année prochaine dans le musée d’Etches, à Kimmeridge.