Depuis sa création en 2009, le bitcoin n’a cessé (malgré quelques chutes brutales) de gagner en valeur et en notoriété, bien qu’il subisse encore aujourd’hui des fluctuations imprévisibles. C’est parfois quitte ou double : les chances d’obtenir un retour sur investissement rapide sont hautement spéculatives. Pourtant, la cryptomonnaie séduit toujours plus et nombreux sont ceux qui investissent dans le bitcoin. Son succès a même conduit à l’avènement de nombreuses autres cryptomonnaies à succès, dont l’Ethereum. Pourquoi de plus en plus de monde se laisse tenter par cette nouvelle forme d’investissement ? Quels types de comportements sont liés à ce phénomène ? Une nouvelle étude psychologique met en évidence un lien entre l’attrait aux cryptomonnaies et les personnalités de la « tétrade sombre », incluant notamment le machiavélisme, le narcissisme, la psychopathie et le sadisme.
Pour la première fois, une étude scientifique s’est penchée sur les comportements qui motivent les acheteurs de cryptomonnaies. D’après les auteurs de l’étude, basés à l’Université technologique du Queensland, les principaux attraits pour ces types de monnaies sont principalement le retour sur investissement potentiellement élevé et rapide ainsi que la prise de risque élevée (pouvant être stimulante). Il s’agit des mêmes genres de motivations des personnes particulièrement attirées par les jeux d’argent.
Ce qu’il faut considérer, c’est que tout investissement comporte un certain risque, comme à la bourse de Wall Street, où les cours fluctuent de façon imprévisible. Mais pour les cryptomonnaies, les cours peuvent atteindre les 60 000 dollars pour chuter du jour au lendemain à 30 000 dollars. Évoluer dans ce marché évalué à pus de 510 milliards d’euros peut alors soit rapporter énormément, soit générer des pertes financières colossales.
Le côté « sécuritaire » des transactions a aussi beaucoup contribué à l’attraction des cryptomonnaies. La blockchain, la technologie qui permet les transactions de ces monnaies est notamment faite pour être transparente, décentralisée et infalsifiable. De plus, ces transactions ne sont pas gérées par les gouvernements ou les banques, contrairement aux monnaies classiques. Les transactions peuvent s’effectuer directement de pair-à-pair, ce qui les rend attractives pour les personnes « se méfiant du gouvernement et/ou des administrations ».
Toutefois, d’après l’étude des chercheurs australiens, le fait de vouloir investir dans les cryptomonnaies n’est pas uniquement et forcément une question de bénéfice ou de sécurité. Les comportements des acheteurs peuvent recéler des facettes bien plus profondes. Ces facettes liées à la tétrade sombre (un terme qui englobe quatre caractéristiques malfaisantes, dont l’égoïsme extrême et le fait de profiter des autres sans empathie) influeraient aussi sur les désirs d’investir dans les cryptomonnaies.
Une étude portant sur 566 personnes
Pour en arriver à leurs résultats, les chercheurs australiens ont invité 566 personnes à répondre à un questionnaire de personnalité en ligne. Des questions sur leurs attitudes vis-à-vis des cryptomonnaies ainsi que leur intention d’y investir ou non ont également été posées. 26% de ces individus ont déclaré posséder des cryptomonnaies et 64% ont manifesté leur intérêt à investir.
Par suite, leurs niveaux de correspondance aux traits de la tétrade sombre ont été mesurés par le biais de tests psychologiques standards. Des traits de personnalité supplémentaires, qui pourraient être indirectement liés à la tétrade sombre et ainsi à l’attrait aux cryptomonnaies, ont également été pris en compte. Ces derniers concernent notamment la peur de passer à côté d’une opportunité (FOMO), la positivité et l’optimisme ainsi que la croyance en des théories complotistes.
Résultats
Le machiavélisme serait le principal trait de personnalité lié à la tendance d’achat de cryptomonnaies. Les personnes concernées « se méfieraient davantage des politiciens et des agences gouvernementales ». Beaucoup d’entre eux pensent notamment que les gouvernements sont corrompus et que les cryptomonnaies sont la solution idéale pour éviter cette corruption.
Les individus machiavéliques sont en effet doués pour tromper et manipuler les autres. Pour ce genre de personnes, il faut manipuler pour éviter de se faire duper à son tour. Elles ont alors tendance à adopter une approche calculée dans tout ce qu’elles entreprennent et à éviter les décisions impulsives. Elles sont alors moins susceptibles à l’entreprise de décisions ou investissements risqués. Cependant, les personnes machiavéliques auraient tendance à croire fermement aux complots gouvernementaux. D’après eux, chacun de leurs faits et gestes est susceptible d’être surveillé et manipulé par les gouvernements. Il est donc plus logique pour eux d’investir dans les cryptomonnaies, où le gouvernement n’intervient pas dans les transactions.
Le narcissisme est le deuxième trait de personnalité le plus observé chez ceux qui s’intéressent aux cryptomonnaies. Ces personnes sont égocentriques et se sentent privilégiées et supérieures par rapport aux autres. Elles sont alors excessivement optimistes et confiantes, et osent les investissements risqués.
La psychopathie est également impliquée dans l’attrait aux cryptomonnaies. Il s’agit notamment d’un trait de personnalité parfois antisocial, mais surtout insensible et impulsif. Les individus ayant cette personnalité ont du mal à comprendre ou à gérer leurs émotions et prennent souvent des décisions imprudentes. Ce côté imprudent serait à l’origine de leur attrait à la prise de risques. D’après les chercheurs australiens, ces personnes s’intéressent aux cryptomonnaies par peur de passer à côté d’une opportunité.
Les personnalités sadiques (apprécier la souffrance d’autrui) seraient également plus attirées que les autres par les cryptomonnaies, dans une certaine mesure. D’après les auteurs, ces personnes ont également cette peur de passer à côté de quelque chose. Avec le fait d’apprécier la souffrance des autres, ce trait de personnalité est associé à l’égoïsme.
Toutefois, les sadiques et les psychopathes ne possèdent pas le côté optimiste qui caractérise les narcissiques. Ils ne sont pas alors forcément confiants en investissant dans les cryptomonnaies et s’y intéressent ainsi moins que les personnalités narcissiques.
Les auteurs de l’étude décrite dans Science Direct tiennent également à souligner que ces résultats ne signifient absolument pas que tout individu s’intéressant aux cryptomonnaies présente forcément des traits de la tétrade sombre. Il s’agit simplement d’une étude donnant un aperçu des motivations comportementales probables de ces investisseurs. De plus, les essais n’ont été effectués que sur un sous-ensemble d’intéressés.