Malgré les contretemps de la mission Artemis, l’Homme continue d’espérer et de rêver à la présence durable des humains sur la Lune. Des universitaires australiens affirment qu’un projet de culture de plantes sur cette dernière, d’ici 2025, pourrait jeter les bases de cette colonisation lunaire en cas de succès. Les résultats de ces expériences aideront également à nourrir, sur Terre, les populations en difficulté ou victimes de catastrophes naturelles liées à la crise climatique, notamment en déterminant les plantes les plus résistantes.
Dans l’espace, l’énergie, la nourriture, l’eau et les ressources sont limitées. Cela en fait un terrain d’essai idéal pour développer des stratégies innovantes, pratiques et durables, reproductibles sur Terre. En effet, en ciblant la Lune, les chercheurs ont la possibilité de mettre au point des expériences pour tester la capacité des plantes à pousser dans cet environnement hostile, semblable aux conditions rencontrées lors de catastrophes naturelles (sécheresses, incendies, etc.).
C’est pourquoi l’Université nationale australienne (ANU) ainsi que l’Université de technologie du Queensland (QUT), et celle de Melbourne (RMIT), s’associent à une mission ambitieuse dirigée par la start-up spatiale australienne Lunaria One qui vise à faire pousser des plantes sur la Lune dès 2025, sous le nom « d’expérience lunaire australienne de promotion de l’horticulture » (ALEPH).
Les scientifiques du projet veulent dans un premier temps déterminer si les plantes peuvent non seulement tolérer, mais aussi prospérer sur la surface lunaire. Le projet est une première étape vers la culture de plantes pour la nourriture, la médecine et la production d’oxygène, qui sont toutes essentielles à l’établissement durable de la vie humaine sur la Lune. Il constituera aussi une avancée non négligeable pour les futures missions vers Mars, lancées depuis le satellite naturel de la Terre.
Un premier voyage lunaire en 2025
En avril 2022, Lunaria One a été sélectionné pour participer à un vol commercial à destination de la surface de la Lune au début de l’année 2025, dirigé par l’organisation israélienne SpaceIL, à bord du vaisseau spatial Beresheet 2.
Lunaria One a pour objectif d’envoyer un ensemble de graines et de plantes soigneusement sélectionnées, en fonction de leur rapidité de germination et de leur tolérance aux variations de température extrêmes rencontrées dans l’espace. Elles devront par ailleurs résister aux conditions présentes lors du transit vers la Lune, ainsi qu’en surface.
Concrètement, pour l’expérimentation, une capsule scellée sera utilisée. Cette dernière contiendra les graines, des systèmes qui assureront leur arrosage et leur apport en nutriments, ainsi que des outils de suivi (des capteurs et une caméra). En déposant ce matériel à la surface de la Lune, l’équipe souhaite démontrer la germination et/ou la croissance à partir de l’état de plante dormante, dans les 72 premières heures suivant l’alunissage.
L’une des plantes considérées pour la mission est une herbe indigène australienne connue sous le nom de Tripogon loliiformis, qui peut endurer des conditions difficiles. En effet, ce groupe de plantes résilientes, appelées plantes tolérantes à la dessiccation (ou plantes de résurrection), peut résister à la perte d’eau jusqu’à un état desséché et retrouver sa pleine capacité métabolique dans les 72h suivant la réhydratation.
Le Dr Brett Williams, biologiste végétal au QUT, déclare dans un communiqué : « Même après avoir perdu plus de 95% de sa teneur relative en eau, l’herbe qui semble morte reste vivante et les tissus préexistants s’épanouissent lorsqu’ils sont alimentés en eau ». Caitlyn Byrt, biologiste des plantes à l’ANU et responsable scientifique de Lunaria One, estime même que cette plante de résurrection est capable de supporter des conditions difficiles et de survivre dans un état dormant sans eau pendant des mois.
Des résultats lunaires applicables sur Terre
Caitlin Byrt souligne que la mission présente une opportunité « unique » pour les scientifiques d’appliquer les connaissances sur la résilience de la germination des plantes afin de déterminer les types de plantes qui pourraient tolérer des environnements difficiles, à l’image de la surface lunaire.
Elle ajoute : « L’espace est un terrain d’essai exceptionnel pour savoir comment propager des plantes dans les environnements les plus extrêmes. Les conditions extrêmes auxquelles la Terre est confrontée en raison du changement climatique présentent des défis pour la manière dont nous gérons la sécurité alimentaire à l’avenir ».
Il faut savoir que la sécheresse est un stress abiotique majeur qui réduit considérablement la productivité des cultures. Couplée à l’augmentation des températures liée à la crise climatique, la sécheresse peut réduire le rendement des cultures jusqu’à 50%. Les prévisions suggèrent que seules les espèces les plus résistantes continueront à produire dans les conditions climatiques futures.
Caitlin Byrt explique : « Ce projet est important pour développer des systèmes de propagation adaptés aux défis ici sur Terre. Cela inclut la création d’environnements contrôlés qui permettent aux communautés de propager rapidement les plantes après des catastrophes naturelles ou liées au climat. Si vous pouvez créer un système pour faire pousser des plantes sur la Lune, alors vous pouvez créer un système pour faire pousser des aliments dans certains des environnements les plus difficiles de la Terre ».
Comme mentionné précédemment, après l’alunissage, la croissance et la santé générale des plantes seront surveillées pendant 72 heures, et les données et images seront renvoyées sur Terre afin de les comparer avec les expériences de contrôle terrestres. Ces données, ainsi que celles des écoles et universités participantes, seront également rendues accessibles via le site internet de Lunaria One.
De fait, ces ensembles permettront de constituer une banque internationale d’expériences de contrôle. Des scientifiques citoyens et des écoliers du monde entier seront invités à utiliser les données pour mener leurs propres expériences afin d’identifier les variétés de plantes qui ont les meilleures chances de pousser sur la Lune.
En partageant les données et en impliquant des étudiants du monde entier, les chercheurs visent à faire d’ALEPH-1 une chance pour tout un chacun de contribuer à l’avenir de l’exploration spatiale. La directrice de Lunaria One, Lauren Fell, de QUT, conclut : « La clé de cette mission est d’impliquer les humains et de leur donner leur mot à dire sur la façon dont nous y parvenons. Le projet ALEPH vise à ouvrir la science et l’ingénierie derrière [la conquête lunaire et l’établissement de] la vie sur la Lune pour que n’importe qui puisse être impliqué ».