Le pamplemousse peut être moins inoffensif qu’il n’en a l’air. En étant consommés avec certains médicaments, les furanocoumarines — une famille de composés abondamment présents dans l’agrume — peuvent altérer leur métabolisation dans l’organisme. Ces composés exacerbent à la fois les effets thérapeutiques et les effets secondaires, et peuvent provoquer des réactions en chaîne potentiellement fatales.
Particulièrement riche en oligoéléments et en antioxydants, le pamplemousse est généralement considéré comme un aliment sain et inoffensif. Cependant, les pharmacologues ont révélé qu’il peut affecter la manière dont les médicaments sont métabolisés dans notre organisme, engendrant des effets potentiellement délétères. Parmi les médicaments à ne surtout pas mélanger avec l’agrume figurent par exemple les anticholéstérolémiants à base de statine (simvastatine, atorvastatine), les antihypertenseurs à base de nifédipine, certains antidépresseurs, etc.
Les effets d’interaction des médicaments avec le pamplemousse sont principalement attribués aux furanocoumarines, abondants dans son jus et dans son épaisse écorce. Ces effets vont de la torsade de pointe (trouble du rythme cardiaque) aux hémorragies gastro-intestinales, en passant par la dépression respiratoire, l’insuffisance rénale et la néphrotoxicité (toxicité pour les reins). À noter toutefois que la gravité de ces interactions peut varier d’un individu à l’autre, en fonction du type de médicament et de la quantité de fruit ou de jus ingéré. Dans de rares cas, ces effets peuvent être fatals.
Une dangereuse interaction dès 200 ml de jus
En pénétrant dans notre organisme, les médicaments sont métabolisés par le cytochrome P450 3A4 (CYP3A4), une enzyme présente au niveau de l’intestin grêle, du côlon et des hépatocytes (cellules hépatiques). Cette présence implique que les médicaments administrés par voie orale soient métabolisés deux fois (au niveau du foie et des intestins) avant d’atteindre la circulation sanguine, et que seul un petit pourcentage de leur forme inchangée y parvient. De ce fait, ils sont formulés de manière à tenir compte de cette double métabolisation. La félodipine (un antihypertenseur) est par exemple réduite à 15% de la dose initiale lorsqu’elle atteint la circulation systémique.
Cependant, en réduisant l’activité du CYP3A4 (principalement au niveau de l’intestin grêle), les furanocoumarines du pamplemousse peuvent modifier la biodisponibilité du principe actif (son taux et sa vitesse de passage dans la circulation sanguine) et ainsi exacerber sa concentration. En effet, les furanocoumarines sont métabolisées par l’enzyme et se lient de manière covalente avec le site d’activation. Cette liaison induit une désactivation irréversible et réduit considérablement l’activité enzymatique (jusqu’à ce qu’une nouvelle synthèse rétablit un niveau normal). De ce fait, la biodisponibilité du composé thérapeutique est augmentée (surdosage) en présence de pamplemousse, tandis que sa demi-vie d’élimination systémique (indiquant la durée de la persistance du médicament dans l’organisme) reste inchangée. Le surdosage induit augmente à son tour l’incidence des effets indésirables.
Étant donné que les furanocoumarines sont inhérents au pamplemousse, toutes ses formes consommables (jus, fruit entier, confiture, …) sont susceptibles d’induire une réduction de l’activité des CYP3A4. Des études ont révélé qu’un pamplemousse entier, ou 200 millilitres de jus, suffisait à provoquer une augmentation systémique significative de la biodisponibilité d’un médicament.
Toutefois, la quantité de CYP3A4 peut naturellement varier d’un individu à l’autre. L’effet des furanocoumarines peut ainsi affecter différemment les individus, même avec un médicament identique. À savoir que les oranges de Séville et les citrons verts peuvent également induire cette interaction. En revanche, les variétés plus douces telles que les oranges de navel ou le valencia ne contiennent pas suffisamment de furanocoumarines pour altérer l’activation du CYP3A4.
Par ailleurs, le jus de pamplemousse peut avoir un effet inverse sur certains médicaments et en réduire les effets pharmacologiques, au lieu de les exacerber. Le fexoénadine (un antihistaminique) devient par exemple moins efficace en étant au contact du jus. Une notification indiquant de ne pas les prendre avec des jus de fruits est d’ailleurs normalement inscrite sur la notice de ce médicament. Dans ce contexte, l’agrume agit en bloquant les transporteurs des molécules thérapeutiques et en réduisant la concentration systémique.
Des listes des médicaments pouvant potentiellement interagir avec le pamplemousse sont disponibles sur différents serveurs pharmacomédicaux. La Food and Drug Admnistration américaine exige d’ailleurs que les médicaments (par voie orale) concernés affichent des avertissements clairs contre la consommation du fruit au cours d’un traitement. Ces données sont cependant non exhaustives, sans compter le développement continuel de nouveaux composés thérapeutiques. Les effets potentiellement nocifs de l’agrume soulignent davantage l’importance de toujours demander l’avis de son médecin ou de son pharmacien avant de débuter un traitement, et surtout de lire attentivement la notice.