En étudiant la bioluminescence de deux espèces de méduses distinctes, des chercheurs ont identifié des protéines fluorescentes jamais décrites auparavant. Elles pourraient s’ajouter à celles déjà employées en biologie moléculaire.
C’est dans les eaux entourant l’île Héron, au beau milieu de la grande barrière de corail, que Nathan Shaner et ses collègues de l’Université de Californie à San Diego, ont repéré une méduse brillant d’une couleur qui avait attiré leur attention. L’objectif de ces spécialistes de la bioluminescence et du développement d’outil biologiques à partir de ce phénomène n’était pas de capturer des méduses, mais lorsqu’ils en ont vue une avec des traits bleus lumineux sur tout son corps, ils n’ont pas hésité à la capturer.
« Sur un coup de tête, nous nous sommes dit qu’il fallait le ramener chez nous », déclare Shaner. Et il faut dire que cela en valait la peine.
Après avoir ramené la méduse (Aequorea australis) au laboratoire pour étudier les gènes permettant sa fluorescence, ils ont identifié pas moins de cinq protéines différentes.
En effet, la protéine fluorescente verte (plus communément appelée GFP pour green fluorescent protein), est la molécule la plus utilisée pour l’observation d’une autre protéine que l’on voudrait étudier. Les biologistes peuvent suivre des protéines ciblées une fois liées à la GFP, grâce à diverses méthodes d’imagerie. Sa découverte il y a une vingtaine d’années a permis le remplacement rapide de l’usage d’isotopes radioactifs, qui était le seul moyen pour pouvoir traquer les protéines désirées, mais qui présentait aussi des effets nocifs pour les chercheurs y étant exposés.
La GFP a été obtenue par modification d’une protéine fluorescente (avGFP) chez Aequorea victoria, une autre espèce de méduse. Diverses variantes de l’avGFP ont été créées depuis, permettant d’obtenir d’autres couleurs que le vert.
Mais la découverte des cinq protéines chez A. australis a montré que deux d’entre elles émettent de la fluorescence verte, deux autres du bleu (lorsqu’elles sont sous lumière blanche), et la dernière vire entre le jaune et le clair sous la lumière.
Sur la lancée, le groupe a décidé de déterminer si A. victoria, l’espèce qui avait permis la découverte de la GFP, ne cacherait pas d’autres protéines fluorescentes qui n’avaient jusqu’à présent jamais été détectées. Résultats : ils en ont identifiées quatre nouvelles. Cette découverte pourrait permettre l’élaboration de nouvelles méthodes de mesure d’expression génique, et de complémenter celles déjà existantes.
Mais ce qui a le plus d’intérêt pour les chercheurs dans toutes ces trouvailles est que certaines des protéines fluorescentes des deux méduses ont un pic d’excitation et d’émission proche, ce qui signifie qu’elles absorbent et émettent la fluorescence à des longueurs d’ondes très spécifiques. Cette caractéristique pourrait faciliter l’étude de plusieurs gènes en même temps, en les distinguant par des couleurs différentes.
De plus, l’une d’entre elles, qu’ils ont nommée AausFP1, brille cinq fois plus que la GFP et conserve sa fluorescence beaucoup plus longtemps. Alors que la GFP n’est visible que quelques heures, AausFP1 tient en moyenne deux jours et demie.
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« Les protéines fluorescentes sont un peu comme un couteau suisse : tout le monde en fait un usage différent selon ce qu’il cherche à étudier », ajoute Shaner. « Mais les plus brillantes sont toujours les meilleures pour à peu près tout le monde. Espérons que cela permettra aux gens de voir des choses qu’ils ne pouvaient pas observer auparavant ».
Bien que ces nouvelles protéines semblent être déjà utilisables, de nombreuses modifications devront être réalisées avant leur utilisation dans les méthodes d’imagerie, afin de les rendre par exemple plus faciles à manipuler dans les cellules, ou bien encore d’accroître leur fluorescence.