De nombreuses études ont signalé une baisse de la qualité du sperme et d’autres marqueurs de la santé reproductive masculine durant la dernière décennie, à travers le monde. Récemment, des chercheurs ont comblé les lacunes dans les données de l’Asie, l’Afrique, l’Amérique centrale et du Sud, démontrant que la baisse de près de 50% du nombre de spermatozoïdes est une réalité sur tous les continents, menaçant de fait la survie de l’humanité à long terme. Les principales causes seraient nos modes de vie et la crise environnementale que nous avons déclenchée.
Le fardeau économique et sociétal de l’infertilité masculine est désormais largement reconnu. De plus, des preuves de plus en plus solides établissent un lien entre la réduction du nombre et de la concentration de spermatozoïdes et l’augmentation de la mortalité et de la morbidité toutes causes confondues. D’ailleurs, la baisse du nombre de spermatozoïdes s’accompagne d’une baisse de la testostérone et d’une augmentation du cancer intestinal et des anomalies génitales masculines.
En 2017, une revue systématique de toute la littérature de 1981 à 2013 a été publiée concernant le nombre de spermatozoïdes à travers plusieurs continents (Amérique du Nord, en Europe, en Australie/Nouvelle-Zélande). Mais les données étaient déjà quelque peu dépassées et surtout incomplètes pour le reste de la planète.
Néanmoins, cette étude a mis en alerte la communauté scientifique sur la tendance à la baisse du nombre de spermatozoïdes. L’enjeu était donc de savoir premièrement si cette baisse était mondiale, et deuxièmement si cette tendance était continue ou seulement transitoire.
Par conséquent, une nouvelle recherche documentaire, menée par une équipe internationale, dont les auteurs principaux sont ceux de l’étude de 2017 (de l’Université de Jérusalem), a été réalisée en 2020 pour identifier les études, dans ce domaine, publiées entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2019. Leurs résultats et les tendances jusqu’en 2019 sont publiés dans la revue Human Reproduction.
Un signal d’alarme pour la santé
Le nombre de spermatozoïdes est un indicateur non seulement de la fertilité d’un homme, mais aussi de sa santé. Comme mentionné précédemment, un faible nombre de spermatozoïdes peut indiquer une augmentation du risque de morbidité.
La nouvelle étude a compté plus de 10 000 articles scientifiques examinant la qualité du sperme entre 1973 et 2018. Après un processus de sélection, les chercheurs ont utilisé les données de 223 études dans 53 pays, puis ont examiné les tendances de la qualité du sperme au cours de cet intervalle de temps. Les auteurs se sont concentrés sur les données des hommes dans des régions non examinées auparavant, en particulier l’Amérique du Sud, l’Asie et l’Afrique.
Les données montrent, pour la première fois, que les hommes de ces régions partagent la baisse significative observée dans la précédente étude en Amérique du Nord, en Europe et en Australie. En effet, les résultats indiquent une diminution d’environ 50% du nombre de spermatozoïdes et du nombre total de spermatozoïdes entre 1973 et 2018.
La recherche a également révélé que la concentration de spermatozoïdes avait diminué de 52% dans la population mondiale générale et que le nombre total de spermatozoïdes avait diminué de 62% au cours de toute l’étude. Les auteurs soulignent un déclin accéléré après 2000.
Le professeur Shanna Swan de l’école de médecine Icahn de Mount Sinai (New York) et co-auteur de l’étude, souligne que le faible nombre de spermatozoïdes n’affecte pas seulement la fertilité des hommes, mais a de graves ramifications pour leur santé, regroupées sous le nom de syndrome de dysgénésie testiculaire.
Elle explique dans un communiqué : « Les baisses troublantes de la concentration de spermatozoïdes chez les hommes et du nombre total de spermatozoïdes de plus de 1% chaque année, comme indiqué dans notre article, sont cohérentes avec les tendances défavorables des résultats pour la santé d’autres hommes, tels que le cancer des testicules, les perturbations hormonales et les malformations congénitales, ainsi que déclin de la santé reproductive des femmes. Cela ne peut clairement pas continuer sans contrôle ».
Nos modes de vie et la crise environnementale seraient la cause de ce déclin
Bien que l’étude actuelle n’ait pas examiné les causes de la baisse du nombre de spermatozoïdes, le professeur Hagai Levine de l’école de santé publique Hadassah Braun de l’Université hébraïque de Jérusalem, et co-auteur, souligne des recherches récentes indiquant que les perturbations du développement de l’appareil reproducteur pendant la vie fœtale sont liées à une altération de la fertilité à vie, et à d’autres marqueurs de dysfonctionnement de la reproduction.
De plus, Levine explique que ce sont nos choix de mode vie qui impactent grandement cette tendance. Les principaux facteurs sont le réchauffement climatique induit par nos activités, ainsi que la pollution de l’air. Cette dernière a d’ailleurs été mise en exergue dans la multiplication des cas de cancers récemment. L’exposition à des substances chimiques et pesticides, le tabagisme avant et après la naissance, le stress mental de nos sociétés et des pressions sociales ainsi qu’une mauvaise alimentation sont tout autant de causes expliquant les résultats négatifs de l’étude.
Le temps presse, avertit Levine. Si cette diminution n’est pas enraillée ou du moins ralentie, elle pourrait menacer la survie de l’humanité. Il ajoute : « Nous appelons de toute urgence à une action mondiale pour promouvoir des environnements plus sains pour toutes les espèces et réduire les expositions et les comportements qui menacent notre santé reproductive ».